« Infamie », nous dit Thomas Piketty du haut de son succès de librairie planétaire, et de son expertise économique. « Pétainisme », “Déshonneur”, renchérit-on à la gauche de la gauche. C’est la République qu’on assassine, l’Histoire que l’on piétine ! Hollande dit « adieu à la gauche »… Le progrès du Front National, c’est la faute à Hollande, et les manifs racistes d’Ajaccio, aussi… Et Médiapart se surprend à encenser Devedjian, pour qui l’on avait pas de mots trop durs hier, ou encore Toubon, dont la nomination comme « Défenseur des droits » constituait pourtant déjà, il y a quelques mois, une infamie du dit Hollande. Mais les deux élus de droite ont choisi le camp de la République contre celui de la trahison, comprendre celui de l’anti-hollandisme, seul combat qui vaille aujourd’hui pour la « vraie gauche ».
On peut être opposé au double projet du président de banaliser l’état d’urgence, et d’étendre le champ de la déchéance de nationalité déjà autorisée par la loi… Et rester pourtant perplexe devant l’avalanche de mots. De gros mots ! Avec l’accélération formidable des échanges d’idées qu’a permis le développement des réseaux sociaux, un nouvel étalon de la pensée semble apparaître, celui de la grosseur des mots, de l’enflure du propos, de l’outrance du discours. Plus c’est gros plus ça circule. Plus c’est exagéré plus c’est twitté, retwitté et facebooké, et repris dans les nouveaux cafés du commerce que sont les chaînes d’info en continu, shakers de lieux communs, où l’agitation des mots tient lieu de construction du propos, l’anathème d’analyse.
Tout est devenu question de principe. On ne juge plus qu’à l’aune des « valeurs ». Le gros mot que l’on entend dans toutes les bouches dès lors qu’il s’agit de dire son désaccord, son refus, son rejet de l’autre. Sarkozy défend les « valeurs » de LA REPUBLIQUE, comme Hollande d’ailleurs et même… Marine Le Pen. Edwy Plenel ou Mélenchon également, mais ils sont en plus le rempart des « valeurs de LA GAUCHE ». Et les uns et les autres s’excommunient mutuellement, s’injurient en leur nom.
Il n’y a plus de nuances, que du blanc et du noir. Vérité en deçà de mon rubicon, infamie au delà. Nous ne partageons pas les même valeurs ! La vraie gauche c’est moi ! Les Républicains c’est nous ! Et chacun prétend, avec l’aide des multiples et contradictoires sondages d’opinion, être le Peuple. Mélenchon sait ce que veut ce Peuple de France, et Marine Le Pen aussi, et les autres également qui parlent bien sûr au nom des Français…
Alors, on se prend à rêver d’une pause ! Juste le temps d’une respiration pendant laquelle on reprendrait le temps du dialogue, de l’échange d’arguments, de l’analyse, de la compréhension. Où l’on retrouverait le goût de la nuance. Au risque de faire un peu moins de « buzz », mais un peu plus de sens !
“on se prend à rêver d’une pause ! Juste le temps d’une respiration pendant laquelle on reprendrait le temps du dialogue, de l’échange d’arguments, de l’analyse, de la compréhension. Où l’on retrouverait le goût de la nuance. Au risque de faire un peu moins de « buzz », mais un peu plus de sens !”
ma parole, mais c’est déjà un voeu pour 2016!
pourvu que ce ne soit pas qu’un voeu pieu
pourvu que les politiques fassent mieux que des twitts
pourvu que les médias jouent leur rôle d’information et de rouage de la démocratie, ce qui est de moins en moins le cas, la recherche du “buzz” et la course aux clics ayant tendance à les conduire dans les chemins de la vulgarité comme de la facilité, entretenir le populisme dans une démocratie somme toute privilégiée semblant être le nouveau sport des élites, journalistiques en particulier.
Oui, ça pourrait être un vœu. Je vois que nous le partageons. Merci de votre fidélité, bonne fête, et excellente année!