Vivement mercredi! On devrait finalement savoir mercredi si la médiation de la dernière chance engagée par François Hollande et Angela Merkel a abouti. L’espoir est permis, même si la cause est incertaine. L’enjeu est en tout cas immense. Car comme le précisait le président dans sa conférence de presse, en Ukraine, c’est la guerre! Une guerre totale, où l’on tue les civils, on bombarde même les hôpitaux. Et au stade où en sont les choses, il n’est plus temps de se demander qui a plus raison que l’autre.
Certes le pouvoir de Kiev est parfaitement légitime, malgré la présence déplorable de quelques néo-nazis dans ses rangs. Légitime, comme l’était celui de Ianoukovich, le précédent président, élu de façon démocratique par les Ukrainiens, avant d’être chassé du pouvoir par les manifestations de rue avec la bénédiction des leaders européens, désireux, pour quelque raison obscure, de s’attacher à tout prix au pied le boulet de l’économie ukrainienne, jusqu’alors sous perfusion de la Russie. On se souvient du défilé de soutien américano-européen aux manifestants de Kiev réclamant leur rattachement à l’Europe, alors même que le pouvoir pro-russe tombait sous leurs coups de boutoir. Depuis il y a eu de nouvelles élections qui ont permis aux Ukrainiens, du moins ceux qui ne vivent pas dans l’est du pays, russophone, de choisir leurs dirigeants. Ceux-ci sont donc dans leur droit lorsqu’ils repoussent les assauts des rebelles de l’est soutenus par Poutine que l’on peut soupçonner de vouloir contrôler le Donbass comme il s’est emparé de la Crimée.
L’annexion de la Crimée était déjà inadmissible, même si personne n’aurait dû imaginer que la Russie renoncerait à sa base navale de Crimée, alors même que le nouveau pouvoir ukrainien proclamait sa volonté de rejoindre l’OTAN. De même les livraisons d’armes lourdes aux dissidents de l’est russophone ukrainien -dont celles qui ont servi à abattre un avion civil malaisien- et le soutien logistique et humain qui leur est accordé, sont inacceptables sur le plan du droit international et de la morale.
Les sanctions économiques occidentales étaient donc parfaitement justifiées, mais elles n’ont pas fait mollir Poutine. On les a donc aggravées. Et on se prépare à en rajouter une couche, dans une escalade punitive dont personne ne connaît l’issue. L’escalade est verbale aussi, lorsqu’Obama retrouve les accents de la guerre froide, et examine maintenant l’hypothèse de livraisons d’armes à Kiev, que Moscou prendrait sans doute comme une déclaration de guerre… Tout se passe comme si les occidentaux n’avaient eu jusqu’ici qu’une stratégie en Ukraine: pousser Poutine dans une impasse, pour voir jusqu’où il peut aller.
C’est la spirale que tentent d’enrayer Hollande et Merkel depuis 48 heures. Dans sa conférence de presse le président français a donné le ton en précisant qu’il n’était pas question de livrer des armes à l’Ukraine, et qu’il s’opposerait à une intégration de l’Ukraine à l’Otan. Cette position de principe est évidemment le préalable à toute résolution du conflit, et elle aurait dû être prise bien avant. Laisser penser aux dirigeants russes qu’ils pourraient un jour voir s’installer des missiles de l’Otan à leurs frontières, était évidemment le plus sur moyen d’attiser le feu ukrainien. De même aurait-on pu et sans doute dû, être plus clair sur les relations entre l’Union Européenne et l’Ukraine. Personne, à part peut-être le commissaire européen à l’élargissement, ne croit à la vocation de l’Ukraine à rejoindre l’UE. Autant le dire clairement!
Evidemment, nos deux dirigeants auront bien du mal à mettre tout le monde d’accord. Il y a déjà eu tellement de morts, plusieurs milliers de civils. De violations du droit de la guerre. De cessez le feu non respectés… Les sanctions, conjuguées à l’effondrement du prix du pétrole, ont déjà sévèrement mis à mal l’économie russe. A la tribune de l’ONU, Obama a placé le péril russe, il y a quelques mois, au niveau de dangerosité d’Ebola et Daech. Le rétropédalage va être douloureux pour tout le monde.
Mais, dira-t-on, le principe même d’une médiation de la dernière chance, c’est qu’elle est un peu désespérée. Il est très tard, mais peut-être pas trop tard, pour trouver une solution pour aider les Ukrainiens russophones et europhiles à vivre ensemble… Et sortir une nouvelle fois l’Europe de la logique de guerre.