Trente mois de tous les dangers…

Une trentaine de mois nous séparent de la présidentielle. Une trentaine de mois qui risquent d’être d’une violence extrême. Violence sociale d’abord. La crise que nous traversons, et qui ne semble pas s’arranger, devrait rendre la vie encore plus difficile aux plus modestes. Les inégalités, qui n’ont jamais été aussi élevées, nous disent les études, devraient s’aggraver encore. Mais ce n’est pas tout.

A mesure que l’on approchera des élections générales, la violence politique risque de croître encore. Violence à gauche, où à l’approche de la débâcle annoncée, chacun de ceux qui composaient la majorité de François Hollande en 2012, tentera de tirer son épingle du jeu, en se démarquant d’un pouvoir en échec, en dénonçant l’allié d’hier pour se dédouaner par avance. Violence à droite, où l’affrontement entre les partisans et les adversaires du retour au sommet de l’Etat de l’ex-président Sarkozy pourrait bien être de plus en plus dur. D’autant que les uns et les autres tenteront d’enrayer la montée du Front National qui menace leurs futurs gains électoraux.

On nous promet déjà une vague lepeniste aux prochaines élections départementales, et régionales, et nationales… Une vague qui va forcément rogner sur l’électorat des partis traditionnels de droite et de gauche. Une vague qui légitime par avance que l’on tende complaisamment tous les micros aux discours d’intolérance. On va donc voir s’ouvrir la chasse à l’électeur blasé, dégoutté, lassé, irrité, écœuré, apeuré… Et tout sera bon pour l’attirer dans son camp. Toutes les démagogies, toutes les complaisances seront autorisées.

On nous expliquera sans doute une fois de plus qu’il faut “comprendre” la peur, et l’intolérance, et le rejet des autres… Qu’il ne faut pas “juger” mais écouter. Que le FN apporte de mauvaise réponses à de bonnes questions. Qu’après tout il n’est pas anormal que les “vrais Français” se sentent un peu étrangers chez eux… Certes tout le monde ou presque conviendra que le racisme c’est très mal, mais tout de même! On nous dira que l’immigration est un “problème”, et qu’on ne devrait pas soigner gratuitement le monde entier, et que les allocations familiales ne devraient pas être distribuées aussi généreusement, et qu’on n’aurait jamais dû instaurer la libre circulation des hommes et femmes en Europe, qu’il faut revoir les accords de Schengen, et refermer les frontières nationales, et d’ailleurs que même Rocard disait qu’on ne pouvait pas accueillir tout le monde… Bref, qu’on serait tout de même mieux entre nous…

Comme au même moment les extrémistes islamistes qui font régner la terreur en Irak, au Pakistan, en Libye ou au Nigéria, ne devraient pas se calmer d’eux-mêmes, et pourraient même continuer à recruter dans nos contrées, toutes les conditions seront réunies pendant une trentaine de mois, pour que la vie soit de plus en plus difficile pour les Français qui pratiquent une autre religion que celle où trempent, parait-il, nos racines. Sale temps pour tous ceux qui n’aiment pas le camembert… pour citer la riche argumentation nationaliste et xenophobe d’Eric Zemmour, qui dispose déjà de son rond de serviette dans toutes les cantines médiatiques.

Dans un climat forcément délétère, il va plus que jamais être nécessaire de nous arc-bouter sur nos valeurs. Celles de la République, pas celle d’une pseudo-identité française, que l’on mettra à toutes les sauces comme cache-sexe du rejet de l’autre. Il va falloir dénoncer toutes les dérives xénophobes, toutes les complaisances pour l’extrémisme, tous les amalgames haineux, pour éviter que l’intolérance et la violence raciste n’asphyxient notre République.

 

Le “pacte” était-il piégé?

Ainsi donc, le pacte de responsabilité est un “échec”. C’est le ministre de l’économie Emmanuel Macron qui le dit. En précisant: c’est la faute à Pierre Gattaz, dont le Medef n’a pas joué le jeu. Et il est vrai qu’on est bien loin  des centaines de milliers d’emplois promis en échange des baisses de charges. Pire, insatiable, le Medef poursuit sa surenchère et manifeste pour obtenir encore plus. Une véritable déclaration de guerre au gouvernement, qui a pourtant accordé aux entreprises plus qu’aucun autre gouvernement ne l’avait fait jusqu’ici. Sans parvenir à l’inversion de la courbe du chômage promise sur tous les tons par François Hollande.

