Fuite en avant?

Et si le fond n’était pas encore atteint? Si la gauche poursuivait son sabordage? L’hypothèse ne paraissait pas totalement absurde ce lundi. Jean Vincent Placé le leader écologiste annonçait déjà que le pacte de responsabilité était “invotable en l’état”. Au sein même du PS, les plus à gauche jugent eux que “le pacte est mort-né”, tandis que Christian Paul, député socialiste de la Nièvre annonce que “la confiance n’est pas automatique” laissant entendre que le futur gouvernement pourrait ne pas passer l’obstacle du vote de sa majorité.

Et voilà! Après la débâcle électorale, la fuite en avant suicidaire! Ecologistes et ultra-gauche ont effectivement les moyens de contraindre un Hollande très affaibli par sa déroute, à changer de cap. A donner un coup de barre à gauche pour mener une politique supposée plus sociale à court terme. Pour revenir à une politique de la demande, dont on sait déjà qu’au delà de l’amélioration de la situation des plus modestes, évidemment positive, elle profiterait d’abord aux importations. Avec les conséquences que l’on peut imaginer: une dérive encore plus rapide des déficits, une aggravation du manque de compétitivité de nos entreprises, et donc une poursuite de la dégradation de l’emploi. Au final: un discrédit définitif du président socialiste, incapable d’imposer sa ligne à ses troupes, et plus largement de la gauche qui auront démontré en moins d’un quinquennat sont incapacité à gérer le pays en temps de crise.

Evidemment Hollande n’est pas obligé de céder aux injonctions des Placé, Mélenchon, ou Christian Paul qui ont plus démontré jusqu’ici leur goût pour la démagogie, que leur capacité à résoudre les difficultés. Même si, à quelques heures d’un changement de gouvernement, alors que le Parti-socialiste semble plus que jamais errer comme un canard sans tête, tant le leadership de son premier  secrétaire est fantomatique, le ministère de la parole pèse d’un certain poids.

Imaginons que le président décide de passer outre, se raidisse dans ses bottes, et maintienne son pacte de responsabilité. Poursuive dans sa volonté de réduire le train de vie de l’Etat en faisant encore un peu plus d’économies pour tenir compte du déficit 2013 qui finalement est pire que prévu. Que ferons nos bateleurs d’estrades de gauche? Avaleront-ils leur chapeau, et avec, la prescription très amère du docteur Hollande? Ou alors choisiront-ils de passer directement de la Bérézina à la case Waterloo? En ne laissant à Hollande que la solution de dissoudre, et donc d’ouvrir les vannes à une nouvelle vague bleue… au parlement cette fois-ci.

Nous n’en sommes pas encore là. Mais plus que jamais, la gauche est au pied du mur. Face à un choix simple dans ses termes mais extrêmement douloureux par le déchirement qu’il implique pour elle. Gérer le pays au mieux en attendant l’hypothétique bénéfice social d’un allègement des charges des entreprises, ou prendre la voie rapide qui lui donnera bonne conscience mais mène inexorablement au désastre économique et politique. Début de réponse ce soir avec l’intervention présidentielle.

 

Quand la gauche s’autodétruit

Comment peut-il desserrer l’étau? Rarement Président de la République aura semblé dans une telle impasse. Avant même de connaître le résultat du deuxième tour, l’équation était connue. Et la solution improbable.

Elan brisé

Premier constat: l’élan qui avait porté Hollande à l’Elysée est brisé. Sans doute de façon inexorable. Or sans élan, on ne peut créer dans le pays les dynamiques nécessaires aux réformes. Les espérances dont le Président avait été porteur, ont fini par être déçues. Et c’est un paradoxe. Le gouvernement d’Ayrault a fait des réformes, plutôt nombreuses. Une grande partie des engagements de campagne de Hollande ont été tenus, même s’il y a eu des oublis en chemin. Sur ce qui était annoncé comme le principal marqueur du quinquennat, le mariage pour tous, le cap a été tenu, contre la droite et l’extrême-droite, contre la rue catholique. Mais aussi contre tous les maximalistes : les militants de la cause gay qui voulaient aussi et la PMA et la GPA. Les militants tout court que l’on trouve à sa gauche ou au sein même du Parti Socialiste, qui sont convaincus qu’un gouvernement “social-libéral” , comme ont dit maintenant, ne peut que trahir leurs aspirations, c’est à dire, excusez du peu, celles du peuple.

