Consensus international

Bien sûr, on ne peut totalement exclure une macabre mise en scène. On se souvient de la façon dont en 1989 l’ensemble de la presse mondiale avait été abusée, au moment de la chute de Ceaucescu, en Roumanie, par la soi-disant découverte de charniers recélant des milliers de cadavres, avant de comprendre qu’il s’agissait de propagande. Mais les images dans leur horreur sont troublantes et semblent bien démontrer ce qu’affirment les opposants syriens. Assad aurait bien franchi une étape supérieure dans la terreur et la barbarie, en gazant massivement des populations civiles dans son propre pays. Hélas, que ce soit vrai ou faux, que Assad ait franchi ou pas cette “ligne rouge” dont parlait Obama, cela ne changera pas grand-chose à l’issue de la guerre. Personne ne peut douter que le régime syrien soit capable sinon coupable de ce dont on l’accuse aujourd’hui. Personne ne peut douter non plus du fait que la communauté internationale laissera dans tous les cas les Syriens s’entretuer jusqu’au dernier. L’impuissance de l’ONU n’est plus à démontrer. Fallait-il pour autant y ajouter, le ridicule, la pantomime sordide d’inspecteurs réduits au silence par le pouvoir syrien, autorisés par lui à enquêter sur des supposés sites d’anciennes attaques chimiques, pendant que sous leurs yeux ou presque on massacre femmes et enfants sans discernement. Quelle humiliation! “Il faut d’urgence enquêter parce que si c’est vrai c’est très grave”, nous disent sur tous les tons depuis 48 heures les responsables politiques occidentaux. C’est cela, enquêtons, enquêtons… Et laissons croire que si par cas… on pourrait faire un malheur. Mais personne ne fera rien. Une bonne fois pour toutes la situation est bloquée. Les Russes sont allés trop loin pour lâcher Assad, quoi qu’il fasse, quelles que soient les limites qu’il franchit dans la barbarie. Et ni les Américains, ni les Européens, ne défieront jamais Poutine sur ce terrain. Ils se contenteront au plus d’encourager saoudiens et qataris à refiler les armes qu’ils leur ont vendues aux insurgés syriens qui pourront ainsi faire durer encore quelques mois ou années cette guerre sanglante. C’est le seul consensus international qui semble possible sur la crise syrienne. Les russes arment le régime, qui est soutenu par le camp chiite irano-irakien-libanais. Les régimes sunnites de la région arment les rebelles avec la bénédiction des occidentaux, et l’on fera une conférence internationale de paix et de reconstruction à la fin, quand les deux armées qui s’affrontent estimeront que suffisamment de civils ont été massacrés. Cela rappelle la guerre Iran-Irak, déjà entre sunnites et chiites, où les deux camps avaient bénéficié de suffisamment de soutien en armement pour que la guerre dure huit ans sans qu’aucun camp l’emporte, sinon celui des cimetières: 1,2 millions de morts. En Syrie on vient de franchir la barre des 100 000 morts, mais cela peut encore durer longtemps.

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