Alors, était-ce un marché de dupes? Oui et non!

Oui parce qu’il n’y a eu aucune contrepartie aux concessions faites par le gouvernement sur la réduction des charges ou l’assouplissement du droit du travail. Les entreprises n’ont pas créé d’emplois de façon quantifiable avec l’argent que l’Etat leur rendait à travers le CICE. Elles n’ont manifesté aucune reconnaissance à l’égard d’un président qui misait tout sur leur bonne volonté. Aucun accord de branche, ou presque, n’a été signé pour garantir ces fameuses contreparties. De la part de Pierre Gattaz, il ne fallait sans doute pas s’attendre à mieux. L’homme n’a pas le cœur à gauche, n’a jamais fait figure de modéré, et doit s’amuser de voir le président s’embourber dans un pacte de responsabilité qui le met en porte à faux vis à vis de son électorat, sans lui permettre d’en revendiquer le moindre effet positif. Le Medef n’avait de fait aucune raison de donner un coup de pouce au gouvernement en favorisant sa réussite. Il n’a donc rien fait, sinon jeter de l’huile sur le feu, en réclamant à la gauche toujours plus de concessions.

Mais tout cela n’est que politique, et donc écume des choses. Le Medef n’a jamais créé le moindre emploi. Il a toujours milité en faveur de politiques de droite, il joue son rôle de lobby patronal. Les emplois, en revanche, sont créés par les entreprises, et elles, elles n’avaient, ni n’ont, aucune raison d’offrir des “contreparties” à l’Etat, de manifester de la “reconnaissance” aux pouvoirs publics, ou de “jouer” on ne sait quel jeu collectif destiné à redresser le pays. Ce n’est pas le rôle des entreprises.

Les entreprises ne font pas de politique, elles créent de l’emploi lorsque leurs marchés leur en offrent l’opportunité et qu’elles en ont les moyens. C’est à dire lorsque embaucher permet d’améliorer les résultats, immédiatement, ou à terme. Point barre! Quoi que disent ou fassent semblant de promettre Gattaz, Hollande, Pierre ou Paul… l’équation reste la même pour le chef d’entreprise: faire les choix qui maximisent la rentabilité de son activité. Dans l’intérêt de ses actionnaires et de ses salariés. Pas pour faire plaisir à Hollande ou Gattaz.

Du coup l’échec du pacte de responsabilité apparaît surtout comme un fiasco politique et un immense échec de communication. En faisant croire qu’on allait faire du “donnant-donnant”, des réductions de charges contre de l’emploi, Hollande a lui-même tendu le piège politique que Gattaz et ses amis referment sur lui aujourd’hui. Sans surprise, le lobby patronal confirme ainsi qu’il est une adversaire résolu de tout gouvernement de gauche.

Mais doit on parler pour autant d’un échec de la politique économique menée depuis deux ans et demi par François Hollande. Il est encore un peu tôt pour en juger. Car les réductions de charges, si elles n’ont pas eu les contreparties naïvement supposées, on bien eu lieu, et étaient nécessaires. De mêmes les premiers allègements de la législation sociale qui ont été négociés par le patronat et certains syndicats, étaient sans doute indispensables. Il en faudra d’ailleurs probablement d’autres.

L’ensemble des mesures prises pour améliorer la situation des entreprises et donc les aider à rétablir leur compétitivité aura sans doute au moins partiellement atteint le but recherché. En toute logique celles-ci devraient donc être mieux armées qu’hier pour répondre aux opportunités offertes par les marchés. Si tel est le cas, cela se traduira par des créations d’emplois, dès que le besoin s’en fera sentir. Et là, on est au cœur du rôle de la puissance publique en matière économique dans un système libéral: créer les conditions les plus favorables pour que les acteurs privés puissent créer des richesses, et donc des emplois, pour améliorer le bien-être commun.