Et la litanie des trahisons s’allonge. La politique d’immigration? Trahison! La preuve: on a continué à expulser autant qu’avant. Et le gouvernement se trouve sur ce sujet comme tant d’autres face à la double accusation: laxiste pour la droite et l’extrême droite, sarkozien pour la gauche. Evidemment, pas un des contempteurs de gauche de la politique menée par Manuel Vals n’a de solution à proposer. Tous admettent qu’on ne peut pas accueillir tous les migrants du monde, mais tous exigent qu’on cesse d’expulser… Facile, y a qu’à ! Comme si un gouvernement de gauche n’était pas là pour gérer, mais pour faire vivre les rêves.

C’est ainsi, sous l’accusation d’avoir trahi la classe ouvrière, sous la pression de députés socialistes qui trouvaient le projet trop favorable aux entreprises, mais aussi avec la crainte de décourager les investisseurs, que le gouvernement à bricolé tant bien que mal un texte bancal sur les licenciements boursiers. Le résultat est connu. Le conseil constitutionnel l’a renvoyé à ses études, et la cote de crédibilité du pouvoir, déjà au plus bas, s’est encore enfoncée.

Houlette inconsistante

Aujourd’hui tous les voyants sont au rouge ! Les électeurs de gauche boudent les urnes, laissant le champ libre à ceux du Front National. Le gouvernement espérait une reprise économique ? Elle montre le bout de son nez, mais la situation de l’emploi se dégrade encore. Le pacte de responsabilité, sur lequel mise François Hollande pour inverser enfin la courbe du chômage, est dénigré autant à sa gauche qu’à sa droite. Et les ministres, dont on ne compte plus les dérapages, contradictions, et tergiversations, affichent pour certains une indigence désolante : à la veille du second tour, c’est la qualité des repas à l’Elysée qui défraye la chronique.

Avant le premier tour il paraît que l’entourage du président se demandait s’il était nécessaire de changer de premier ministre. A la veille du second, la vraie question était : est-ce qu’un changement de premier ministre peut encore enrayer la spirale auto-destructrice dans laquelle se trouve pouvoir.

Hollande est arrivé à l’Elysée avec un déficit d’autorité. Dénigré et moqué au sein même de son parti. Deux ans après, il n’a toujours pas repris, ou simplement pris la main. Le Parti socialiste sous la houlette inconsistante d’Harlem Désir, est une pétaudière ballotée par la tempête. Et le premier-ministre n’a toujours pas convaincu qu’il était plus qu’une doublure du président.

Mais il reste trois ans à tenir. Trois ans à tirer ! Qui ne pourront pas être dans la continuité des deux premières années du quinquennat. Hollande va devoir résoudre la quadrature du cercle. Briser l’étau dans lequel il s’est enfermé. Le « Président normal » c’était hier. Aujourd’hui, il va devoir prouver qu’il est le patron. Qu’il est capable de tenir la barre, seul ou presque dans la tempête. Contre tous s’il le faut. De mener une politique qui conduit le pays quelque part, même si ce n’est pas tout à fait la destination prévue initialement. Même au milieu des quolibets venus de sa gauche comme de sa droite. Même au plus bas dans les sondages. Pas pour être réélu, on n’en est évidemment pas là. Mais juste pour éviter que la situation du pays ne se dégrade encore malgré lui.

Le fracas et la fureur…

Bon. La claque est là, pour le PS, comme prévu. Une “raclée”, même, comme l’avait fortement réclamé pendant sa campagne Jean-Luc Mélenchon, le leader du parti de gauche, qui renchérit aujourd’hui en parlant d’une “double raclée”! Une façon de dire qu’il a lui même doublement gagné? Car Mélenchon voit dans les résultats du week-end toutes les raisons d’espérer. Ses listes ont en réalité fait un meilleur résultat… que celles du Front National, conclue-t-il d’un calcul savant. Hélas, les médias, toujours malveillants à son égard, refusent de dire la vérité.

Bien sûr, côté malveillance les champions sont toujours au PS. Et à Paris en particulier. Anne Hidalgo aurait mal reçu le Parti de Gauche, “dans un placard à balais”, nous dit Mélenchon, qui promet déjà que le peuple saura venger cet affront… au second tour. Bref, Jean Luc Mélenchon semble espérer maintenant une troisième raclée pour le PS, qui n’a pas su lui dérouler le tapis rouge. En fait cette colère du leader du Parti de Gauche cache mal la désillusion du champion “du bruit et de la fureur”. Pour l’instant sa tactique de terre brûlée -tirer à boulets rouges à longueur de temps sur le PS, pour appeler ensuite à un désistement républicain en se pinçant le nez- porte peu de fruits électoraux. Mais il est vrai que l’élection municipale est toujours peu favorables aux minorités, et qu’il peut espérer se refaire aux européennes, tout comme Marine Le Pen peut espérer y accentuer son avantage.

