La conférence sociale est-elle un “vrai succès?” Comme le prétend, péremptoire, le ministre du Travail, François Rebsamen. Ou un véritable échec de la politique d’allégeance de François Hollande au patronat, comme le crient avec fureur et fracas les amis de Jean-Luc Mélenchon? Voire un “fiasco” total, comme le plaide le secrétaire général par intérim de l’UMP, Luc Chatel?
Elle n’est rien de tout cela. On ne peut évidemment présenter comme un succès une réunion sociale nationale boycottée par quatre organisations syndicales. Et il est vrai que la manifestation rassemblant le patronat, le gouvernement et la CFDT, désignée depuis longtemps comme syndicat “social-traitre” par les parangons auto-proclammés de la “vraie” gauche, ne pouvait que s’attirer sarcasmes et railleries. C’est pourtant la clef de voute de la politique du président Hollande. L’alpha et l’omega de sa politique sociale et économique: réformer la France en s’appuyant sur les résultats de grandes négociations nationales entre partenaires sociaux. On peut dire qu’au lendemain de la conférence en question la grande ambition présidentielle a grise mine.
Sa démarche est-elle condamnable ou condamnée pour autant? Tous les adeptes de la lutte des classes, pour qui le progrès social ne peut résulter que de l’affrontement entre les salariés et leurs patrons, l’ont déjà condamnée depuis longtemps. L’idée que le progrès puisse naître d’un compromis entre forces sociales historiquement antagoniques, d’arrangements entre partenaires sociaux conduisant à des arbitrages entre les intérêts, contradictoires pour partie, mais évidemment tout aussi complémentaires, du capital et du travail, est évidemment un violent répulsif pour ceux dont la pensée politique reste arrimée au dogme de la lutte des classes. Quant à la droite, sa posture critique est conforme à la tradition politique qui veut que l’on condamne par principe tout ce qui vient de l’adversaire.
Et pourtant, le consensus social recherché est la voie incontournable du progrès. Dans un monde ouvert, et appelé à l’être de plus en plus, aucun Etat ne peut, ni ne pourra, de façon durable, relancer la production de richesses, en imposant aux détenteurs du capital et à leurs représentants, chefs d’entreprise, souvent basés hors du territoire, une stratégie industrielle dérivée de sa propre vision politique nationale. Le Vénézuela, aussi sympathique qu’on le trouve, ne peut servir de modèle. De façon symétrique, il n’y aura pas de progrès durable, sans une prise en compte réelle des intérêts des salariés et donc un renforcement et un approfondissement du dialogue social.
Là résident les enjeux de l’avenir. La recherche d’un compromis national, entre corps intermédiaires, de nature à créer ou renforcer les conditions nécessaires à la production de richesses, est donc de la première importance. C’est la seule voie possible pour réformer. On pourra regretter bien sûr que tous les syndicats n’avancent pas du même pas, ou encore que le patronat en profite pour tenter d’imposer purement et simplement ses vues et donc ses intérêts. Mais ce n’est pas non plus une surprise. Le changement culturel réclamé de chacun est important, et demande du temps. Mais la démarche engagée, aussi imparfaite et chaotique soit-elle, mérite d’être soutenue par tous ceux qui souhaitent un redressement rapide de ce pays, et un retour du plus grand nombre vers l’emploi, plutôt qu’une perpétuation des antagonismes idéologiques, qu’alimentent, à tour de rôle ou à l’unisson, syndicats, patronat, ou forces politiques, et qui mènent au déclin pour tous.
” Quant à la droite, sa posture critique est conforme à la tradition politique qui veut que l’on condamne par principe tout ce qui vient de l’adversaire.”
On peut quand même dire que la gauche le fait également lorsqu’elle est dans l’opposition .
A quand, un syndicat unique comme dans beaucoup de pays civilisés qui fonctionne normalement ????
Tout à fait d’accord sur le premier point. Cette “tradition politique” vaut pour les uns et les autres.