L’Etat Islamique est-il comme l’affirme le secrétaire à la Défense américain, le pire des mouvements terroristes, qui “surpasse tous les autres”? L’établissement d’un palmarès de la barbarie a en fait peu d’intérêt. Décapiter un journaliste est-il pire que de massacrer ou asservir des enfants? Chacun jugera. Le péril est en tout cas bien réel du Moyen-Orient à l’Afrique Noire de la corne d’Afrique au Sahel, qu’il prenne pour nom Al Qaeda, Aqmi, BokoHaram, Shebabs, ou Etat islamique. Et les difficultés à trouver des réponses à cette crise, sans doute la plus grave depuis 2001, sont à la mesure des multiples impuissances historiques du Monde Occidental.
Impuissance à décoloniser en bonne intelligence tout d’abord. Nous n’avons laissé le plus souvent derrière nous que champs de haine en nous battant jusqu’au bout pour conserver d’injustifiables possessions. Alors qu’un retrait en douceur aurait pu ouvrir la voie à une croissance partagée, entre pays indépendants, nous avons poussé nos anciennes colonies au rejet de l’occident colonisateur, ferment d’un choc des civilisations que certains appréhendent aujourd’hui, et cause d’un retard de croissance que payent les peuples de leur misère.
Impuissance ensuite à faire entendre nos valeurs, lorsque des tyrans mettaient ces pays en coupe réglée. Nous avons toléré, souvent soutenu et armé, les dictateurs qui opprimaient les peuples du tiers-monde, les Bokassa, Bongo, Ben Ali… Nous avons été incapables d’arrêter le bras criminel de Saddam Hussein, quand il massacrait son peuple, avant d’écraser son pays sous les bombes lorsque l’Amérique à choisi de prouver sa force, laissant les irakiens dans un chaos total. Et personne n’a su imposer aux dirigeants mis en place par les vainqueurs de respecter les minorités naguère au pouvoir. Nous avons toléré que les dirigeants irakiens choisis par Washington oppriment les Sunnites comme les chiites furent naguère opprimés par Saddam Hussein.
Impuissance à prévoir les conséquences de nos actes, qui nous a fait abattre Kadhafi sans nous soucier de gérer les suites de notre guerre soi disant humanitaire, qui a laissé un pays exsangue en proie aux guerres intestines, aux rivalités de bandes armées qui y font régner la terreur, et transforment la région en une zone d’insécurité permanente.
Impuissance historique à régler la question palestinienne, à faire en sorte que les résolutions de l’ONU préconisant la création d’un Etat Palestinien, et l’arrêt de la colonisation des territoires de Cisjordanie, soient enfin respectées.
Impuissance plus immédiate à couper les circuits de financement du terrorisme islamique, particulièrement lorsqu’ils transitaient par des pays supposés alliés comme l’Arabie-Saoudite ou le Qatar.
Impuissance aussi à apporter aux pays les plus pauvres l’aide au développement dont ils auraient réellement besoin. Combien de promesses d’aide des chefs d’Etat réunis dans les G5, G7, G8 ou G20… sont restées lettres mortes, tandis que les multinationales continuaient à soutirer les richesses des terres d’Afrique avec la bénédiction de ces mêmes Etats.
Impuissance enfin à vivre nous-mêmes, chez nous, en bonne entente avec la communauté musulmane qui appartient pourtant à part entière à la Nation et doit faire face à la suspicion, la discrimination, la stigmatisation.
Les missiles sophistiqués de l’armée américaine qui s’abattent une fois de plus sur l’Irak ne suffiront pas à stopper le “cancer terroriste” dénoncé par Obama, si dans le même temps, le monde développé ne parvient pas à rendre aux peuples concernés un peu d’espoir et de confiance dans les valeurs universelles dont il se dit porteur. La barbarie ne se développe nulle part mieux que sur le terrain de la désespérance.