Pour l’instant, l’évènement du scrutin, il faut bien sûr le chercher du côté de Henin-Beaumont, où Steeve Briois a été élu dès le premier tour, et donc est majoritaire dans l’électorat. Un endroit où Mélenchon avait fait aussi parler “le bruit et la fureur” lors de législatives, en défiant sans succès Marine Le Pen, avant de partir rouler sa bosse ailleurs. Et au final c’est le tumulte et le fracas de l’extrême droite qui retentissent.

Ce n’est pas vraiment une surprise, c’est plutôt une confirmation. A trop se focaliser sur Marine Le Pen, à en faire l’alpha et l’oméga de la politique française, à la façon du PS et du gouvernement, à lui offrir tant et tant de tribunes où exprimer ses obsessions dans les médias, à la désigner en permanence comme l’ennemi public numéro 1, à la défier publiquement à la façon de Mélenchon -Tapie avait fait exactement la même chose avec le père- pour attirer les caméras… A reprendre ses marottes, l’air de rien, tout en prétendant s’en démarquer, à la façon des Coppé, Fillon ou Sarkozy… Tous ont fini par déculpabiliser les discours d’exclusion, par légitimer le rejet des autres, en laissant penser qu’il pourrait s’y nicher une alternative à la politique actuelle, menée par le gouvernement, et rejetée pour l’heure par une majorité de l’électorat. En appelant aujourd’hui au “Front Républicain” contre le FN, nous allons remettre une pièce dans le bastringue… Et continuer à faire tout comme avant, le gouvernement comme l’opposition, ou les médias. Et la raclée d’hier restera alors comme un simple avant-goût de la tragédie qui nous menace dans quelques mois, lorsque nous devrons peut-être admettre qu’une majorité, relative, de Français ne veut plus croire en cette Europe qui devait être notre nouvelle frontière.

Sarkozy, bec et ongles

La berslusconisation de Nicolas Sarkozy s’accélère. En exhalant sa colère dans une tribune publiée par le Figaro, il achève de se défaire de la dignité et de la hauteur dont il avait un temps imaginé forger sa stature de recours républicain. Excessif, son plaidoyer ressemble à s’y méprendre aux torrents de rancœur anti-juges et anti-journalistes dont Berlusconi a abreuvé les italiens ces dernières années. Si les deux cas ne sont pas comparables, d’un point de vue moral et juridique, ils le sont par les réflexes profondément anti-républicains qui animent les deux hommes lorsqu’ils se sentent en danger.

Qu’on soit clair: Nicolas Sarkozy a des raisons d’être en colère que des juges l’aient espionné pendant plus de six mois. Les écoutes téléphoniques, lorsqu’elles ne sont pas justifiées par la volonté de mettre le public à l’abri d’un danger potentiel, ne sont pas justifiables. On peut admettre que les magistrats mettent sur écoute un dangereux criminel voire un supposé terroriste, pour l’empêcher de nuire. Mais que l’on espionne un homme politique, quel qu’il soit, parce qu’on le soupçonne d’un trafic d’influence, ne devrait pas être possible en démocratie. Les moyens employés devraient être proportionnés à la menace: le recours aux écoutes rester une arme ultime d’auto-défense de la société.

Il reste qu’en espionnant Nicolas Sarkozy, les juges n’ont fait qu’appliquer la loi. Une loi que l’ancien président aurait largement pu faire modifier du temps où il dirigeait le pays, afin d’éviter la dérive est-allemande qu’il dénonce aujourd’hui. Et il est vrai que le principe de respect de la vie privée, dont l’ancien président se fait aujourd’hui le dernier rempart, a été bien mis à mal depuis des années, tantôt par son propre gouvernement, lorsqu’il s’agissait par exemple de mettre au jour de façon illégale les sources des journalistes, tantôt tout simplement par une dérive technologique liberticide de la société, qui fait qu’au nom de la sécurité, les services de renseignements occidentaux se croient maintenant autorisés à espionner chacun d’entre nous sans vergogne.

