Hollande nul? CQFD

La France à un nouveau gouvernement, et depuis hier les commentateurs commentent. En fait, ils avaient commencé à commenter bien avant l’annonce. On a ainsi pu peser le pour et le contre de l’arrivée de Robert Hue, tirer les conclusions du départ de Christiane Taubira, et se moquer de l’appétit de Jean-Vincent Placé… Il faut bien occuper le temps d’antenne, et alimenter les internautes en temps réel, et ce n’est pas facile quand on n’a pas d’infos.

Enfin, après l’annonce, chacun peut en tirer les enseignements. Mais lesquels?

1) Que ce que chacun présentait comme une crise de régime sans précédent a été réglé en quelques dizaines d’heures? Que l’incroyable et intolérable cacophonie gouvernementale que tous dénonçaient la veille de façon virulente, a pris fin? Que François Hollande dont on critique, souvent à juste titre, l’indécision, la recherche systématique du compromis, a enfin tranché dans le vif?

Non, pas vraiment. On retiendra surtout qu’il s’agissait “d’une tempête dans un verre d’eau” que ce n’était pas la peine de changer de gouvernement pour arriver à “ça”, et que Hollande est de plus en plus seul, et une fois de plus à côté de la plaque.

2) Que le président de la République a choisi courageusement, contre vents, marées et opinion journalistique et donc publique, de réaffirmer son choix social-libéral, d’afficher sa confiance dans les entreprises, seules à même de créer des emplois dans un pays où il est impératif de réduire d’urgence le périmètre financier de l’action de l’Etat, de revoir pour cela quelques dogmes qu’une bonne partie de la gauche tient pour essentiels, et de placer ainsi le redressement de la France, du moins l’idée qu’il s’en fait, au dessus de son espérance de vie politique?

Non, on retiendra plus tôt qu’il a été incapable d’élargir son assise politique qui se réduit comme peau de chagrin, qu’il a raclé les fonds de tiroir pour regrouper les quelques socialistes qui le soutiennent encore, et qu’il a une fois de plus raté l’occasion de montrer qu’il avait l’étoffe d’un président.

3) Que pour la première fois, trois ministères majeurs, Economie, Education, Culture, sont confiés à des ministres ayant à peine la quarantaine ou moins, et donc que le renouvellement politique réclamé depuis des années sur tous les tons par l’ensemble des commentateurs est en marche? Ou que la parité devient une réalité avec trois femmes aux cinq premiers ministères par ordre protocolaire? Ou encore que l’on se projette dans l’avenir en nommant à la culture une spécialiste du numérique ?

Non pas tout à fait. On retiendra plutôt que Emmanuel Macron n’a jamais été élu, et qu’en plus c’est “un banquier”, que Najat Vallaud-Belkacem est trop jeune, trop marquée par ses prises de position de ministre des droits des femme, et ne fera pas le poids face aux syndicats de l’Education, et que Fleur Pellerin est inexpérimentée…

4) Qu’en maintenant Christiane Taubira à son poste, contre le pronostic de tous les commentateurs, et en promouvant Najat Vallaud-Belkacem, Hollande assume publiquement, contre la rue catho de droite, et l’extrême droite, l’ensemble des réformes sociétales entreprises par la gauche depuis deux ans, et les choix courageux de sa ministre de la justice?

Non, le maintien de Christiane Taubira serait plutôt une erreur de la part de celle-ci, puisqu’on avait pronostiqué son départ -“un rendez-vous manqué avec son histoire” nous explique Mediapart- et surtout une provocation de la part du président venant compenser une autre provocation, la nomination d’un “banquier” à l’économie, bref un enfantillage de plus d’un Hollande décidément empêtré dans un costume trop grand pour lui.

Après tous ces commentaires, il n’y a plus qu’à faire un sondage sur les chances de Hollande de rester à l’Elysée en 2017, et on pourra bien vérifier qu’on ne s’est pas trompé: “Flamby” est cuit, carbonisé, et c’est donc normal qu’il se retrouve seul contre tous, aux abois, incapable de faire un seul bon choix. CQFD.

