Sarkoléon: plus de cent jours… pour éviter Waterloo

C’est fait. Nicolas Sarkozy est de retour. Comme au bon vieux temps, il a squatté les télévisions hier soir, qui n’avaient d’objectif que pour son triomphe. Leurs motards nous rejouant en live la scène du président rejoignant son siège en empruntant les couloirs de bus, tel Napoléon débarquant à Golfe-Juan, au retour de l’Ile d’Elbe, pour reprendre son empire d’assaut. L’empereur avait tenu 100 jours. Sarkozy devra faire plus long pour atteindre la primaire de l’UMP, sans doute au printemps 2016. Et qui n’est pas encore gagnée, loin s’en faut.

Car la donne à l’UMP est loin d’être clarifiée par son succès d’hier. Sarkozy voulait un plébiscite du peuple UMP, il ne l’a pas obtenu. Avec 64,5% des suffrages, il est loin des 85% obtenus lors de sa précédente arrivée à la tête de l’UMP en 2004. Et surtout, il n’a pas réussi à écraser ses adversaires comme il l’espérait. Bruno Le Maire “l’énarque qui parle allemand” qu’il aime à railler, s’impose comme un opposant incontournable au sein de la nouvelle UMP avec ses 30% de voix. On devrait le retrouver sur la ligne de départ de la primaire en 2016. Et pas sans atout! Face à un Sarkozy qui aspire principalement à ramener la France à la case 2012, à un Juppé qui a le vent en poupe, mais aura du mal, septuagénaire qu’il est, à convaincre qu’il incarne l’avenir du pays, Bruno Le Maire  a une carte à jouer en se positionnant en seul champion du renouveau de la droite.

Du coup, le résultat du vote des adhérents de l’UMP a un goût aigre-doux pour le maire de Bordeaux. Certes, le danger d’un Sarkozy porté par un ras de marée électoral, balayant tout sur son passage, est écarté. Mais Juppé, qui semblait avoir trouvé le positionnement juste, face à Sarkozy, risque de souffrir lui aussi de la présence d’un rival, plus jeune, et jouant, comme lui, la carte de l’apaisement et du consensus face à la fougue sarkozienne.

Cette fougue, tournant parfois à la violence, qui n’aura pas vraiment servi l’ex et nouveau président de l’UMP pendant sa campagne. On l’y a vu un peu à court d’idées, incapable de proposer autre chose qu’une “restauration” qui n’est probablement pas l’aspiration actuelle des Français. Flottant sur de nombreux sujets, désireux avant tout de séduire ses auditoires au risque de l’incohérence, ou de la simple démagogie. Manifestant plus clairement que jamais que le principal enjeu politique reste pour lui son destin personnel. Pour que la droite, et au delà la France, s’identifient à cette reconquête, il devra apporter du contenu, démontrer aux électeurs qu’il a trouvé depuis 2012 de nouvelles solutions pour le pays, différentes de celles de son successeur, mais plus efficaces que celles qu’il a pu lui même mettre en œuvre pendant les 5 années passées à l’Elysée. Il devra aussi convaincre que ses ennuis judiciaires ne sont pas préjudiciables à son ambition… Pour éviter de connaître, comme l’autre, son Waterloo.

 

L’entêtement coupable du gouvernement israélien

Petit à petit on se rapproche d’une troisième intifada. Les attentats terroristes, attaques à la voiture bélier ou au couteau, se succèdent, de même que les affrontements entre l’armée et la jeunesse de Jérusalem ou les attaques contre les lieux de culte. Une fois de plus la Palestine est au bord du chaos. Une fois de plus Israël accuse les Palestiniens en général et le Hamas en particulier d’être responsable du surcroit de tension. Mais une fois encore on doit bien constater que le gouvernement israélien poursuit sans états-d’âme sur la voie de la politique du pire.

Le pire, ce sont à nouveau des constructions annoncées à Jérusalem-Est. Dans ces ghettos bunkerisés que sont les quartiers juifs, protégés de la rue palestinienne par murs, barbelés, et escouades de militaires. Mais le pire, c’est aussi, comme avant la deuxième intifada, la remise en question du statut de l’esplanade des mosquées. Au mois de septembre 2000, c’est la visite du chef du Likhoud, Ariel Sharon, sur l’Esplanade des Mosquées qui avait mis le feu aux poudres. Ces dernières semaines, c’est la volonté d’extrémistes juifs de prier sur l’esplanade, en dépit l’accord de 1967 qui place le site sous la responsabilité de la Jordanie, et y interdit la prière pour les non-musulmans, qui a déclenché les affrontements.

