Sarkozy au régime diesel

Le patron a perdu la main. Nicolas Sarkozy ne tient plus ses troupes. Non seulement il n’arrive pas à obtenir dans son parti une discipline de parole, chacun y allant de sa prise de position publique dans un désordre complet, mais en plus, il n’arrive plus à imposer ses choix. Et pas sur un sujet anodin. Qu’un grand parti politique comme l’UMP en vienne à appeler ses électeurs à bouder les urnes, à un moment où l’abstention menace, d’élection en élection, de ravager notre système démocratique, est consternant. Nicolas Sarkozy n’en voulait pas. Il souhaitait appeler les électeurs à faire barrage au Front National, tout en les laissant choisir entre l’abstention ou le vote pour le candidat PS. Il n’a pas convaincu, C’est la ligne défendue par les barons les plus droitiers. Wauquiez, Copé, Bertrand ou Chatel, qui l’a emporté, celle du NI-Ni, qui renvoie dos à dos PS et FN, ennemis indifférenciés.

La position de Sarkozy était pourtant la meilleure possible, pour son parti, comme pour lui-même. D’abord parce qu’en appelant à faire échec au FN, l’UMP aurait évité de briser le climat d’unité nationale contre l’extrémisme qui a prévalu ces derniers temps, et que les Français apprécient. En outre, en laissant le choix entre abstention et vote PS, le parti de droite montrait son respect des électeurs, tout en évitant le piège du front républicain, tendu par la gauche, et dont on sait qu’il permet aux lepénistes de nourrir leur dénonciation obsessionnelle des ravages de ‘l’UMPS”, et qu’il est rejeté par une majorité d’électeurs de droite. Non sans raison d’ailleurs. Nos hommes politiques, UMP comme PS, ont démontré une conception de l’alternance qui doit tellement plus à l’esprit de revanche et à l’obstruction systématique qu’à l’idéal républicain… Chacun passant son temps à tirer à boulets rouges sur les initiatives de l’autre camp, et à défaire, lorsqu’il est au pouvoir, tout ce qu’ont tricoté les prédécesseurs quand ils y étaient… Du coup, lorsque les uns ou les autres appellent leurs électeurs à voter pour l’adversaire habituel parce qu’un candidat lepéniste est sur le point de lui ravir une circonscription, ils ne sont donc guère audibles.

La deuxième raison pour laquelle la proposition Sarkozy était la meilleure, pour l’ex-président, tient au choix de son rival Alain Juppé. En annonçant dès lundi soir qu'”à titre personnel” il aurait voté PS s’il avait été un électeur du Doubs, le maire de Bordeaux avait mis la pression sur le président de l’UMP. Fidèle à l’image qu’il donne de lui depuis des mois, Juppé se positionnait ainsi comme le plus républicain, le plus intransigeant avec l’extrême droite, celui qui n’admet aucun compromis sur les “valeurs” dont il entend être porteur. En prenant les devants, il cherchait à anticiper sur un refus probable de Nicolas Sarkozy d’appeler à faire barrage au Front National. L’affaire lui permettait donc de tirer son épingle du jeu en consolidant sa stature de potentiel futur chef de l’Etat, face à l’ex-président, renvoyé une fois de plus à son ambiguité vis à vis de l’extrême-droite. Sarkozy pouvait déjouer ce piège, en se posant lui-même en rempart contre le Front National, et envoyer son rival dans les cordes… si le bureau politique de l’UMP l’avait suivi.

Mais il ne l’a pas suivi. Et du coup le bilan de l’affaire pour l’ex-président de la République est assez désastreux. Primo, il a perdu la première élection partielle se déroulant sous sa présidence de l’UMP, alors que toutes les précédentes, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, avaient été gagnées par la droite. Certes, ce n’est pas lui qui avait désigné le candidat de l’UMP, mais il ne peut pas pour autant s’en dédouaner. Deuxio, il a permis à Alain Juppé de marquer encore des points dans la perspective de la primaire qui devrait les opposer. Tertio, il a été mis en minorité dans son parti pour le premier vote politique important depuis qu’il a repris en main les affaires de la droite, donnant raison à ses rivaux qui disent que son logiciel est périmé. On est bien loin du retour triomphal, dont il rêvait, de la vague irrésistible qui devait le ramener au pouvoir. C’est plutôt la version diesel de la course à l’Elysée.

Un seul point positif: il n’aura pas à se déplacer entre les deux tours dans le Doubs. Et ça, c’est bon pour les comptes de l’UMP!

 

 

 

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