 

Sauve qui peut?

La tentation démagogique est décidément diabolique. Après l’ultra-gauche, qui y a cédé avant même d’imaginer y résister, Cécile Duflot qui a succombé dès qu’elle a estimé qu’elle avait personnellement plus à y gagner qu’à y perdre, après les députés “frondeurs” du parti socialiste, qui ont su concilier flatterie de l’électorat de gauche et préservation de l’essentiel, c’est à dire de la majorité parlementaire qui leur permet d’être député, c’est au tour du ministre de l’économie lui-même de dénoncer la politique économique du gouvernement. Sans oublier Benoît Hamon qui a oublié un instant la priorité réformatrice capitale qu’il s’était fixé -supprimer les notes à l’école !- pour attaquer lui-aussi le président qui l’a fait ministre.

Et il est vrai que c’est tentant. Quand tout va mal, qu’aucun remède ne semble capable d’enrayer la maladie, que l’on a pas la moindre idée d’une thérapeutique alternative, on peut toujours affirmer péremptoire que c’est le remède qui tue le malade, et préconiser tout simplement l’arrêt du traitement. Dire aujourd’hui aux Français que si tout va mal, c’est parce qu’on a pas assez augmenté les salaires, parce qu’on a trop prélevé d’impôts, pas assez créé de postes de fonctionnaires, trop cédé au patronat assoiffé d’argent et aux banques assassines, réduit les dépenses publiques au lieu de les augmenter, et pas assez dit merde à l’Allemagne, c’est garantir sa popularité. Mais une fois que c’est dit, et claironné dans les médias, qu’on a fait rire les foules en se moquant du Président de la République qui n’est plus à cela près, qu’est-ce-qu’on fait? En toute logique, Montebourg ne sera pas reconduit et rejoindra la fronde de gauche contre le président. Cela ne contribuera évidemment en rien au redressement de la France, mais cela peut préserver des ambitions personnelles malmenées par l’impopularité de la politique menée.

En somme, c’est déjà le sauve-qui-peut. On l’avait vu avec les écologistes, quittant le gouvernement, au moment, historique, où on leur proposait de piloter la mise en œuvre de la transition énergétique, parce que quelques uns de leurs leaders pensaient nécessaire pour leur carrière à venir, de ne plus se mouiller dans l’immédiat dans la gouvernance du pays. C’est maintenant dans l’entourage direct du capitaine que l’on quitte le navire sans demander son reste. Comme si chacun à gauche jugeait que la bataille contre la crise était déjà perdue.

C’est peut-être vrai, mais si c’est le cas, c’est grave. Car aucune politique de la demande ne tirera de la crise un pays miné par le déficit de compétitivité. Aucune dépense publique supplémentaire ne pourra relancer la machine. L’économie de la France est victime d’un  double empoisonnement: une overdose de dépenses publiques, et un affaissement des défenses compétitives face à la concurrence mondiale. Toute injection de pouvoir d’achat par l’Etat, pour nécessaire qu’elle soit en ce qui concerne les revenus les plus modestes, se traduit aujourd’hui par un accroissement des achats de produits chinois ou coréens. Et donc in fine par une aggravation du double empoisonnement.

Le gouvernement n’a plus le choix. Engagé comme il l’est dans cette politique de rigueur, il devra boire le calice de l’impopularité jusqu’à la lie. Sans faiblir, en allant sans doute plus loin. Il est trop tard pour succomber à la tentation démagogique, la bataille de la popularité est déjà perdue. Il faut en profiter pour mettre en œuvre les réformes impopulaires qui sont nécessaires, et investir pour l’avenir, pour un redressement durable de l’économie et de l’emploi, même si la perspective se situe au delà de la fin du quinquennat. Oui, il faut réformer le code du travail. Oui notre système de retraite devra encore être adapté. Comme notre assurance maladie. La réforme de l’Etat doit être poursuivie. Le chantier de la justice fiscale doit être ouvert… Il y aurait plus à perdre qu’à gagner en cédant à la peur. Que les frondeurs frondent, que les impatients battent les estrades… Mais qu’au moins il reste quelque chose de positif de ce passage de la gauche réformatrice au pouvoir qui apparaîtrait sinon comme un immense gâchis.

