Il y avait le chômage, et les déficits, et la croissance qui ne repart pas, et Bruxelles qui doute du plan d’économies, et la Cour des Comptes qui conteste les prévisions… Il y a maintenant la montée de la fureur sociale et de la révolte de l’aile gauche du parti socialiste. Hollande et Valls ne sont décidément pas tirés d’affaire. Huit jours de grève à la SNCF, on est déjà en haut du tableau d’honneur de la combativité syndicale. Et la grogne des intermittents, si elle se solde par l’annulation des festivals de l’été sera tout aussi historique. En fait le président et son premier ministre sont piégés, face à un choix impossible, un dilemme insoluble.
Soit ils tiennent, ne cèdent rien à la CGT qui est en première ligne à la SNCF comme chez les intermittents, et ils passent pour des autistes refusant le dialogue social, droits dans leurs bottes à la façon d’un Juppé refusant d’entendre la colère de la rue, et s’obstinant dans ses certitudes jusqu’au fiasco. Ils alimentent alors l’indignation de ceux qui s’auto-attribuent le label de “vraie gauche”.
Soit ils se montrent compréhensifs, comme le leur demandent les plus à gauche des leurs, lâchent vite quelques trucs sympas pour faire plaisir à Thierry Lepaon, le leader de la CGT, et ses acolytes, et leur permettre de prétendre une fois de plus que “seule la lutte paye” et que le “peuple”, leur peuple, l’a emporté. Dans ce cas, ils peuvent faire une croix sur l’embryon de nouvelle démocratie sociale qu’ils étaient en train de faire exister, et dont Hollande a fait une priorité. Car sur les deux sujets, il y a déjà eu négociation. Deux syndicats, CFDT et UNSA, ont accepté, après l’avoir négocié, le projet du gouvernement pour la SNCF. Changer le projet maintenant pour répondre aux exigences de la CGT ruinerait pour longtemps le crédit de la CFDT, et ferait perdre à l’Etat un partenaire indispensable pour réformer. En particulier pour la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Quant aux intermittents, une nouvelle convention de l’assurance chômage a été signée par les partenaires sociaux. En refusant de la valider, le gouvernement démontrerait qu’il s’assoit sur la politique conventionnelle.
Impossible donc, sauf à choisir le suicide politique collectif. Celui que préconise de plus en plus ouvertement l’aile gauche du PS dont certains députés appellent à renverser le gouvernement. Des socialistes de la “vraie gauche” qui, décidément, n’ont pas réussi à digérer leur victoire et restent dans une culture d’opposition systématique, aux côtés des mélanchonistes, qui soutiennent sans sourciller tous les combats de la CGT. Même les plus rétrogrades et corporatistes. Interrogé sur une radio, un responsable de la CGT expliquait hier qu’il se battait à la SNCF pour le grand public. Pour éviter qu’une déréglementation du transport ferroviaire ne conduise à la même catastrophe que la mise en concurrence des télécommunications! Le 22 à Asnières, c’était quand même le bon vieux temps… Comme celui où la gauche n’avait qu’à s’opposer.
Perdu pour perdu, Hollande ne doit rien lâcher sur sa politique de l’offre et de réformes. Il doit même aller encore plus fort en espérant une certaine neutralité de la droite de gouvernement et du centre qui ont tout intérêt à ce que ses réformes aboutissent au cas où – mais ce n’est pas certain – ils retrouveraient le pouvoir en 2017 dans un pays “déringardisé” ? On peut aussi imaginer qu’un retour de la croissance dû à la politique monétaire plus accommodante de la BCE redonnerait à Hollande toutes ses chances face à des droites explosées dans toutes les directions ! Depuis plus de 30 ans, Hollande a toujours eu la “baraka” !