Une nouveau mur a été enfoncé, une défense immunitaire de nos sociétés a sauté, nous ramenant quelques décennies en arrière. En Grèce d’abord, puis en Irlande, qui sait, demain peut-être ailleurs. Des représentants de l’ordre public ont estimé à trois reprises qu’il était louche, et dangereux pour l’ordre public en question, qu’un enfant ne ressemble pas à ses parents, lorsque ceux-ci sont roms. On a ainsi retiré à des parents la garde de leur enfant, de façon temporaire, parce que celui-ci était blond comme les blés, et avait des yeux clairs. Comme des millions d’enfants, mais pas comme des enfants de roms, ont estimé quelques fonctionnaires physionomistes! “A qui l’avez vous volé?” leur a-t-on probablement demandé en grec ou en anglais avant de mettre l’enfant “en sécurité” dans une institution. Bien sûr, en Irlande au moins, on s’est ensuite excusé. Ensuite, c’est à dire après avoir reçu le résultat des tests ADN qui établissait scientifiquement la parenté biologique. Les deux enfants blonds irlandais étaient bien les fils de leurs parents, et pas les victimes de voleurs d’enfants, on les a autorisés à retourner chez eux. Vive les tests ADN, dernier garde-fou en 2013 au délit de faciès. Il y a quelques décennies, faute d’élément scientifique probant, on aurait probablement définitivement retiré ces enfants, trop blonds pour descendre de tziganes, à leurs parents. Aujourd’hui, le laboratoire est là pour éviter l’erreur fatale. Mais c’est bien le seul progrès. Pour le reste, les plus anciens des tziganes habitant dans les camps irlandais ou grecs concernés, ont sans doute eu le sentiment d’être violemment tirés en arrière. Rattrapés par un passé que l’on voulait tous croire oublié. De retour dans un monde, où il est préférable d’avoir la tête de l’emploi. Où les roms ne peuvent pas être des parents comme les autres, où la présomption d’innocence n’existe pas pour eux, où l’on sait tout d’eux sans les connaître, et où les mieux pensants sont convaincus qu’ils appartiennent à une ethnie qui ne pourra jamais s’adapter dans nos pays. Cela se passe en Europe, aujourd’hui. Et cela fait froid dans le dos! C’est pour cela que l’on devrait s’interdire définitivement de jouer avec certains mots, d’attiser ou justifier certaines peurs collectives anciennes, plus ou moins assumées, que l’on soit de droite, de gauche, ou d’ailleurs.