Le problème c’est que l’esplanade des mosquées qui est attenante au Mur des Lamentations, haut-lieu de la religion juive, a, comme la plupart des sites dans cette zone, une double histoire. Si elle constitue le troisième lieu saint de l’Islam, après La-Mecque et Médine, elle est aussi le site du deuxième temple juif détruit par les romains en l’an 70. Pour les juifs, donc, l’Esplanade des Mosquées s’appelle Mont du Temple. Et la confusion alimente tous les phantasmes. Les juifs les plus extrémistes militent pour la destruction de la mosquée Al Aqsa et la construction à la place d’un troisième temple juif, dont on peut trouver la maquette dans un musée de Jérusalem. Dans la rue de Jérusalem-est on affirme que l’on entend la nuit des bulldozers creuser sous la mosquée, pour miner ses fondations et préparer son effondrement… Mais jusqu’à présent, au delà de quelques attaques d’illuminés, le statu-quo permettait d’éviter les dérapages. C’est ce statu quo qui permet tant bien que mal une cohabitation des religions, que les Palestiniens et les Jordaniens craignent de voir remis en cause par le gouvernement de Netanyahu, sous la pression de l’extrême-droite qui lui assure une majorité.

Bien sûr derrière l’activisme religieux, se profile la tentation du “grand Israël”. L’idée folle et sans issue d’une reconquête par le biais de la colonisation de l’ensemble de la Palestine. Idée folle parce qu’elle mène inévitablement à une guerre éternelle. Projet sans issue, parce que les juifs qui représentent aujourd’hui 80% de la population d’Israël et environ 50% de la population de l’ensemble Israël plus territoires palestiniens, y deviendraient à terme minoritaires.

Pourtant le gouvernement israélien n’en finit plus d’intensifier la colonisation des territoires aujourd’hui, partiellement, sous la responsabilité de l’autorité palestinienne, de les découper, les parcelliser, les miter, pour que ne subsiste plus rien in fine de cet Etat hypothétique ,que les Palestiniens et la communauté internationale appellent de leurs vœux. Alors, existe-t-il encore un moyen d’enrayer cette spirale infernale. De dissuader le gouvernement israélien de poursuivre sur la voie du pire? A la fin du mois, le parlement français se prononcera sur la reconnaissance ou non de l’Etat de Palestine. Un vote symbolique qui dira une fois de plus aux Israéliens que la communauté internationale désapprouve son attitude.

Mais Netanyahu paraît insensible à la réprobation internationale. Seul une pression forte de son premier allié, les Etats-Unis, qui soutiennent financièrement et militairement Israël, pourrait avoir un effet sur sa politique. Or Obama a jusqu’ici démontré largement son impuissance, ligoté qu’il est, ou s’imagine être, par les pressions intérieures. Au Conseil de Sécurité de l’ONU, les Etats-Unis bloqueront donc toute possibilité de sanction d’un Etat qui viole pourtant plusieurs de ses résolutions exigeant un arrêt de la colonisation.

L’Europe, par la voie de sa nouvelle responsable de la diplomatie, Federica Mogherini, vient de rappeler son attachement à la création d’un Etat palestinien, seule la Suède ayant franchi le pas de la reconnaissance symbolique. Mais l’Europe en tant que telle n’a jamais su peser sur le conflit au Proche-Orient, pas plus d’ailleurs que sur toute autre situation de crise internationale. Reste l’action des citoyens. Ceux d’Israël d’abord, dont un grand nombre, regroupés dans des associations, comme “La Paix Maintenant” se battent pour la paix et l’arrêt de la colonisation et dénoncent la “judaïsation” de Jérusalem Est. Ceux des autres pays aussi dont certaines associations appellent à boycotter les produits venus des colonies israéliennes en Palestine.

C’est sans doute la seule chose que craignent vraiment les dirigeant israéliens, que les initiatives associatives de boycott finissent par contaminer les gouvernements occidentaux et conduire à un isolement progressif de leur pays, à la manière de celui qui contribua à venir à bout de l’apartheid en Afrique du Sud.

Comment Fillon s’est tuer!

C’est vraiment un processus d’autodestruction spectaculaire. La fusée Fillon qui avait déjà quitté sa trajectoire nominale vers l’orbite élyséenne vient peut-être d’exploser en vol. Certes la prudence conduit à ne pas pousser trop loin le parallèle aérospatial. Les fusées qui s’autodétruisent en vol ne reprennent jamais d’altitude, alors qu’en politique on sait bien que les retours les plus contraires à la loi de la gravitation sont toujours possible.

