Migrants: la leçon de Merkel!

Combien de camions-cimetières encore avant que l’Europe réagisse? Combien de kilomètres de barbelés le long des frontières européennes? Combien de temps encore la France sera-t-elle paralysée par le chant des sirènes de la xénophobie? Angela Merkel sous la pression des manifestations racistes de l’extrême-droite allemande a donné l’exemple, en décidant d’oublier les règles européennes qui concentrent la responsabilité des migrants sur les pays par lesquels ils entrent en Europe, pour l’essentiel Grèce et Italie. Dorénavant, Berlin ne renverra plus les Syriens vers ces pays, et traitera leur cas directement en Allemagne. C’est la première marque réelle de solidarité européenne sur ce dossier, et l’on observera qu’elle émane du pays européen qui a accueilli jusqu’ici le plus de réfugiés Syriens.

Que fait la France? Il y a quelques semaines, au mois de juin, on avait frôlé la fâcherie avec l’Italie, parce que la police française bloquait les migrants à la frontière et les renvoyait en Italie. Rétablissement clandestin des frontières se plaignaient les Italiens, alors que Bernard Cazeneuve répondait: application stricte des règles européennes. En réalité, c’était une manifestation de plus de la tétanie qui frappe le gouvernement sur le sujet. On se souvient encore des déclarations de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, se défendant de faire moins d’expulsions que son prédécesseur. Ou encore de ses digressions sur la compatibilité entre islam et république…

Cette tétanie qui fait que lorsque l’on se décide à faire une annonce plus conforme à la tradition de la gauche, on la joue petit-bras. “La France prendra sa part en accueillant entre 500 et 700 migrants syriens”, nous annonçait fier de lui François Hollande en avril dernier. Ridicule! Dérisoire! A la même date, la Suède avec 10 millions d’habitants avait déjà accueilli 30 000 Syriens, et l’Allemagne 70 000.

On pourra évoquer pour justifier cette paralysie, la situation du marché du travail, plus difficile en France qu’outre-Rhin, ou en Suède. Mais aussi la démographie déclinante de l’Allemagne qui a besoin d’accueillir des étrangers pour faire face aux défis à venir. Argumenter sur la loi qui améliore la situation des demandeurs d’asile, adoptée en France au mois de juillet dernier. Et puis bien sûr, mettre en avant la pression du Front National qui contraint à une certaine prudence sur ces sujets pour éviter de faire le jeu de Marine Le Pen. Mais on observera que c’est au moment ou l’Allemagne est confrontée à de violentes manifestations anti-immigrés, qu’Angela Merkel a annoncé son intention de ne plus expulser les migrants syriens.

La réalité, c’est que la classe politique française gauche et droite confondues est obsédée par le péril venu de “l’Etranger”. Le rom comme le réfugié syrien. Le squatter de Calais, comme le prédicateur de la mosquée. Convaincue que pour récupérer les électeurs de Marine Le Pen, il faut les caresser dans le sens du poil, c’est à dire de l’intolérance. Et l’Islam devient un sujet politique, qu’il ne faut pas laisser à l’extrême droite, et l’assimilation des étrangers dans notre pays un problème dont il faudrait parler jusqu’à la nausée, pour ne pas céder le monopole à Marine Le Pen. C’est la phrase entendue de façon récurrente dans bien des bouches: “le Front National apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions”.

Non! La vraie question posée à notre pays n’est pas celle de la compatibilité de l’Islam avec la République, ni celle du seuil de tolérance de l’immigration, ni celle du renforcement des frontières… la vraie question posée à l’Europe, c’est celle de sa capacité à accueillir des migrants qui fuient les conséquences indirectes de guerres menées inconsidérément par l’occident en Afghanistan, en Irak ou en Libye. Des guerres menées au nom d’une “civilisation” que ces migrants, chassés par la barbarie et la guerre, tentent de rejoindre aujourd’hui. Notre responsabilité collective est évidemment engagée, il n’y aurait peut-être (probablement?) jamais eu d’Etat Islamique sans ces guerres. Si nous n’étions pas intervenus en Libye, le dictateur Kadhafi, qu’on ne peut évidemment regretter, serait peut-être encore au pouvoir, mais la région entière ne sombrerait pas dans le chaos.

