L’appel au soulèvement de Bayrou!

Le grand psychodrame politico-culturalo-populo-éducatif de la réforme du collège finit par tourner au loufoque. Voir Michel Onfray, le chantre de l’ultra-gauche, mais aussi il faut dire du “capitalisme libertaire”, dont il n’est pas toujours simple de saisir le contour conceptuel, starifié à la Une du Figaro Magazine, et de Valeurs Actuelles, journaux vomis de toute éternité par l’extrême gauche dont il se réclamait il n’y a pas si longtemps, a de quoi surprendre. Autant que d’entendre le chantre du respect des institutions républicaines, François Bayrou, appeler à la manifestation de rue, pour défendre le latin et le grec…

Pour le philosophe champion de la laïcité la messe est dite. Sa rupture avec la gauche de François Hollande et Manuel Valls est aussi définitive et irrémédiable que son appétit pour les micros et caméras. Tant pis si ses aficionados s’égarent un peu dans les méandres de sa pensée, tant pis si les journaux ennemis d’hier lui dressent une tribune, le fil directeur, lui, est clair: tout est bon pour tirer sur le pouvoir actuel qui a trahi la gauche. De l’intervention au Mali, “il fallait laisser les maliens libres d’instaurer la charia chez eux…” aux projets de réforme de l’éducation qui mobilisent actuellement toute son énergie.

Bayrou, lui, joue évidemment son rôle d’opposant en tirant à boulets rouges sur les projets du gouvernement. Mais c’est la hargne et la vigueur avec lesquelles il le fait qui ont de quoi surprendre. Comment expliquer que lui, le modéré, capable d’appeler à voter Hollande à la présidentielle, pour faire échec à Nicolas Sarkozy, dont il dénonçait hargne et arrogance, peut-il être aussi enragé à défendre le latin et le grec, qui ne sont par ailleurs par vraiment plus menacés aujourd’hui qu’hier.

Sans doute faut-il y voir l’expression d’une immense frustration multiforme. En partie légitime. Après tout François Hollande a ouvertement rejeté la main qu’il lui tendait, et n’a rien fait pour l’aider à transformer son retournement de veste en virage audacieux vers l’avenir. Il y a de quoi en ressentir quelque aigreur. D’autant que dans l’opposition, malgré son retour post-présidentiel au bercail de la droite, il reste pestiféré à l’UMP. Nicolas Sarkozy n’a pas pardonné, et aussi longtemps qu’il sera le patron de l’UMP, Bayrou sera traité comme un félon. Donc, peu de perspective de destin national de ce côté là non plus, à moins d’une hypothétique victoire de Juppé sur l’ex-président. Un crève-cœur pour celui à qui la vierge révéla un jour le caractère inexorable de son immense destin national, pour reprendre un bon mot de Daniel Cohn Bendit.

Mais il y a plus. Le passé du maire de Pau pèse également dans la balance. Lui qui fut ministre de l’éducation nationale pendant 4 ans, voit forcément les projets de réforme actuels du collège et des programmes, au travers du prisme de son expérience personnelle. Et lorsqu’il dénonce le “passage en force” de la ministre de l’éducation, l’expression évoque évidemment a contrario, son échec de 1993, lorsque ministre de l’éducation, il ne put imposer son projet de réforme de la loi Falloux, qui aurait permis d’accroître les financements de l’enseignement privé, et donc catholique, religion dont ils se réclame haut et fort. Le projet avait alors trébuché sur un million de manifestants, et un avis négatif du Conseil Constitutionnel. Quand au latin, n’est-ce pas lui qui introduisit la possibilité de le commencer dès la cinquième, dans une autre réforme du collège, qui porta son nom.

Il y a de tout cela dans l’appel au soulèvement populaire qu’il lance aujourd’hui… D’ailleurs, Nicolas Sarkozy ne s’y est pas trompé, qui a aussitôt décliné, au nom de l’UMP, l’appel à manifester. François Bayrou risque, une fois encore, de se sentir un peu seul.

 

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