Mais tout de même! Si l’on admet que les deux enquêteurs du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, seraient stupides de mentir aussi grossièrement, et que le secrétaire général de l’Elysée n’a pas inventé toute cette histoire, alors François Fillon vient de se tirer une balle de gros calibre dans le pied. Comment pourrait-il remonter la pente dans l’opinion, où son image n’a cessé de se dégrader depuis son départ de Matignon, en endossant l’habit du traître prêt à pactiser avec l’ennemi pour éliminer un rival? Les Français aiment bien les roublards, les profiteurs, voire les tricheurs, comme en témoignent la facilité toute française qu’ont les hommes politiques à rester sous les sunlights malgré les mises en examen, voire condamnations. Mais le costume de Judas passe difficilement la rampe.

En fait, l’ancien premier ministre nous donne le spectacle, depuis que son ex-patron a échoué en 2012, d’une véritable névrose d’échec. Alors même qu’il avait réussi à conserver un score d’opinions favorables au moment de la défaite de 2012, il s’est méthodiquement depuis brûlé les ailes. Primo en se lançant dans une bataille de chiffonniers avec Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP. Lutte fratricide, incomprise des Français, et qui s’est soldée par sa défaite.

Ensuite en tentant de se positionner en rival direct de Sarkozy, sur le terrain de celui-ci. Oubliant sa responsabilité dans la politique menée entre 2007 et 2012 -à moins qu’il ne se considère lui-même comme un simple “collaborateur” de l’ex-président- il a réclamé un inventaire-bilan visant à démontrer que son ex-mentor n’avait pas su réformer la France.

Alors qu’il avait construit son image dans le public sur sa modération face aux excès de Sarkozy, il a ensuite défrayé la chronique en laissant entendre qu’il pourrait voter pour un candidat FN aux municipales de 2013, et promis la suppression immédiate des 35 heures, ou de l’impôt sur la fortune, et encore plus d’austérité pour les Français… Résultat, un glissement progressif de sa popularité, qui en fait aujourd’hui le plus mauvais candidat aux primaires de 2017 dans les sondages. 8% à peine de l’électorat UMP le choisissent comme champion. Et en quelques mois, c’est Alain Juppé qui a raflé la mise, en prenant le rôle d’homme de droite ouvert, modéré et éclairé, qui était vacant face à Nicolas Sarkozy.

La dernière péripétie n’arrangera évidemment pas la situation de François Fillon. Il a bien sûr porté plainte contre les journalistes qui affirment qu’il a sollicité de l’Elysée une accélération des poursuites contre Sarkozy, mais aura du mal à convaincre que ceux-ci sont des menteurs. Sa trahison, démontrée ou supposée, pourrait définitivement l’écarter de la course pour 2017.

Mais Fillon ne sera peut-être pas seul à payer cash le déjeuner avec Jean-Pierre Jouyet. Ce dernier est également dans une situation très inconfortable. Contraint de démentir les propos de son hôte pour éviter que le coup paraisse venir de l’Elysée, alors qu’il a lui même rapporté les mots de l’ancien premier ministre dans une conversation enregistrée… A trop vouloir jouer les hommes de l’ombre, et se faire croire qu’on tire toutes les ficelles depuis les coulisses, on finit par s’y emmêler, et apparaître tout nu dans la lumière! Et du coup, par ricochet, la question de la propension de Hollande à s’entourer de personnages incontrôlables est reposée.

Dans la gueule du loup!

Peut-être se contentera-t-on à l’Elysée de penser qu’il a amélioré son capital sympathie. Que les téléspectateurs l’auront trouvé cool… pour un conseiller de pôle emploi. Attentif, patient, et tout et tout. Et simple! Parlant un peu comme on parle au bistrot. Acceptant la critique, et même l’insulte, lorsqu’elle vient d’un journaliste qui prend son courage à deux mains pour prouver aux confrères qu’il “en a”, et doute que le président de la République “comprenne” lui même “sa propre politique”… Bref, vraiment pas l’idée qu’on se fait d’un président, lointain, survolant les problèmes, un peu inaccessible… Formidable!

Mais au fait quel était l’objectif de cette émission pour ceux qui conseillent si mal le président? Restaurer sa popularité? Donner confiance aux électeurs inquiets? Rassurer les déçus? Alors, c’est un zéro pointé! Sans surprise, sondeurs et commentateurs nous démontrent depuis, que le président n’a pas convaincu, qu’une majorité de français l’a trouvé mauvais, manquant de hauteur… En attendant un prochain effritement de ce qui lui reste de popularité qui prouvera à tous qu’ils ont bien raison. Bref le Hollande-bashing a encore de beaux jour devant lui.

Mais il devra d’abord s’en prendre à lui-même. Pourquoi choisir de se jeter ainsi dans la gueule du loup? Lorsque Mitterrand s’était livré au même type d’exercice, à une autre époque, pour démontrer que malgré l’âge et la maladie il restait jeune, l’affaire avait été montée avec un complice, Yves Mourousi, qui lui avait offert une tribune valorisante. Rien de tel jeudi soir. Il n’y avait pas de complice sur le plateau. Les deux journalistes étaient là pour le prendre en défaut, voire, concernant Yves Calvi, pour en découdre.