Le vrai défi, c’est celui de la solidarité entre européens pour réserver un accueil digne de nos traditions humanistes à ces hommes, femmes et enfants qui fuient le désordre que nous avons souvent contribué, par action ou par omission, à créer dans leurs pays. Qu’attend la France pour se hisser au niveau de la chancelière allemande, qui, tout à droite qu’elle soit, semble moins sensible aux chant des sirènes de la xénophobie? Il est devenu urgent de proposer un véritable plan européen d’envergure pour l’accueil des réfugiés.

Terrorisme: quand le ministre tombe dans le panneau

Le piège terroriste se referme, et comme on pouvait le craindre, nos gouvernants tombent dans le panneau. Après la loi d’exception sur le renseignement, qui crée les conditions d’une dangereuse dérive liberticide, voilà que les contrôles au faciès, jadis bannis par toute la gauche, la main sur le cœur, reviennent en odeur de sainteté. C’est le secrétaire d’état aux transports Alain Vidalies qui les a remis à l’ordre du jour. Comme on ne peut pas contrôler les bagages à l’entrée de toutes les gares, pour tous les trains, il propose de se rabattre sur un contrôle sélectif, et sur la “vigilance” du public. Et le ministre d’ajouter: “je préfère qu’on discrimine pour être efficace, plutôt que de rester spectateurs”.

En clair, on va contrôler les bagages louches, c’est à dire transportés par des gens louches, ou que leurs voisins de wagon auront désignés comme louches. C’est à dire ressemblant un peu trop physiquement, ou par la tenue vestimentaire, ou par la langue… à l’idée que chacun se fait d’un terroriste islamiste. C’est exactement ce que recherchent les djihadistes. Que l’on harcèle les musulmans, ou supposés tels dans nos imagiers, et les basanés, et tous les plus ou moins métèques, qu’on leur rende la vie bien impossible dans les démocraties occidentales, pour qu’ils soient vraiment écœurés, et deviennent plus réceptifs à leurs discours de haine.

C’est la finalité du terrorisme: répandre la peur de l’autre, et faire prospérer la haine.

En plus, la discrimination ne peut évidemment pas être “efficace”. Un quart des djihadistes seraient des convertis. Qui les reconnaîtra? Comment les policiers pourront-ils exercer leur vigilance, s’ils passent leur temps à contrôler les bagages de tous ceux qui n’ont pas tout à fait le profil physique du Français de cinquième génération. C’est simplement absurde. Une démocratie ne peut résister au terrorisme qu’en restant une démocratie. Soyons certains que les djihadistes rêvent d’une transformation de nos systèmes démocratiques en régimes policiers, contre lesquels ils pourraient prétendre un jour incarner des valeurs de résistance à l’oppression, pour se faire une légitimité aux yeux des laissés pour compte.

Mais bien sûr, le boulot du ministre des transports, c’est de montrer aux usagers des transports qu’il s’occupe de leur sécurité. Et si l’on a bien compris, il ne sait pas quoi faire! Alors il parle, et dit des bêtises… qu’on aimerait voir relevées et dénoncées par ses supérieurs hiérarchiques!

 

Ne brûlez pas Tsipras!

C’est un talent indéniable de l’extrême gauche, et des observateurs économiques et politiques en général, que de savoir brûler sans état d’âme, les idoles qu’ils ont vénérées la veille. Aujourd’hui, au centre du bûcher, Alexis Tsipras, le premier ministre grec. Même Jean-Luc Mélenchon qui ne se lassait pas, depuis quelques mois, de diffuser ses selfies aux côtés du premier ministre grec, a fini par le lâcher. On annonce d’ailleurs un selfie imminent du patron du Parti de Gauche avec Yanis Varoufakis, l’ex-compagnon de combat de Tsipras, qui, depuis son départ du gouvernement grec, bat les estrades pour dénoncer la trahison de celui-ci. Et l’on ne compte plus les articles de Mediapart, organe central de l’extrême-gauche combattante, pour dénoncer les renoncements et capitulations du gouvernement grec.

Du coup, la démission de son gouvernement, et l’appel à de nouvelles élections législatives, apparaît comme une lâche manœuvre politique téléguidée par les européens, c’est à dire les allemands en la personne de l’ignoble ministre des finances Shaüble, pour achever de soumettre le peuple grec déjà à genoux, et donner une majorité plus stable à Alexis Tsipras, passé en six mois du statut de héros de la libération des peuples d’Europe à celui d’âme damnée, exécuteur des basses œuvres de la dictature financière euro-allemande.

