Une utopie hors d’atteinte…

Cela n’a pas traîné. Il a suffi de quelques heures aux militaires égyptiens pour prouver à ceux qui en doutaient qu’on peut rarement compter sur l’armée pour conduire la marche vers la démocratie. Après le massacre de lundi, 51 morts au total, tombés pour la plupart sous les balles des militaires et de la police, l’Egypte paraît plus déchirée que jamais, et la paix civile plus éloignée encore qu’avant le putsch. Ce massacre marque même un retournement, dont pourraient profiter in fine les Frères musulmans. Il y a quelques jours à peine, le mouvement islamiste au pouvoir semblait engagé dans une dérive autoritaire, refusant d’entendre les aspirations de la société égyptienne, plus soucieux d’imposer progressivement des préceptes religieux rétrogrades que de préserver les libertés fondamentales. Des millions d’Egyptiens se soulevaient contre lui pour défendre leur révolution, l’armée libératrice était acclamée par la rue. Cinquante morts plus tard, il reste un putsch militaire contre un mouvement porté au pouvoir par les urnes… des manifestants massacrés dans les rues par une armée tyrannique, discréditée dans la nécessaire démarche d’apaisement et  de réunification de la société égyptienne. Il y avait deux camps: celui de l’islam au pouvoir, et celui d’une société civile défendant ses libertés. Désormais s’opposent un pouvoir mis en place par la force des armes, et un mouvement religieux persécuté, qui pourrait retrouver dans cette nouvelle situation une partie de sa légitimité perdue dans l’exercice théocratique du pouvoir. La fragile tentative d’associer certains représentants d’un islam modéré à la reconstruction démocratique a volé en éclats à la suite des incidents. L’annonce d’élections législatives anticipées par le nouveau président, mis en place par les putschistes, a été aussitôt rejetée par les islamistes, bien sûr, qui ne lui reconnaissent aucune légitimité, mais aussi par le mouvement de rébellion Tamarrod à l’origine de la contestation anti-islamiste, qui dénonce une attitude “dictatoriale”. Bref, le processus politique est dans une impasse. La paix civile une utopie hors d’atteinte. Qui va pouvoir sortir l’Egypte de ce mauvais pas, après ce double échec des islamistes et de l’armée?

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