Dénouer l’imbroglio ukrainien

Et Poutine fit un pas en arrière! Au moment où on s’y attendait le moins, alors que l’on se préparait à un nouveau coup de force du Tsar, que Washington multipliait les mises en garde et menaces de sanctions, il met de l’eau dans son vin. En appelant les russophones et/ou russophiles des régions de l’Est de l’Ukraine à mettre en sommeil leur projet de référendum sécessionniste, il détend un peu le ressort de la crise. Evidemment il ne faut pas pour autant tomber dans l’angélisme et imaginer que l’affaire est réglée, que le Kremlin a renoncé à déstabiliser son voisin, qu’il a cédé à la pression, aux sanctions, ou a la raison. Mais c’est un premier signe de détente venu de Moscou, il n’y en avait pas eu jusqu’ici dans l’affaire ukrainienne.

Evidemment les Ukrainiens ne vont pas cesser pour autant de prétendre que Poutine veut annexer l’est du pays comme il a annexé la Crimée, et réclamer un soutien sans faille des occidentaux. Quant au président russe il continuera de son côté à dénoncer un régime fasciste prêt à détruire son peuple, bien qu’en la matière, il ait peu de leçons à donner à quiconque depuis les exploits tchétchènes de l’armée russe. La propagande des uns répondra en tout cas à la propagande des autres, sans qu’il soit simple pour l’observateur moyen et non initié de séparer le bon grain de l’ivraie. On peut toutefois tenter de jouer au jeu des questions réponses.

1. L’annexion de fait de la Crimée par la Russie était-elle légitime? Les raisons invoquées par les russes sont de trois ordres. D’une part il fallait réparer une erreur de l’histoire, ou plus exactement de Krouchtchev qui avait rattaché la Crimée, culturellement et historiquement russe, à l’Ukraine. D’autre part, les nouveaux dirigeants de Kiev, arrivés au pouvoir par un coup d’Etat menaçaient de maltraiter les populations russes de Crimée. Tertio, la flotte russe dans la Mer Noire est basée en Crimée et donc la péninsule est stratégique pour le Kremlin. Trois raisons qui sont parfaitement audibles, mais qui ne suffisent pas à légitimer un coup de force contre un pays indépendant. Il ne peut y avoir d’ordre mondial si le respect des frontières des Etats n’est pas un dogme absolu.

2. Pourquoi les occidentaux soutiennent-ils depuis le premier jour un régime issu d’un coup d’Etat contre un président dont l’élection avait été jugée conforme aux standards démocratiques européens par les observateurs internationaux présents en Ukraine? Parce que le président Ianoukovitch s’était depuis comporté comme un tyran, et qu’on suppose qu’il a fait tirer sur la foule de ses opposants. Parce qu’il avait refusé les avances de l’Europe pour se rapprocher du grand-frère russe. Aussi sans doute parce que les chancelleries occidentales voyaient dans l’affaire ukrainienne l’opportunité de se venger du camouflet que leur avait infligé Poutine sur le dossier syrien. Si la première raison peut être acceptable -dans la mesure où le comportement tyrannique est avéré- et renvoie au soutien accordé aux mouvements du printemps arabe, les deux autres sont peu audibles. Certes d’un point de vue géographique l’Ukraine est en Europe, mais l’Union européenne n’est pas dans un état de forme tel qu’elle puisse recruter aussi loin de nouveaux éventuels partenaires. Il n’y avait en tout cas aucune raison de contester le droit des autorités ukrainiennes de l’époque à refuser la main européenne tendue, pour se rapprocher plutôt de la Russie. Quant au bras de fer avec Moscou, les occidentaux se sont montrés bien légers en l’engageant, dans la mesure ou aucun pays n’était prêt à aller défendre la Crimée les armes à la main.

3. Qui peut sortir vainqueur de la crise? Objectivement, Moscou a déjà gagné la première manche, puisque plus personne ne songe plus, hors de l’Ukraine, à contester l’annexion de la Crimée, pourtant inadmissible d’un point de vue de la légalité internationale. Mais maintenant, l’urgence est évidemment à l’arrêt des violences. Il faut que Russes et Européens, après avoir les uns et les autres mis de l’huile sur le feu, s’emploient à l’éteindre, à prévenir une guerre civile. A permettre la tenue d’élections démocratiques. Les premières victimes de la poursuite de l’instrumentalisation de cette affaire par les grandes puissances, seraient évidemment les Ukrainiens, de l’Ouest comme de l’Est. Il faut aussi obtenir des nouvelles autorités ukrainiennes, si elles sont confirmées par l’élection présidentielle à venir, et en contrepartie de l’aide de l’Europe, qu’elles se démarquent clairement de la minorité neo-nazie qui les soutient, et qui se trouve au sein même du gouvernement. Qu’elles fassent aussi toute la lumière sur la tuerie de la place Maïdan, dont le reportage d’une chaine de télévision allemande semble démontrer qu’elle ne fut pas forcément et uniquement l’œuvre de la police de Ianoukovitch. Qu’elles s’engagent enfin à respecter toutes les minorités d’Ukraine en commençant par les russophones. Sur ces bases, et malgré son expansionnisme confirmé par l’annexion de la Crimée, après celle d’une partie de la Géorgie, il devrait être possible de renouer un dialogue avec Poutine, pour préserver la paix.

 

 

 

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