Qui peut croire à cette version de l’histoire? D’abord, un premier ministre qui retourne aux urnes parce qu’il constate qu’une partie de sa majorité parlementaire ne le suit plus, et qu’il veut faire confirmer ses choix politiques par les électeurs, cela s’appelle tout simplement le fonctionnement normal de la démocratie. Les gazettes peuvent toujours titrer sur le “nouveau coup de poker” de Tsipras, ou évoquer un “coup de force” contre sa majorité perdue, il n’y a rien dans la démarche que de très démocratique. Jusqu’à démonstration du contraire, les électeurs grecs votent librement, il n’y a donc pas de coup d’Etat.

Reste la question de fond. Tsipras a-t-il trahi ses électeurs? Est-il en train de faire valider son “virage au centre” – comme on le lit parfois malgré l’improbabilité de l’exercice – en rassemblant sur son nom des voix de droite et de la gauche traditionnelle grecque, pour assurer la réussite du plan de soi-disant redressement, appelé troisième mémorandum, imposé par les créanciers de la Grèce. Ce plan, il l’a dit lui-même, il n’y croit pas. Et il n’est pas le seul. Il est probable que la nouvelle cure d’austérité imposée par les européens aura les mêmes effets destructeurs que les précédentes. Et qu’il n’y aura pas d’issue pour la Grèce tant qu’une partie de la dette n’aura pas été effacée.

Mais face à l’intransigeance des créanciers, Tsipras a estimé qu’il valait mieux un mauvais plan que la catastrophe à laquelle aurait exposé son pays une sortie de l’Euro ou simplement son propre renoncement à négocier. Bien sûr tous les yakafaucons d’extrême gauche, les économistes qui préconisent d’autant mieux des ruptures qu’elles ne les concernent pas au premier chef, tous ceux qui ont déjà théorisé et prédit la fin de l’euro et de l’Europe, auraient préféré qu’il claque la porte de Bruxelles, et choisisse la crise plutôt que l’humiliation. Il a fait le choix inverse, en subissant l’humiliation, en dénonçant le sort inique qui était fait à son pays, et l’explique avec beaucoup de clarté et de simplicité dans une interview donnée à la fin du mois dernier à la radio de son parti Syriza. 

Tsipras a choisi de courber l’échine, de faire des compromis, pour éviter une faillite des banques grecques qu’il considérait comme un drame absolu pour son pays. Il a négocié pour gagner du temps, obtenir une aide financière sur la durée, et conserver ainsi une marge de manœuvre qui lui permette de poursuivre le combat en faveur des victimes de l’austérité dans son pays, en gardant une chance de le redresser. Un combat loin d’être gagné, mais le combat pour lequel il a été élu. Il retourne devant les électeurs pour vérifier qu’il est toujours mandaté pour le poursuivre… Bref, il fait de la politique. Qui peut le lui reprocher?

 

Quand Ecologie et Politique ne font pas bon ménage…

C’aurait pu être leur apothéose! Jamais la configuration politique n’avait été aussi favorable pour eux. Ils avaient accompagné la marche victorieuse d’un président de gauche. Leur alliance avec le PS leur avait permis d’envoyer 17 députés à l’assemblée, de constituer pour la première fois un groupe parlementaire, et de compter deux ministres dans le gouvernement Ayrault. A l’arrivée de Valls à l’Elysée, au printemps 2014, celui-ci leur avait même proposé un grand ministère de l’écologie. L’occasion sans précédent de mettre enfin leurs idées en pratique, au niveau national. De conduire la politique environnementale du pays à la veille d’une échéance de première importante pour la France, et la planète, la conférence internationale de Paris, susceptible de déboucher, en principe, à la fin de cette année sur un accord mondial pour la lutte contre la dégradation climatique! La conjonction planétaire était idéale, qui devait leur permettre de se positionner dans l’électorat avant les échéances de 2017, en sortant délibérément de la politique de témoignage pour entrer dans l’action publique d’envergure, au niveau national et international.