Se jeter dans la bataille politique aujourd’hui en dénonçant bec et ongles un complot contre sa personne et contre la démocratie, en vitupérant contre les juges, les journalistes, le gouvernement et tous ceux qui voudraient lui demander des comptes, n’est donc pas recevable. Cela ne pourra sans doute qu’accélérer sa chute d’un piédestal d’où il pensait pouvoir reconquérir l’Elysée. Comme Berlusconi, dont les multiples attaques contre la justice ont fini par se retourner contre lui. Il en est ainsi dans les démocraties, et la nôtre, malgré tous ses défauts, en reste une, celui qui prétend se placer au dessus des lois, finit souvent par être rattrapé par celles-ci.

 

La faute de la ministre

Bon d’accord! Ils mentent tous à un moment ou l’autre pour se tirer d’un mauvais pas. Personne n’a l’angélisme de penser que nos hommes politiques disent toujours la vérité. Il y a des mensonges d’Etat, nécessités par l’intérêt supérieur de la Nation, ou du moins l’idée qu’ils s’en font. Et puis les mensonges par omission, on nous cache tout on nous dit rien… De gros mensonges, de mauvaise foi flagrante, tellement visibles que personne n’ose finalement les leur reprocher. Des petits aussi, des tas de petites menteries quotidiennes, souvent même mesquines, qui permettent de contourner les questions embarrassantes, ou de se donner l’air de tout savoir… Mais, pourquoi celui-là?

Si l’on écarte les polémiques politiciennes, Madame Taubira est plutôt considérée comme une bonne ministre. Elle s’est sortie de guêpiers ingérables, comme le mariage pour tous, elle a tenu contre vents et Manuel Valls quelques unes des promesses du candidat Hollande, en commençant sa réforme de la justice. Son éloquence, sa pugnacité, son refus affiché des compromissions, lui attirent les ennemis, mais aussi l’admiration de beaucoup. Bref, la Garde des Sceaux, paraissait bien droite dans ses bottes. Et voilà qu’elle trébuche bêtement. Personne ou presque n’imaginait que des juges aient pu écouter l’ancien président de la République, avec l’aide, indispensable, des forces de police, sans doute aussi de quelques techniciens des télécoms, sans que l’information remonte jusqu’à elle. Sans que l’un ou l’autre informe son supérieur hiérarchique, qui lui-même…

Alors pourquoi nier? Pourquoi s’engager dans un mensonge qui ne pouvait qu’être éventé en quelques heures? Peut-être parce qu’à force de camper sur des principes, difficiles à garantir, celui de l’indépendance de la justice en l’occurrence, elle a fini par confondre intentions et réalité? Sans doute parce qu’elle n’a pas cherché à se mêler directement du travail des juges, et s’est bornée à prendre note des informations qu’on lui remontait… Evidemment parce qu’elle ne se sentait coupable de rien. Mais au final le résultat est catastrophique. Car ce mensonge là, est le mensonge de trop. Il rappelle inévitablement, dans une affaire sans commune mesure, celui d’un autre ministre, qui avait voulu cacher ses turpitudes financières. Et il entache une nouvelle fois la promesse d’exemplarité de la République qu’avait fait François Hollande au pays avant son élection. Lui Président… les ministres mentent encore!

Même si elle tente aujourd’hui de s’en sortir en disant qu’elle était au courant sans l’être vraiment, qu’elle ne connaissait ni les dates ni le contenu, qu’il y a tout au plus un malentendu… c’est une faute politique. On pourrait même dire une double faute. Car au delà du discrédit qu’elle engendre pour elle-même et son propre camp, Christiane Taubira fournit une arme formidable à l’opposition. L’incendie était dans le camp adverse, elle fournit elle-même l’extincteur. Et les dirigeants de l’UMP n’ont pas tardé à s’en saisir. Alors même qu’il est mis en cause et soupçonné de trafic d’influence, c’est Nicolas Sarkozy qui se retrouve en situation de victime, d’une affaire d’espionnage politique organisée par le gouvernement! Et c’est Jean-François Copé, hier encore empêtré dans ses factures de complaisance, qui joue le rôle du procureur. C’est triste pour Christiane Taubira pour qui la séparation des pouvoirs n’est probablement pas un vain mot. C’est une fois de plus dramatique pour le climat politique dans ce pays. On s’enfonce dans une pétaudière, où ne surnageront à la fin que les populistes.

Sarkozy et le système immunitaire

Est-il normal que des juges mettent sur écoute un ancien président de la République? C’est en tout cas légal. Dans la mesure où le délit dont il était soupçonné au moment de sa mise sur écoute, en l’occurrence avoir fait financer sa campagne de 2007 pour partie par Kadhafi, lui vaudrait potentiellement plus de deux ans de prison. Nicolas Sarkozy étant redevenu un justiciable comme les autres, il n’y a aucune raison de principe de dénoncer le comportement des juges.

