Quel front?

A quatre jours des régionales, la menace se précise: des régions pourraient tomber aux mains du Front National, avec tout ce que cela suppose de régression sociale et morale. Du moins les sondages nous le prédisent-ils. Et ressurgit la vieille antienne préelectorale de la vie politique française: front républicain ou pas? Nicolas Sarkozy pour sa part a prévenu: nous ne retirerons aucune liste entre les deux tours. Mais il n’est pas certain que le raisonnement de certains de ses rivaux pour la primaire de la droite soient à l’unisson. Côté socialiste, on a des états d’âme. Entre Manuel Valls se risquant à parler de fusion des listes dans le nord, pour faire échec à Marine Le Pen, et les candidats de base qui se battent souvent depuis des dizaines de mois d’abord dans leur parti, puis contre la droite et l’extrême-droite, pour obtenir un siège de conseiller régional, l’incompréhension est évidemment totale. Les provocations du premier ont peu de chances d’amuser les seconds. Et encore moins d’obtenir un écho chez les ex-UMP qui sont donnés par les sondages largement devant le PS dans la région en question et ne feront évidemment aucune place aux socialistes entre les deux tours.

En fait ce débat n’est pas sérieux. C’est juste un “truc” que l’on ressort pour discréditer un peu l’adversaire avant le vote. Pour Sarkozy, le Ni-Ni permet de diaboliser les socialistes en les mettant sur le même plan que Marine Le Pen. Pour le premier-ministre le message est symétrique: en proposant un front républicain que refusera le parti de Nicolas Sarkozy, l’objectif est de démontrer que les vrais républicains sont à gauche, et pas à droite ! Dans les deux cas, on ne décolle pas vraiment du niveau cours de récréation.

Car ni les uns ni les autres ne sont crédibles sur le sujet. Ni Sarkozy qui prétend que c’est le PS qui fait progresser l’extrême-droite, quand le score de la famille Le Pen est passé de 10% en 2007 à 18% en 2012, sous sa présidence. Ni non plus les adeptes de gauche du front républicain qui voudraient convaincre leurs électeurs que l’ennemi dénoncé à longueur de campagnes cesse de l’être le temps d’un second tour électoral.

Tous seraient plus crédibles s’ils étaient capables, hors périodes électorales, de manifester concrètement leur attachement républicain en essayant de s’entendre, dans l’intérêt de la nation, sur un peu plus que l’état d’urgence où la guerre en Syrie. Or le message qu’ils transmettent de façon continue, permanente, réitérée à longueur de mandats est toujours le même: ceux d’en face ont tout faux de A à Z, ce sont des nuls. Et à chaque alternance chacun commence par défaire méthodiquement tout ce qu’a fait le gouvernement précédent, parfois même à refaire ce qui avait été défait par les autres, dans un surprenant bond en arrière. Tout cela rendant impossible la mise en œuvre sur la durée de toute politique crédible.

En matière d’éducation par exemple. Aussi bien à droite qu’à gauche on a raillé la résistance des enseignants au changement, et on s’est apitoyé sur les résultats catastrophiques de notre système éducatif. Mais aucun n’a le courage, et pour tout dire le simple bon sens, de laisser les réformes initiées par d’autres produire leurs effets avant de tout changer. A chaque gouvernement sa réforme définitive de l’éducation, sa révision drastique des programmes, qui jettent aux orties tout ce qui a été fait précédemment… et les enseignants sont priés de suivre.

Même chose dans le domaine fiscal. Et sur la dette publique, et sur tous ces sujets où sur le fond ils ne devraient pas être  si éloignés. Aujourd’hui tout le monde est d’accord pour rendre la fiscalité plus juste et lutter contre la fraude. Pour baisser les impôts, pour réduire les déficits, pour augmenter la productivité des entreprises, pour moderniser l’économie… Mais il est impossible de dégager entre gauche et droite un consensus minimum sur un socle de réformes que les deux parties s’engageraient à conduire à terme quelles que soient les alternances. Et qui ne les empêcherait pas d’imprimer leur propre rythme, leurs propres projets, de privilégier leurs choix politiques, lorsque l’une ou l’autre serait au gouvernement. Dans d’autres pays, les forces politiques opposées savent s’allier autour de quelques projets fondamentaux, ils ne s’en portent pas plus mal. Et l’extrême droite n’y est pas plus forte qu’ici.

Alors quand arrive l’entre deux tours, et que l’ont fait mine de se rendre compte qu’au fond on est d’accord sur l’essentiel, et que l’on appelle des électeurs à voter “républicain”, pour faire obstacle aux vrais ennemis, ceux d’extrême droite… les électeurs peuvent avoir le sentiment qu’on se moque d’eux. Et demander qu’on les laisse voter en leur âme et conscience, sans se prétendre propriétaire de leurs voix. Voter pour éviter le pire, quand on n’est plus à même de choisir le meilleur, est forcément douloureux, mais reste l’affaire de chacun.

 

1 réflexion sur « Quel front? »

  1. Une grande coalition comme celles que nous servent de temps en temps les allemands, les anglais et les nordiques est elle possible dans un pays où l’on nous explique que gauche et droite c’est l’eau et le feu ? Qu’il y a plus de différences entre Juppé et Sapin ou Vals qu’entre ces deux derniers et Mélenchon ou Besancenot ? Et que faire pour contrer l’argument du Front de l’UMPS inspiré par le Blanc-Bonnet et Bonnet-Blanc du sinistre stalinien Jacques Duclos ? En France, l’essentiel est la conquête du pouvoir et tout faire pour le garder en évitant de bousculer les français par des réformes intempestives qui les met dans la rue ; agriculteurs, professions libérales, fonctionnaires, etc… qui ont tous des acquis à défendre.
    La solution : souhaitons que le Front puisse mettre les main dans le cambouis et prouver son incompétence pour que se recompose les forces de notre échiquier politique. Le Pen père fera tout pour que sa fille perde ; lui, il a tout compris. Le PC s’est écroulé le jour où il a décidé de participer aux affaires ? On devrait retenir cette leçon !

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