De l’apartheid au boycott… la dangereuse dérive de l’Etat d’Israël

Les mots sont parfois terribles. Surtout s’agissant  d’un peuple dont l’histoire rime avec persécution, et ségrégation. Et pourtant! Pourtant il y a un moment où il faut désigner les choses par leur nom, un temps où aucune excuse ne vaut plus, ne peut plus justifier l’inacceptable, où l’on ne peut nier plus longtemps la réalité de l’insulte qui est faite ici à l’humanité. L’Etat Israélien, jadis démocratie exemplaire dans cette région, s’enfonce dans les ténèbres du racisme et de l’apartheid. C’est un virage du sionisme qui a commencé depuis déjà des années. Mais la récente réélection de Netanyahu, et la constitution de son gouvernement, le plus à droite et le plus opposé à la cause palestinienne qu’Israël ait jamais connu, permet de penser que la dérive ne peut plus maintenant que s’aggraver.

C’est la plus haute juridiction d’Israël qui vient de poser un jalon important sur cette nouvelle voie, que renieraient peut-être les fondateurs du sionisme eux-mêmes, et en tout cas tous ceux qui en Israël se sont battus, comme Yitzhak Rabin, ou se battent aujourd’hui, pour que la pérennisation et la sécurisation de l’Etat d’Israël aille de pair avec le respect de la démocratie et des droits du peuple palestinien. La Cour Suprême a pris le 15 avril dernier une décision qui consolide les bases juridiques de ce qu’il faut bien qualifier de régime d’apartheid. Les juges suprêmes de l’Etat d’Israël, estiment dans cet arrêt que l’application à Jérusalem-est de “la loi sur les biens des absents” est légitime. En clair, cela signifie que tout palestinien possédant un immeuble ou un terrain dans Jérusalem, mais vivant en Cisjordanie, peut être exproprié et ses biens confiés à un colon juif, lui-même arrivé la veille de Paris ou New-York. Cette loi avait été imaginée en 1950 pour donner une apparence légale aux expropriations forcées des arabes ayant fui Israël, le plus souvent chassés par les armes, au moment de la création de l’Etat d’Israël. Pendant des décennies elle n’avait plus été appliquée de fait. L’appliquer à Jérusalem-est, permet d’accélérer la colonisation de ce territoire annexé en violation de la légalité internationale.

Et les signaux d’alerte ne s’arrêtent pas à cette décision concernant Jérusalem. Dans l’ensemble de la zone C, c’est à dire la partie de la Cisjordanie restée sous contrôle “temporaire” d’Israël après les accords d’Oslo, les démolitions de maisons palestiniennes se multiplient. Motif: absence de permis de construire. Réalité de la situation: aucun permis de construire n’est jamais attribué à des Palestiniens dans des délais raisonnables. Pourtant il s’agit bien de leurs terres, de leurs villages, mais les bulldozers rasent impitoyablement tout ce qui dépasse. Et le mouvement s’accélère. 600 destructions de maisons palestiniennes l’an dernier, pour 1 permis de construire accordé. En revanche les permis de construire pour les colons occupant la Cisjordanie pour en chasser les Arabes ne rencontrent que peu d’obstacles.

C’est bien un système à deux vitesses, discriminatoire envers les Palestiniens, qui a été ainsi mis en place dans la politique du logement, comme le dénonce l’association “Rabbins pour les droits de l’homme”, une ONG israélienne dans laquelle des religieux se battent pour le respect de l’éthique de leur religion, et le caractère humaniste du sionisme. Avec peu d’écoute de la part d’un gouvernement qui inclut maintenant les partis religieux les plus extrémistes, ceux pour qui devoir religieux et colonisation ne font qu’un. Adeptes du Grand Israël, les nouveaux alliés de Benjamin Netanyahu n’accepteront jamais la coexistence de deux Etats, ni l’égalité des droits des arabes vivant sur la même terre.

Et la parcellisation des territoires de Cisjordanie dont les villages sont isolés les uns des autres par d’infranchissables murailles, où la multiplication des check-points israéliens interdit la libre circulation des palestiniens dans leur pays, dans un déni de leurs droits les plus fondamentaux, n’est pas sans rappeler les bantoustans, où les noirs vivaient parqués dans l’Afrique du Sud de l’Apartheid.

Mais la mauvaise dérive de la démocratie israélienne clairement visible dans sa politique de colonisation, peut aussi être constatée sur le territoire même d’Israël. Depuis longtemps les arabes d’Israël qui constituent 20% de la population, se plaignent de ne pas bénéficier des mêmes droits que leurs compatriotes juifs. Avec la droitisation du pouvoir  la méfiance à leur égard s’est accentuée, avec ses conséquences sociales: situation économique aggravée, accès à l’éducation ou la fonction publique plus difficile. N’est ce pas le ministre des affaires étrangères du précédent gouvernement de Netanyahu qui suggérait en mars dernier que l’on “décapite à la hache” tous les arabes du pays qui ne sont pas “fidèles à l’état d’Israël”? Là encore, le climat nous éloigne de la tradition démocratique du pays.

Comme les limitations de la liberté d’expression qui se multiplient. Après l’interdiction de l’emploi du mot “Nakba”, catastrophe, qui désigne pour les arabes l’expulsion de leurs maisons entre 1948 et 1950, à la création de l’Etat d’Israël, c’est l’appel au boycott que la cour suprême vient de criminaliser. Tout appel au boycott du pays, ou de ses acteurs économiques, par exemple ceux intervenant dans les territoires occupés, pourra être poursuivi devant les tribunaux, et les entreprises concernées par l’appel obtenir réparation du préjudice éventuel. Une loi de circonstance, à un moment où la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions qui concernent les entreprises installées dans les colonies de Palestine, rencontre un soutien croissant, y compris en Israël, auprès d’ONG défendant la cause de la paix.

“Piétiner les droits des Palestiniens au nom de notre droit exclusif à la terre, écrivait l’an dernier dans le journal Haaretz, l’historien israélien Zeev Sternhell, risque d’aboutir à un ostracisme international d’Israël, et si cela se produit, ce ne sera pas de l’antisémitisme…”

 

 

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