Il y a deux ans, alors que les sondages semblaient promettre l’Elysée à François Hollande, et que Laurent Fabius avait été chargé de préparer le programme des premières mesures à prendre en cas de victoire, l’actuel ministre des affaires étrangères concédait volontiers en privé son inquiétude: “on ne voit vraiment pas quoi faire face à pareille crise…” Après dix huit mois au pouvoir, l’histoire lui donne raison, au delà sans doute de ce qu’il imaginait. Perdu entre les murs d’incompréhension et de frustration érigés en réponse à ses choix politiques, pourtant validés par les urnes, François Hollande cherche en vain le fil d’Ariane qui lui permettra de trouver une sortie du labyrinthe. Mais fil après fil la pelote s’est embrouillée, jusqu’à devenir un inextricable sac de nœuds. En soi chacune des mesures adoptées depuis son arrivée au pouvoir n’était pas incohérente. La plupart, sortait d’ailleurs de son programme présidentiel, et étaient donc sans surprises. Elles ressortaient toutes d’un socialisme modéré, tempéré, tel qu’Hollande l’avait “vendu” aux électeurs. Un peu de lutte contre les inégalités, un peu de combat contre les déficits, un zeste d’écologie, une dose de progrès sociétal, le tout financé par un effort fiscal de tous, mais en pesant un peu plus sur les plus riches. Mi-père fouettard, mi-bon enfant, le président “normal” espérait conduire en douceur le pays vers un amorce de redressement économique. C’est raté! Il voulait “apaiser” le pays, ressouder une société française malmenée par son prédécesseur, tout au contraire: les plaies n’ont jamais paru si béantes, le tissu social est en lambeaux. A ce stade, le déni d’échec, compréhensible, conduit la gauche à se demander à qui la faute. A l’extrême droite qui se déguise de bonnets rouges, nous dit-on. A la droite qui n’a cessé de souffler sur les braises de l’opposition catho bien-pensante au mariage pour tous. C’est un peu vrai. A la crise économique qui est pire que prévu par Fabius il y a deux ans. Sans doute. Aux agences de notation qui reprochent à Hollande les conséquences -croissance insuffisante- des mesures -réduction des déficits- qu’elles exigeaient de Sarkozy. Peut-être. Mais les faits sont là, brutaux. Le tocsin sonne à toute volée. La France s’enflamme, de la Bretagne au Nord et au midi, les écoles sont en grève, les routiers font l’escargot, les artisans hurlent au génocide, les paysans sont en colère, les lycéens refusent les expulsions, les chefs d’entreprise défilent avec leurs employés contre l’Etat, le ras le bol des impôts, litanie rabâchée par les médias et l’opposition depuis des mois, devient un fait de société et envahit les rues. C’est la confusion générale. Personne ne sait plus vraiment quel est son camp, ni quelles sont les valeurs qu’il défend. La droite est contre l’écotaxe qu’elle avait inventée, Ségolène Royal félicite les bonnets rouges, puis se rétracte… jusqu’à Mélenchon, qui oubliant d’où il vient, promet de prendre la tête de la révolte contre les impôts. Plus ou moins spontanément, en jouant sur la caisse de résonance de l’internet, les frustrations et angoisses se fédèrent à la grande joie de l’opposition de droite. La tornade du mécontentement est en train de se former, qui menace de balayer un gouvernement qui semble n’avoir pas compris qu’il ne s’en sortira pas en faisant le dos rond. On commence par brûler les portiques de l’écotaxe, devant l’Etat passif. Puis on brûle les radars, pendant que la police regarde de l’autre côté… Demain les perceptions? C’est l’autorité même de l’Etat qui est atteinte. Le sentiment d’injustice fiscale se propage, générant un rejet du gouvernement, et de l’autorité de l’Etat, à la façon d’une réaction en chaîne. La cote d’alerte est dépassée. Dans son bureau élyséen, François Hollande doit se sentir bien seul. Dans son agenda, le printemps 2014 avec ses élections municipales, était une échéance politique essentielle. Comme le redressement de la courbe du chomage qu’il guette depuis 18 mois. Trop tard! Il n’est plus temps d’attendre l’une comme l’autre. C’est maintenant tout de suite que le Président doit trouver une issue. Avant que la marmite n’explose.