683 personnes ont été condamnées à mort ce lundi par un tribunal égyptien. 683 d’un coup! Sans provoquer pour l’instant d’indignation mondiale. C’est la deuxième “fournée” de condamnations. Le mois dernier, ils étaient 529 condamnés eux aussi à la peine capitale! L’ONU avait alors protesté contre ce procès de masse. Dans les deux cas, les condamnés étaient accusés d’avoir participé à une manifestation interdite ayant entraîné la mort d’un policier. 1212 coupables pour un décès consécutif à l’attaque d’un commissariat. Une telle hérésie judiciaire serait incompréhensible dans tout autre pays. Or nous ne sommes pas chez UBU, mais en Egypte. Trois ans après la chute d’Hosni Moubarak, le dictateur renversé par son peuple assoiffé de libertés et de démocratie.
Qu’il est loin le printemps arabe! Qu’il est loin le cri d’espérance des jeunes égyptiens de la place Tahrir! La répression qui s’est abattue sur les islamistes égyptiens depuis que l’armée a repris le pouvoir est impitoyable. Bien pire que tout ce que Moubarak avait imposé à son peuple. 1400 manifestants favorables au président islamiste déchu Mohamed Morsi, ont été tués par la police et l’armée en dix mois. 15000 partisans des Frères-Musulmans ont été emprisonnés. Le mouvement auquel appartenait le premier président égyptien issu d’une élection libre a été décrété “organisation terroriste”. Tout cela au grand soulagement du monde entier, à qui les Frères Musulmans, leur projet d’introduire la charria dans la constitution égyptienne, leur soutien affirmé aux islamistes du Hamas… avaient donné des cauchemars.
Bien sûr, on aurait préféré que les militaires égyptiens soient un peu plus mesurés. Leurs promesses de rétablir la démocratie seraient sans doute plus présentables si le maréchal Sissi, chef des forces armées, n’était pas candidat à la prochaine présidentielle. Si un tribunal égyptien n’avait pas déclaré ce lundi hors la loi le mouvement du 6 avril, un groupe laïc de gauche ayant mené la révolte de la place Tahrir, et accusé aujourd’hui de “collusion” avec des ennemis de l’Egypte… Et si l’on condamnait un peu moins à mort.
Après la destitution par les militaires du président élu Mohamed Morsi, en juillet 2013, les Etats-Unis avaient suspendu leur aide militaire à l’Egypte, remplacés immédiatement par l’Arabie Saoudite. Mercredi dernier, les Américains ont repris leur financement de l’armée égyptienne… au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste.
Dans les faits les condamnations de ce lundi ne seront peut-être jamais exécutées. Hier un tribunal a déjà commué 492 peines de mort, prononcées le mois dernier, en emprisonnement à vie. Mais cette répression implacable contre le mouvement à qui les égyptiens avaient majoritairement accordé leurs voix laissera forcément des traces. A l’heure où l’on adopte des plans de prévention contre les rêves de guerre sainte de nos jeunes, magnétisés par les mouvements terroristes islamistes, l’exemple donné par l’Egypte, dans le silence embarrassé de la communauté mondiale, ne peut que fournir des arguments aux prédicateurs de la terreur.