Mais entrer dans l’action publique, c’est se frotter aux réalités. Aux contradictions aussi. D’autres en font actuellement la douloureuse expérience. Syriza en Grèce, ou Podemos aux commandes de Barcelone. Pour changer le monde, il faut bien commencer par le prendre comme il est! Pour faire évoluer la France dans le sens qu’ils souhaitaient, il fallait accepter des concessions, des renoncements, des périodes de transition, mais aussi des blessures d’égo. Tout cela était trop douloureux pour la plupart d’entre eux. Alors les écolos, dans la foulée de Cecile Duflot, sont retournés dans leur squat. Un bout de terrain politique, aux confins de l’extrême gauche, où il fait bon condamner tout ce qui bouge, en promettant un grand soir auquel on ne croit plus depuis longtemps. Ils y ont trouvé un allié de choix en la personne de Jean-Luc Mélenchon, en quête lui-même d’un conglomérat politique lui permettant de continuer à nourrir ses fantasmes de soulèvement populaire électoral.

Probablement tout cela ne conduit le mouvement écologiste nulle-part. Ou plutôt si: à une nouvelle crise, voire à une implosion. Qui pourrait éloigner un peu plus encore les Verts de leurs ambitions. Et démontrer, à l’exact inverse de leur crédo, que l’écologie et la politique font décidément mauvais ménage.

 

 

Mais foutez la paix aux gosses!

Tout avait commencé avec le genre… Est-ce qu’on était pas en train d’apprendre à nos garçons à se comporter comme des filles… voire pire! Et chacun mettait son nez dans l’affaire. Les politiques bien sûr, qui voyaient une bonne occasion de vérifier le laxisme et le gauchisme des enseignants. Il y eut même un philosophe, ou prétendu tel, d’extrême- gauche, oui supposé tel, pour s’emparer du sujet et dénoncer le pouvoir socialiste qui pervertit nos enfants.

Ensuite est venue l’affaire Charlie. Comme des terroristes assassins s’étaient attaqués à la liberté d’expression, on a décidé d’une minute de silence dans toutes les écoles. Chaque enfant de France se devait d’être Charlie. Evidemment, il y a eu des trublions. Peut-être les mêmes que ceux qui font des blagues salaces à haute voix pendant le cours d’éducation sexuelle… Et on a demandé aux profs de dénoncer les gosses. Et certains, honte sur eux, l’ont fait. Des politiques ont même proposé qu’on envoie les enfants devant un juge d’instruction. Motif: n’est pas Charlie! Comprendre: est potentiellement complice des islamo-terroristes. Evidemment, cela n’avait aucun sens. On se disait: le terrorisme les rend fous!

Et puis il y a eu la jupe. Trop longue, trop noire… Une gamine qui voulait porter la même que sa mère, rendez-vous compte, à l’âge où les autres ados choisissent toujours plus court! Nouvelle affaire nationale. Une ministre de l’éducation qui “assume et soutient” une mesure d’exclusion. Des politiques qui commencent à imaginer une loi sur la longueur des jupes des filles… Tous fous, on vous dit!

Mais tout cela n’est rien à côté de la polémique sur la réforme des programmes. Là on était aux frontières du génocide. “Le massacre des innocents” titrait un hebdo sans doute en mal de diffusion. Les prétendus philosophes remontaient on créneau, on allait détruire notre jeunesse en supprimant le latin de la 6eme ou de la 5eme, à la fin plus personne n’en savait rien, et enseigner à nos enfants le coran à la place du catéchisme, et faire l’impasse sur le siècle des lumières… Des politiques promettaient déjà de manifester place de la République contre la félonie! Les enfants n’avaient qu’à bien se tenir, la France entière allait se mêler de leurs programmes.

Enfin a sonné l’heure de la cantine. Depuis des années, personne n’avait vraiment eu l’idée de s’en mêler. On devinait que le poisson était toujours servi plutôt le vendredi, en dépit de l’impératif de laïcité, et que les jours de porc on proposait autre chose à ceux qui n’en voulaient pas. Comme beaucoup de cantines étaient devenues des selfs, modernité oblige, on laissait le choix de leur menu aux enfants… Ceux qui ne voulaient pas de porc, pouvaient l’éviter, cela leur permettait de se sentir un peu chez eux dans l’école de la République, et tout le monde s’en fichait éperdument! Enfin presque! Il y a d’abord eu un maire pour décider de supprimer les menus de substitution. C’est porc ou rien, et vive la République! Forcément le chef des LR (comprendre le parti “Les Républicains”) a sauté sur le cheval déjà lancé et sonné la charge. Assez de complaisance pour les musulmans! Ne laissons pas à Marine Le Pen le monopole de la bêtise.