Contre le terrorisme, nos impuissances

L’Etat Islamique est-il comme l’affirme le secrétaire à la Défense américain, le pire des mouvements terroristes, qui “surpasse tous les autres”? L’établissement d’un palmarès de la barbarie a en fait peu d’intérêt. Décapiter un journaliste est-il pire que de massacrer ou asservir des enfants? Chacun jugera. Le péril est en tout cas bien réel du Moyen-Orient à l’Afrique Noire de la corne d’Afrique au Sahel, qu’il prenne pour nom Al Qaeda, Aqmi, BokoHaram, Shebabs, ou Etat islamique. Et les difficultés à trouver des réponses à cette crise, sans doute la plus grave depuis 2001, sont à la mesure des multiples impuissances historiques du Monde Occidental.

Impuissance à décoloniser en bonne intelligence tout d’abord. Nous n’avons laissé le plus souvent derrière nous que champs de haine en nous battant jusqu’au bout pour conserver d’injustifiables possessions. Alors qu’un retrait en douceur aurait pu ouvrir la voie à une croissance partagée, entre pays indépendants, nous avons poussé nos anciennes colonies au rejet de l’occident colonisateur, ferment d’un choc des civilisations que certains appréhendent aujourd’hui, et cause d’un retard de croissance que payent les peuples de leur misère.

Impuissance ensuite à faire entendre nos valeurs, lorsque des tyrans mettaient ces pays en coupe réglée. Nous avons toléré, souvent soutenu et armé, les dictateurs qui opprimaient les peuples du tiers-monde, les Bokassa, Bongo, Ben Ali… Nous avons été incapables d’arrêter le bras criminel de Saddam Hussein, quand il massacrait son peuple, avant d’écraser son pays sous les bombes lorsque l’Amérique à choisi de prouver sa force, laissant les irakiens dans un chaos total. Et personne n’a su imposer aux dirigeants mis en place par les vainqueurs de respecter les minorités naguère au pouvoir. Nous avons toléré que les dirigeants irakiens choisis par Washington oppriment les Sunnites comme les chiites furent naguère opprimés par Saddam Hussein.

Impuissance à prévoir les conséquences de nos actes, qui nous a fait abattre Kadhafi sans nous soucier de gérer les suites de notre guerre soi disant humanitaire, qui a laissé un pays exsangue en proie aux guerres intestines, aux rivalités de bandes armées qui y font régner la terreur, et transforment la région en une zone d’insécurité permanente.

Impuissance historique à régler la question palestinienne, à faire en sorte que les résolutions de l’ONU préconisant la création d’un Etat Palestinien, et l’arrêt de la colonisation des territoires de Cisjordanie,  soient enfin respectées.

Impuissance plus immédiate à couper les circuits de financement du terrorisme islamique, particulièrement lorsqu’ils transitaient par des pays supposés alliés comme l’Arabie-Saoudite ou le Qatar.

Impuissance aussi à apporter aux pays les plus pauvres l’aide au développement dont ils auraient réellement besoin. Combien de promesses d’aide des chefs d’Etat réunis dans les G5, G7, G8 ou G20… sont restées lettres mortes, tandis que les multinationales continuaient à soutirer les richesses des terres d’Afrique avec la bénédiction de ces mêmes Etats.

Impuissance enfin à vivre nous-mêmes, chez nous, en bonne entente avec la communauté musulmane qui appartient pourtant à part entière à la Nation et doit faire face à la suspicion, la discrimination, la stigmatisation.

Les missiles sophistiqués de l’armée américaine qui s’abattent une fois de plus sur l’Irak ne suffiront pas à stopper le “cancer terroriste” dénoncé par Obama, si dans le même temps, le monde développé ne parvient pas à rendre aux peuples concernés un peu d’espoir et de confiance dans les valeurs universelles dont il se dit porteur. La barbarie ne se développe nulle part mieux que sur le terrain de la désespérance.