Europe: après le désastre!

Au lendemain de l’accord de Bruxelles sur la Grèce, l’Europe s’est réveillée groggy. Sonnée par les derniers jours d’affrontements entre représentants des états membres. Abimée par les propos définitifs des uns et des autres. Meurtrie par le sort qui est fait à la Grèce. C’est l’apothéose de l’Europe punitive. Mais c’est aussi forcément le début de son déclin.

La Grèce ne s’en sortira probablement pas. Les mêmes médecines que celles qui ont été prodiguées par la troïka depuis 2010, ne pourront avoir que les mêmes effets dans les années à venir. L’austérité outrancière continuera à dégrader les capacités de rebond économique du pays qui pourra d’autant moins rembourser ses dettes. Il y aura donc d’autres crises, d’autres occasions pour les dirigeants de la droite allemande de démontrer qu’ils ne supportent que ceux qui leur ressemblent… D’imposer leur volonté à ces pays du “Club-Med” qui ne veulent décidément pas suivre leur exemple.

Mais quel exemple? Monsieur Schaüble lorsqu’il toise du haut de son mépris la Grèce l’Italie ou la France, oublie une partie de l’histoire. Il ne semble pas se souvenir que l’Allemagne dût elle-aussi bénéficier d’une annulation de dette il n’y a pas si longtemps. Que sans ce coup d’éponge elle n’aurait pas pu rebondir, et l’Europe n’aurait pu se construire. Il oublie aussi que son pays a été de fait le grand gagnant de la création de la zone euro. La monnaie unique européenne  lui a permis de développer ses exportations sur le continent vers des pays moins compétitifs qui ne disposaient plus de l’arme monétaire pour défendre leurs économies. Il oublie aussi qu’il n’y a pas si longtemps l’Europe obligeait la Grèce à réduire salaire et pensions tout en l’encourageant à poursuivre ses achats d’armes inconsidérés auprès de l’Allemagne ou de la France. Il ne sait apparemment pas non plus que la Grèce est un creuset de notre culture, que celle-ci s’enracine dans son histoire.

Il oublie surtout que le fondement de l’Europe, et son ciment, c’est la solidarité, pas l’imposition à tous de la volonté du plus puissant.

En quelques jours, l’Europe a montré le pire d’elle-même. On a vu la confrontation des égoïsmes, l’indifférence des chefs d’Etat déléguant le traitement de la plus grande crise qu’ait connu l’Union, à leurs trésoriers! La volonté de punir des plus puissants, réclamant toujours plus d’humiliations pour les plus faibles.

L’Union s’en est sortie tant bien que mal. On a signé un pacte, qui ne sera sans doute pas appliqué tant il est léonin, qui ne résoudra probablement rien, mais on a sauvé l’essentiel: on a évité de chasser de la famille le fils prodigue. Sans accord, si le ministre Schaüble avait obtenu le “grexit” dont il révait, l’Europe aurait sans doute enlevé la première pierre de sa déconstruction.

François Hollande a donc eu raison de vouloir sauver l’unité de la zone euro, à tout prix. Mais ce sauvetage ne suffira pas à occulter le désastre. Le ciment de l’Union se délite sous l’assaut des égoïsmes, sous les coups de boutoir des populistes, la zone euro se désagrège dans la confusion généralisée d’un exercice du pouvoir concentré entre les mains de chefs d’Etat, voire de leurs ministres, qui n’ont pas de vision commune, sinon l’obsession de leurs intérêts propres.

L’Europe est-elle morte dimanche matin, pour reprendre les mots du blog “sauvons l’Europe”?  Pour ce qui concerne l’Union Européenne dans ses formes actuelles, la réponse est sans doute oui. Le moteur franco-allemand qui devait assurer son rythme de croisière est cassé. Au delà des artifices, le couple n’est plus capable de porter un projet politique européen. Le Conseil des chefs d’Etat a montré qu’il n’était plus qu’une fédération des égoïsmes. La logique financière qui s’est progressivement substituée à l’ambition européenne a montré qu’elle ne pouvait plus accoucher que de chimères: on a même parlé de confier les actifs de la Grèce à une société logée dans un paradis fiscal pour en garantir la privatisation ! La logique sécuritaire qui s’empare peu à peu de chacun sur le continent, pourrait dans les mois qui viennent achever de détruire l’édifice.

Il y a donc urgence, si l’on veut sauver l’Europe! Urgence à repenser son contenu démocratique, à redéfinir ses ambitions, à la doter d’un projet politique commun. Urgence à rendre le pouvoir aux peuples, à remettre les marchands à leur place. Tout est à inventer, réinventer! Pour oublier très vite le désastre d’un dimanche 12 juillet à Bruxelles.

 

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