Et nouvelle polémique nationale. Maintenant un député propose de rendre obligatoires les menus végétariens à l’école! Dis, maman, c’est obligé d’aller à la cantine?

Et si pour une fois il se dégageait au milieu de cette pétaudière politique un consensus minimal. Messieurs les hommes et femmes politiques, continuez à vous battre sur des sujets pas toujours essentiels. Agitez les épouvantail idéologiques à votre guise, disputez à Marine Le Pen le monopole de l’intolérance si vous le souhaitez vraiment, mais de grâce: foutez la paix aux gosses!

 

 

 

Tel-Aviv sur Seine: au delà de la polémique

La polémique fait rage. La maire de Paris aurait-elle dû renoncer à son évènement culturalo-festif “Tel Aviv sur Seine”? C’est l’avis d’une partie des élus de la mairie de Paris derrière Danielle Simonnet du Parti de Gauche. L’avis aussi de nombreux défenseurs de la cause palestinienne. Avec un argument principal: après l’abominable incendie criminel d’une maison palestinienne en Cisjordanie par des terroristes juifs, il serait indécent, immoral, et inconséquent de maintenir un évènement festif conjoint avec la ville de Tel Aviv.

La maire de Paris se retranche derrière le caractère festif et non-politique de l’évènement pour justifier son maintien. Il s’agit explique-t-elle de permettre aux Parisiens de voyager en restant sur place dans le cadre de Paris-plage. L’argument ne convaincra évidemment pas les opposants. Pas plus d’ailleurs que les arguments du CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France, qui se borne à traiter d’antisémites tous ceux qui s’opposent au projet.

En fait, invoquer l’attentat de Douma pour exiger l’annulation de la manifestation est absurde. La municipalité de Tel-Aviv, et encore moins ses citoyens, ne peuvent être tenus pour responsables de l’acte terroriste d’un ou plusieurs extrémistes juifs. Pas plus que les Parisiens d’un attentat antisémite.

Bien sûr les violences exercées par les colons juifs en Palestine, découlent directement de la politique de colonisation menée par le gouvernement de Netanyahu, et de son laxisme, comme celui de la police, à leur égard. Plus généralement, la mise en place insidieuse d’un climat d’apartheid, en territoire israélien, où les droits de la population arabe sont ouvertement contestés par les ministres d’extrême droite, et plus encore dans les territoires de Palestine occupée, où ils sont bafoués quotidiennement, débouche sur un climat de violence, et une montée du racisme.

Mais cette politique d’apartheid et la montée du racisme à l’égard des arabes, sont condamnées quotidiennement en Israël, par des israéliens qui défendent les droits des palestiniens, et en particulier à Tel Aviv, où la jeunesse, comme toutes les jeunesses du monde, aspire à la paix, à la modernité, et se sent bien loin des préoccupations des extrémistes religieux.

La question posée par “l’affaire” Tel-Aviv sur Seine est donc tout simplement celle du boycott ou pas d’Israël et de ce qui s’y rattache. Indépendamment des attentats extrémistes. Faut-il tenter de faire pression sur le gouvernement Israélien, qui refuse de se plier aux résolutions de l’ONU, en boycottant les institutions d’Israël, ses représentations à l’étranger, ses entreprises, ses scientifiques, ses artistes, ses sportifs, les évènements festifs auxquels il est associé… comme on le fit en d’autres temps vis à vis du régime d’apartheid de l’Afrique du Sud?

Depuis dix années, le mouvement “Boycott-désinvestissement-sanctions” à l’égard d’Israël s’est développé. Avec une cible principale: tous ceux qui tirent profit de la colonisation, c’est à dire les entreprises installées dans les territoires occupés de Palestine. Un boycott soutenu activement par la Commission européenne. On se souvient que l’actrice Scarlett Johansson dut renoncer à être ambassadrice de l’organisation caritative Oxfam parce qu’elle avait associé son image à Sodastream, une entreprise israélienne installée dans les territoires occupés. Cette lutte contre la colonisation, dont on peut penser qu’elle pénalise principalement ceux qui tirent bénéfice de la situation faite aux Palestiniens, a trouvé un soutien en Israël même.

