Sarkozy, bec et ongles

La berslusconisation de Nicolas Sarkozy s’accélère. En exhalant sa colère dans une tribune publiée par le Figaro, il achève de se défaire de la dignité et de la hauteur dont il avait un temps imaginé forger sa stature de recours républicain. Excessif, son plaidoyer ressemble à s’y méprendre aux torrents de rancœur anti-juges et anti-journalistes dont Berlusconi a abreuvé les italiens ces dernières années. Si les deux cas ne sont pas comparables, d’un point de vue moral et juridique, ils le sont par les réflexes profondément anti-républicains qui animent les deux hommes lorsqu’ils se sentent en danger.

Qu’on soit clair: Nicolas Sarkozy a des raisons d’être en colère que des juges l’aient espionné pendant plus de six mois. Les écoutes téléphoniques, lorsqu’elles ne sont pas justifiées par la volonté de mettre le public à l’abri d’un danger potentiel, ne sont pas justifiables. On peut admettre que les magistrats mettent sur écoute un dangereux criminel voire un supposé terroriste, pour l’empêcher de nuire. Mais que l’on espionne un homme politique, quel qu’il soit, parce qu’on le soupçonne d’un trafic d’influence, ne devrait pas être possible en démocratie. Les moyens employés devraient être proportionnés à la menace: le recours aux écoutes rester une arme ultime d’auto-défense de la société.

Il reste qu’en espionnant Nicolas Sarkozy, les juges n’ont fait qu’appliquer la loi. Une loi que l’ancien président aurait largement pu faire modifier du temps où il dirigeait le pays, afin d’éviter la dérive est-allemande qu’il dénonce aujourd’hui. Et il est vrai que le principe de respect de la vie privée, dont l’ancien président se fait aujourd’hui le dernier rempart, a été bien mis à mal depuis des années, tantôt par son propre gouvernement, lorsqu’il s’agissait par exemple de mettre au jour de façon illégale les sources des journalistes, tantôt tout simplement par une dérive technologique liberticide de la société, qui fait qu’au nom de la sécurité, les services de renseignements occidentaux se croient maintenant autorisés à espionner chacun d’entre nous sans vergogne.

Se jeter dans la bataille politique aujourd’hui en dénonçant bec et ongles un complot contre sa personne et contre la démocratie, en vitupérant contre les juges, les journalistes, le gouvernement et tous ceux qui voudraient lui demander des comptes, n’est donc pas recevable. Cela ne pourra sans doute qu’accélérer sa chute d’un piédestal d’où il pensait pouvoir reconquérir l’Elysée. Comme Berlusconi, dont les multiples attaques contre la justice ont fini par se retourner contre lui. Il en est ainsi dans les démocraties, et la nôtre, malgré tous ses défauts, en reste une, celui qui prétend se placer au dessus des lois, finit souvent par être rattrapé par celles-ci.

 

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