La faute irakienne

Comment a-t-on pu en arriver là? Quel aveuglement a-t-il fallu pour ne pas voir venir cette situation? Quelle obstination, pour continuer à soutenir le gouvernement irakien comme si de rien n’était? Aujourd’hui, pour ceux qui en doutaient encore, l’évidence est là. La guerre d’Irak voulue par George W.Bush au nom d’une improbable croisade “contre le mal” a conduit à une catastrophe bien plus dramatique que la situation qu’elle prétendait régler. Les fanatiques de “l’Etat Islamique de l’Irak et du Levant” sont aux portes de Bagdad, prêts à livrer bataille, pour tenter d’imposer leur charia à tout ou partie de l’Irak. Tragique bilan de dix ans de guerre. Au moins 100 000 civils et 40 000 combattants, dont 4500 soldats américains, ont été tués. 4000 milliards de dollars ont été dépensés. Pour ce résultat!

Et les conséquences de cette guerre absurde ne s’arrêtent pas là. On peut considérer que le massacre sans fin syrien est pour partie au moins un effet collatéral de l’invasion de l’Irak. La guerre de Bush en bouleversant le fragile équilibre régional, a cristallisé et précipité le conflit entre chiites et sunnites. En chassant les sunnites au pouvoir en Irak, pour confier les rênes aux chiites, en chassant de l’armée irakienne les cadres ayant connu l’époque de Saddam Hussein, les américains ont agi avec la légèreté d’un chien dans un jeu de quilles, et joué un rôle d’amplificateur et de catalyseur de la haine entre les deux communautés religieuses. L’invasion de l’Irak n’était pas légitime, même si il n’est pas contestable que Saddam Hussein ait été un tyran. L’invasion de l’Irak fut une énorme bévue parce qu’elle prétendait régler les problèmes des irakiens à leur place. Comme le fut la guerre en Libye, qui laisse une région entière en plein chaos. Nul ne peut s’arroger le droit d’imposer par les armes un changement de régime dans un pays, fut-il dirigé par le pire des tyrans.

Et l’erreur ne s’est pas arrêtée à l’invasion de l’Irak. Depuis dix ans en soutenant le régime chiite que l’Amérique avait mis au pouvoir à Bagdad, en faisant semblant de ne pas voir que les sunnites étaient à leur tour discriminés dans le pays, on a laissé la place libre aux terroristes de l’Etat Islamique d’Irak et du Levant. On a permis aux islamistes radicaux de prospérer sur les frustrations des populations, et donc d’obtenir le soutien de tribus qui ne les suivaient pas jusqu’alors.

Que faire maintenant? Evidemment renvoyer des troupes occidentales pour combattre les islamistes, serait un retour à la case départ, et ne ferait que perpétuer et amplifier la faute initiale. Il n’est pas sûr que d’accroître encore l’aide à une armée irakienne qui n’a jamais réussi à s’imposer dans le pays depuis l’invasion, suffise à renverser le rapport de forces. Quant à l’option des frappes aériennes, on sait qu’elle génère son cortège de morts civiles, et risque de rassembler les populations sunnites autour des islamistes les plus radicaux. De toutes façons, aucune de ces solutions ne fonctionnera durablement s’il n’y a pas un changement politique en Irak, et en Syrie, un véritable partage du pouvoir entre sunnites et chiites. On n’en prend apparemment pas la voie.

Mais il faudrait aussi s’interroger sur les responsabilités des monarchies du golfe, sunnites, qui soutiennent voire financent les terroristes islamistes dans leur guerre de religion. On l’a vu en Syrie, ou le Qatar et l’Arabie Saoudite ont largement soutenu les islamistes en guerre contre le tyran Alaouite, c’est à dire chiite, Bachar Al Assad, mais aussi contre les autres groupes, laïques, de la rébellion anti-Assad. Il faudra parler également des marchands d’armes qui prospèrent sur ce marché de la barbarie, et rechercher le moyen de les empêcher de nuire. Pour avoir une action efficace contre les groupes terroristes qui sévissent aujourd’hui en Irak en Syrie ou en Afrique, et menacent le monde entier, il faudra que la communauté internationale unie aborde toutes ces questions, et définisse, dans le cadre de l’ONU, un véritable plan d’actions. Sans rien laisser de côté, sans se substituer aux peuples concernés, mais en s’assurant que personne aujourd’hui ne choisit, plus ou moins ouvertement, la politique du pire.

Pour éviter que des régions entières de la planète ne s’installent dans la guerre et la barbarie.

 

1 réflexion sur « La faute irakienne »

  1. Bien d’accord sur cette analyse du désastre. Ce qui est intéressant c’est de voir que Bush père avait pris soin de ne pas entrer dans Bagdad pour ne pas trop déstabiliser le coin, tandis que Bush-fils y est allé avec ses gros sabots et les résultats qu’on voit. Ce serait intéressant de l’interviewer…

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