Est-il normal dans une démocratie de violer le secret des conversations entre un justiciable et son avocat? Là encore la réponse légale est oui, mais évidemment, sur le plan des principes la réponse ne va pas de soi. Comment un avocat peut-il assurer la défense de ses clients, s’il ne peut plus avoir d’échanges confidentiels avec eux? En outre, cette mesure extrême, et attentatoire aux libertés, ne devrait-elle pas être réservée aux affaires dans lesquelles la sécurité du public est en question?

Ce n’est évidemment pas le cas dans les affaires concernant Nicolas Sarkozy, saut à considérer que son retour en politique ferait courir un grand danger à la nation… Ce qui ne peut être un point de vue de magistrat. Alors comment comprendre ce recours par les juges à cette mesure extrême? A droite on a vite trouvé la réponse à la question. La même que pour l’affaire des factures de complaisance de Jean-François Copé, et pour toutes les procédures visant des responsables de l’UMP: il s’agirait d’une grossière manipulation politique montée par un pouvoir ayant perdu toute crédibilité. Et Bernard Debré de dénoncer une action relevant “du KGB”!

On doit bien reconnaître que la multiplication des affaires concernant la droite, et surgissant à moins d’un mois d’une échéance électorale, a de quoi rendre parano plus d’un responsable de l’UMP. Pas facile de mener campagne en étant constamment sur la défensive. Mais il n’y a pas de complot pour autant. Car si les juges sont à l’origine d’une partie des affaires en question -c’est bien leur rôle d’enquêter- le climat délétère actuel qui entoure l’UMP, résulte plus de querelles, rivalités et règlements de comptes, internes à l’UMP, que d’interventions extérieures de déstabilisation. On peut parier que ses responsables y mettent plus d’acharnement que ses adversaires à lui nuire. Ce qu’on appelait en d’autres temps la “machine à perdre” de “la droite la plus bête du monde”, pour reprendre la formule inusable de Guy Mollet…

Reste “l’acharnement” des juges contre Nicolas Sarkozy, dénoncé par ses amis, et qui ne date pas du mois dernier: Bettencourt, Karachi, financement libyen, sondages de l’Elysée, comptes de campagne…  Il y a comme une compétition entre magistrats, à celui qui parviendra le premier à mettre en examen l’ex-président. Une situation bien connue d’un autre ex: Silvio Berlusconi. Lui aussi se dit victime d’un acharnement judiciaire, lui aussi est la cible des magistrats. Bien sûr la comparaison s’arrête à ce sentiment d’acharnement. Les excès, abus, tricheries, fraudes voire escroqueries, qui sont reprochés au “Cavaliere” italien sont sans commune mesure avec les mises en causes que subit Nicolas Sarkozy. Mais tous deux ont un point en commun: leur combat sans relâche contre la justice. Leur volonté de la mettre au pas du politique.

Tous deux ont la conviction que le pouvoir de ceux qui ont la légitimité du suffrage universel doit s’imposer à celui des juges, qu’une élection vaut un non-lieu. Tous deux ont tenté de réformer le système judiciaire de leur pays pour réduire l’indépendance des juges. Tous deux en ont fait les frais.

On a encore en mémoire les diatribes de Nicolas Sarkozy contre le laxisme des juges, les menaces de sanctions contre eux. Son projet de loi supprimant les juges d’instruction est encore chaud, et pourrait bien réapparaître, en cas de victoire de la droite en 2017. Président, Sarkozy avait mis les juges, qui se sentaient menacés dans leur indépendance, sur le pavé. Aujourd’hui il a perdu la belle et scandaleuse immunité qu’offre la République à ses présidents, et le boomerang en revient vers lui d’autant plus violemment.

C’est peut-être injuste: on le saura à la fin des procédures. Sans doute excessif, et en tout cas destructeur pour la droite. C’est incontestablement du pain béni pour le Front National de Marine Le Pen, et son discours populiste. Mais c’est aussi une raison de plus de croire en la force de notre système démocratique. Lorsque les politiques oublient que la séparation des pouvoirs est l’alpha et l’oméga de la démocratie, et tentent d’inféoder le pouvoir judiciaire, c’est le système immunitaire de notre République qui se met en marche, et la réaction est à la mesure de l’outrage.