Mais ce que suggère l’appel à annuler la manifestation de Paris-plage, c’est la nécessité de passer à un boycott général de tout ce qui est organisé ou financé par Israël et ses institutions. Au début de l’été la ville d’Amsterdam a ainsi annulé un jumelage avec Tel-Aviv. En mai dernier, une campagne de boycott académique et culturel de toutes les institutions israéliennes a été lancée en Belgique. D’autres campagnes de boycott de scientifiques ont été lancées précédemment aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne. Jusqu’au physicien britannique Stephen Hawking refusant de se rendre en Israël pour une conférence. Objectif: ne plus coopérer avec aucune entité universitaire ou de recherche israélienne. Il y a évidemment là un changement complet de logique.

Boycotter les chercheurs, intellectuels et artistes israéliens, interdire toute manifestation culturelle ou festive commune avec Israël ou l’une de ses institutions servirait-il la cause de la paix? Comme le suggère le mouvement “La paix Maintenant” (Shalom Arshav), qui se bat pour les droits du peuple palestinien et le démantèlement des colonies, cela ne ferait que durcir encore l’opinion israélienne. Les intellectuels israéliens, chercheurs, enseignants, artistes… sont précisément ceux qui peuvent faire évoluer l’opinion publique de leur pays. Ceux qui peuvent faire entendre à l’intérieur des frontières d’Israël une parole de paix, de tolérance, et de respect des droits du peuple palestinien.

Le combat pour la paix passe forcément par eux. Les écarter de la scène scientifique et culturelle internationale, leur interdire d’échanger avec leurs homologues des autres pays, les condamner à l’isolement, donc au silence, serait les renvoyer à une guerre qui souvent n’est pas la leur, en les bannissant de la communauté internationale. De quoi raviver le spectre de la ghettoïsation, et les pousser vers les positions extrémistes que l’on finit toujours par épouser, lorsqu’on se sent persécuté. Exercer une punition collective dont seraient victimes toutes les couches de la population israélienne, y compris les arabes, de façon indifférenciée, en raison de la politique intolérable menée par le gouvernement israélien, serait donc absurde, dangereux, et sans doute vain.

Et dire cela n’interdit pas de continuer à boycotter les produits venus des colonies, de dénoncer le sort fait aux enfants de Gaza, la politique de colonisation et d’apartheid mise en œuvre par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, et de se tenir à l’écart de tous ceux qui la revendiquent et la soutiennent.

 

 

 

Les paris risqués d’Obama

Un rejet de l’accord avec les Iraniens par le Congrès serait une “erreur historique”! C’est Obama qui le dit, pour tenter de dissuader les élus américains de faire échouer in fine des mois de négociations avec les Iraniens. Une chose est certaine, un retour en arrière serait catastrophique et probablement générateur des pires dangers. On peut sans peine imaginer qu’en cas d’invalidation de l’accord, le retour de bâton en Iran serait terrible.

D’abord pour les responsables politiques iraniens actuels, qui seraient probablement balayés par le retour de flamme des plus conservateurs, qui n’ont pas dit leur dernier mot. Il s’en suivrait probablement une aggravation de la guerre que se livrent dans la région l’Iran chiite et ses voisins sunnites par milices et terroristes interposés. Et certainement une dégradation des conditions de sécurité en Israël. Bref, personne n’aurait rien à y gagner. Ni ceux qui ont signé l’accord, ni ceux qui s’y sont opposés jusqu’au bout, comme Israël ou l’Arabie Saoudite. C’est pourquoi le président américain a promis d’opposer son droit de veto à une décision défavorable du Congrès. Pour faire capoter l’accord il faudrait donc les 2/3 du Congrès et du Sénat, hypothèse peu vraisemblable.

Pour convaincre les élus américains, Obama leur a rappelé les conséquences catastrophiques de leur vote de 2002 en faveur de la guerre en Irak. Ils pourront lui rétorquer que les conséquences d’un engagement en Irak, que la Maison Blanche de l’époque jurait de très courte durée, était aussi imprévisibles que celles de l’accord qu’Obama leur propose de valider.

Et il est vrai que les répercussions de l’accord sur le nucléaire iranien, qui renforce le pays considérablement d’un point de vue politique et financier (déblocage à terme de 135 milliards d’euros d’avoirs gelés à l’étranger) sont assez imprévisibles. D’abord parce qu’il ne devrait pas empêcher l’Iran d’obtenir un jour la Bombe. Pas plus que ne l’aurait permis l’absence d’accord, ou encore un bombardement des installations iraniennes, que suggérait le premier-ministre israélien Netanyahu. Si l’Iran veut l’arme nucléaire, il finira par s’en doter. Comme l’ont fait avant lui Israël, l’Inde ou le Pakistan.