Evidemment, le Président pouvait difficilement proposer un emploi à la chômeuse de 60 ans, ou au jeune étudiant déçu, et encore moins satisfaire la directrice d’entreprise, qui souhaiterait que l’Etat la laisse en paix, seule face à ses salariés, à l’abri de toute réglementation… Mais dès qu’il tentait de reprendre de la hauteur pour parler enfin politique… les journalistes étaient là pour lui rappeler que ce qui les intéresse c’est “l’homme”, sa posture, son costume présumé trop grand, son casque de scooter, son impopularité, son incapacité à gérer le pays, ses états d’âme… ou les Jeux Olympiques de 2022!

Bref une émission pathétique. Pour l’image du Président d’abord. Pour celle de TF1 aussi mais qui n’a plus grand chose à perdre non plus. Pour celle enfin de la profession de journaliste qui n’y aura sans doute rien gagné en crédibilité.

 

 

Obama défait, le monde désillusionné…

Obama, battu aux élections, sans majorité, n’est plus prophète en son pays, malgré des succès dans le domaine économique. C’est ainsi que meurent les grandes illusions. Souvenez-vous! C’était le 4 novembre 2008. “Yes we can!” avait-il martelé pendant toute sa campagne. “Oui, il peut!” reprenaient les progressistes du monde entier, soulagés d’être débarrassés de son prédécesseur. Avec lui à la tête de l’Amérique, le monde allait changer. Un noir à la Maison Blanche, et l’Afrique se prenait à espérer une nouvelle donne, dans laquelle le développement s’ouvrirait enfin à elle. Le Moyen-Orient rêvait d’une paix enfin réalisée. Les minorités de tous les pays, les opprimés de partout, pensèrent une minute durant qu’ils avaient enfin un allié au sommet du monde. On l’encensa, on le glorifia, on en fit une légende vivante… Mais les plus ridicules dans l’affaire furent les membres du comité Nobel qui lui attribuèrent le prix Nobel de la paix, par anticipation, pour l’encourager dans son action à venir…

Quelle action? Certes, comme il l’avait promis, il décida du retrait des troupes américaines d’Irak. Avec le résultat que l’on sait: l’exacerbation du conflit chiito-sunnite, la guerre civile, et son cortège de milliers de victimes, et le contrôle de régions entières par les terroristes islamistes. Ce fut la seule action réellement tangible dans le sens de la paix, si l’on ne s’attarde pas sur les annonces concernant le désarmement nucléaire, jamais suivies d’effets.

A l’inverse, la présidence Obama généralisa l’utilisation de drones pour tuer à distance, sans autre forme de procès, des individus réfugiés aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan, ou encore dans le désert yéménite, au prétexte que la CIA les considérait comme des terroristes. Toléra aussi, au nom du péril terroriste, le recours à la torture validé sous son prédécesseur. Elle tergiversa suffisamment longtemps à propos de la guerre en Syrie, pour laisser le temps à Bachar El Assad de reprendre la main, avec l’aide de Moscou. Mais laissa ses alliés saoudiens et qataris financer et armer les islamistes sunnites en guerre contre Assad, avant de découvrir que ces derniers étaient devenus l’ennemi numéro un du monde civilisé, et d’entrer en guerre contre eux.

Juste après l’élection de Barack Obama, Elie Barnavi, historien, ancien ambassadeur d’Israël à Paris, membre de l’ONG “la paix maintenant” lançait un appel vibrant au nouveau Président des Etats-Unis, convaincu qu’avec lui une “paix américaine” était possible au Proche-Orient. Au début du second mandat d’Obama, l’historien, déçu, imaginait toutefois que libéré des soucis électoraux, celui-ci allait enfin prendre la mesure de ce rôle pacificateur que l’Histoire lui imposait de jouer à Jérusalem. A deux ans de son départ de la Maison-Blanche, après une déroute électorale, qui devrait réduire encore ses degrés de liberté, alors que l’on se bat tous les jours sur l’esplanade des Mosquées, Barack Obama n’a plus longtemps pour agir.

Pourra-t-il en deux années, sans le soutien d’un Congrès désormais hostile, donner enfin l’impulsion pour la paix que le monde attend en vain depuis le début de son premier mandat? Difficile de parier bien cher sur un sursaut. En tout cas on peut constater que pour l’heure son passage à la Maison Blanche coïncide plutôt avec une exacerbation des tensions, un retour, en plus soft tout de même, de la guerre froide, un éloignement sans précédent des perspectives de paix au Proche-Orient, une prise de contrôle de régions entières par les terroristes islamistes… La note est salée pour le prix Nobel d’anticipation 2009.