Le véritable enjeu pour Obama est sans doute ailleurs. D’abord évidemment dans son image personnelle. On voit bien comment il tente de marquer l’histoire en faisant prendre deux virages historiques à son pays: la réconciliation avec Cuba, et avec l’Iran des Mollahs. L’un comme l’autre étaient évidemment nécessaires. Mais si les risques du rapprochement avec Cuba semblent faibles, le pari iranien est beaucoup plus hypothétique.

Pour qu’il soit gagné plusieurs conditions devront être réunies. Primo, les Iraniens ne devront pas tricher trop ouvertement, ni tout de suite, sur leur programme nucléaire. Ce n’est déjà pas gagné. Depuis que l’AIEA tente de contrôler les activités nucléaires, prétendument civiles, des Iraniens, ceux-ci n’ont cessé de tricher, de dissimuler leurs installations sensibles.

Deuxio, le changement politique, qui semble s’esquisser à Téhéran, avec le président Hassan Rohani, devra se confirmer. On est là aussi encore loin du compte. Les conservateurs restent très puissants au parlement, et le guide suprême Ali Khamenei reste le personnage le plus puissant du pays. Si l’on en croit le rapport d’Amnesty International, torture, privation des droits élémentaires, restent le lot quotidien des Iraniens, et les exécutions se poursuivent à une rythme soutenu. Certes l’accord sur le nucléaire, qui prévoit la levée prochaine des sanctions internationales contre le pays, renforce le camp des réformateurs, que soutient une jeunesse avide de libertés, et de modernité. Mais un retour au pouvoir des plus conservateurs reste possible.

Pour que le pari d’Obama soit gagnant, il faudra aussi que l’Iran joue le rôle de stabilisateur, et donc pacificateur de la région, que le président Américain semble lui avoir dévolu. Là encore, ce n’est pas gagné! Pour l’heure, l’Iran est plutôt un puissant déstabilisateur. Avec le Hezbollah, qu’il soutient. Et les milices chiites qui mettent le feu au Yémen. Et le régime d’Assad auquel il apporte son appui politique et financier depuis le début de la crise syrienne. On peut noter que le soutien financier et militaire apporté au Hamas semble faiblir, mais c’est surtout parce que le Hamas, préoccupé par l’influence grandissante des sunnites de Daesh à Gaza, semble maintenant se tourner vers les Saoudiens.

Evidemment, aucun des ennemis traditionnels de l’Iran dans la région, Israël, Arabie Saoudite, états du Golfe, Turquie, ne croit à la rédemption iranienne. Alors Obama fait de la compensation. Pour Israël, en prévision de l’accord avec l’Iran et avant même sa signature, il a été prévu d’augmenter de 20% l’aide militaire américaine, actuellement 3 milliards de dollars par an. Pour la Turquie, on vient de sacrifier les Kurdes en faisant semblant de ne pas voir que pour une bombe lâchée sur les positions de Daesh, les Turcs en lâchaient 10 sur les Kurdes. Quant aux pays du Golfe, John Kerry leur a annoncé lundi que les Etats-Unis allaient accélérer leurs livraisons d’armes, les aider pour l’intégration des systèmes de missiles balistiques de la région, et améliorer les échanges de renseignement avec eux.

Si l’on doit admettre que l’accord avec l’Iran était inévitable à terme, il reste à savoir si l’ensemble des compensations  accordées aux uns et aux autres va dans le sens de la stabilité de la région, et de la paix.

Pour l’instant, on a ranimé avec l’affaire kurde au moins une guerre qui semblait pouvoir s’apaiser depuis que les Kurdes modérés avaient fait une percée remarquée au parlement d’Ankara. Augmenter encore l’aide militaire à Israël n’est évidemment pas le meilleur moyen de faire pression sur Benjamin Netanyahu, pour qu’il cesse sa politique discriminatoire à l’égard des palestiniens, et s’engage dans de véritables négociations de paix. Quant à l’assistance militaire à des régimes pour lesquels la démocratie reste un fantasme d’occidental, et dont on sait qu’ils financent ou ont financé il n’y a pas si longtemps le terrorisme islamiste…

Personne évidemment ne peut prédire ce qui sortira à la fin du “shaker” diplomatique de Barack Obama. Mais en cas d’échec, la potion risque d’être amère pour tous, comme le fut celle de son prédécesseur.