Hollande seul contre tous ?

Le Parti Socialiste est un astre mort. Une étoile en voie d’effondrement. Déjà un trou noir, d’où ne sort plus aucune lumière. Les responsables, qui dans la foulée de Martine Aubry ont franchi le Rubicon, en dénonçant publiquement la politique du tandem Hollande-Valls, ne reviendront jamais sur l’autre rive. Il ne leur reste plus qu’à compléter leur suicide politique en s’associant à une motion de censure contre “leur” gouvernement et la messe sera dite.

François Hollande est dorénavant un roi nu. Sans parti, sans troupes. Contesté sur tout le spectre de l’échiquier politique. Exposé à toutes les attaques, les vindictes, les frustrations… Attaqué, par habitude, sur l’ensemble des médias, et tous les sujets. On le siffle, on le hue, on l’injurie au Salon de l’Agriculture, parce que la loi du marché ne veut pas s’adapter à la surproduction agricole. On le vilipende à Notre Dame des Landes, parce qu’il a proposé de recourir à la démocratie directe, mais que les champions auto-déclarés de la démocratie qui s’opposent au projet, ont peur du résultat du vote. On le moque à Tahiti lorsque les autochtones le déguisent en pot de fleur. On le compare à Pétain lorsqu’il s’enferre dans son stupide projet de déchéance de nationalité. A Sarkozy lorsqu’il s’attaque à la nécessaire réforme du code du travail.

Sans doute en ultime hommage à la méthode Coué, il continue à répéter qu’il se présentera en 2017 si la courbe du chômage s’inverse… mais ce n’est probablement plus qu’un exercice de style. On voit mal comment François Hollande pourrait être en situation de se présenter de façon crédible à la prochaine élection présidentielle. Trop de gens dans son propre camp sont maintenant décidés, dans le sillage des Aubry, Hamon et consorts, à tout faire pour que la droite l’emporte en 2017, afin que “leur” gauche puisse se reconstruire sans les sortants, loin des compromissions liées à l’exercice du pouvoir… C’est à dire autour d’eux-mêmes.

Evidemment, comme dans toutes les crises graves, c’est d’abord la faute au patron. Si la gauche aujourd’hui se décompose, se déchire, se tire des balles dans le pied voire dans la tête, si les cadres des partis qui ont soutenu François Hollande ont perdu le nord, c’est d’abord bien sûr parce que le président n’a pas su les maintenir en ordre de marche pendant cinq ans. Il n’a sans doute pas assez écouté, pas entendu, pas pris en compte, pas expliqué… Mais il y a plus. Si Hollande est si seul aujourd’hui, appuyé sur la béquille Valls, qui de toute façon se dérobera le moment venu pour jouer son propre jeu, c’est sans doute aussi parce qu’il s’est pris au jeu présidentiel. Parce que le “mou”, ou le “flou”, de la campagne présidentielle, celui qui cachait forcément un “loup”, comme disait Martine Aubry, a fait sa mutation.

Il a commencé par se faire “chef de guerre”, sous la pression des évènements. Et évidemment c’est le genre de rôle qui monte à la tête. Le sens de la mesure, de la nuance, de l’écoute, le recul disparaissent en général dans le fracas des armes. On peut penser que c’est le manque de recul qui l’a conduit dans l’impasse de la réforme constitutionnelle.

Il a ensuite changé son approche de l’économie. Car il a dû constater que les médecines douces et consensuelles qu’il tentait de mettre en œuvre depuis le début du quinquennat ne menaient pas au redressement espéré. Que les tentatives de réformer dans le dialogue, par la négociation entre les partenaires sociaux, étaient vaines. A cause d’une organisation patronale toujours dans la surenchère libérale, à cause aussi de syndicats qui tentent de compenser par une intransigeance de façade au niveau national, un taux de syndicalisation trop faible dans les entreprises. Pour redresser plus vite le pays, pour combler le fossé qui s’aggrave dramatiquement entre la France et l’Allemagne, il s’est convaincu qu’il fallait réformer plus vite, plus fort. Quitte à se couper définitivement de son électorat de 2012.

Que peut faire aujourd’hui ce président impopulaire à quinze mois de la fin de son premier, et probablement unique, mandat?

D’abord garder le cap des réformes. Tant qu’à être impopulaire autant en profiter pour faire adopter quelques mesures utiles à la France. Au point où en sont les frondeurs du PS, ils peuvent difficilement le désavouer plus qu’ils ne l’ont déjà fait, sauf à renoncer tout de suite à leurs mandats, en bloquant l’action gouvernementale au parlement.

Ensuite sans doute s’attaquer enfin au dossier européen. L’Union européenne est à la dérive, bousculée par la succession de crises: dettes publiques, migrations, menace de départ de la Grande-Bretagne… et Hollande ne peut s’en laver les mains. Après le chômage, c’est l’autre échec de sa politique. Si la crise des migrants a mis l’Europe cul par dessus tête, c’est parce qu’Angela Merkel s’est retrouvée seule à défendre nos valeurs communes, face aux tentations du repli identitaire. Parce que la France n’était pas à ses côtés pour faire taire les égoïsmes de gouvernements qui oublient trop vite comment l’Europe de l’ouest a tendu la main à leurs pays, il n’y a pas si longtemps. Il est encore possible sans doute de sauver l’Union en relançant le moteur franco-allemand autour d’un projet plus dynamique, plus resserré, plus solidaire, porteur de développement et de progrès. En renouant les liens entre une France affaiblie et une Allemagne trop souvent égoïste et arrogante.  Hollande doit s’y coller.

Poursuivre les réformes et tenter de relancer le projet européen, au milieu des oppositions multiples, ne le réconciliera pas avec ses opposants et affaiblira sans doute encore sa position personnelle pour 2017. Manifs, injures et quolibets resteront au menu pour les quinze mois à venir.

Mais de toutes façons les carottes sont cuites. En changeant maintenant de cap, ou laissant de côté les projets de réformes pour appeler en renfort “Flamby”, le champion du compromis boiteux de fin de congrès… il ne ferait que joindre le déshonneur à la défaite.

Vive le référendum en entreprise !

Peugeot renoue avec les bénéfices et accorde une prime de 2000 euros aux salariés, au titre de l’intéressement aux résultats de l’entreprise? Une manœuvre du patronat, selon la CGT… Cherchez l’erreur!

S’il était besoin, l’anecdote démontre à elle seule l’utilité d’une réforme du code du travail. Les représentants syndicaux, dont l’utilité de principe n’est pas contestable, deviennent trop souvent des forces d’obstruction dans l’entreprise, plus préoccupées par l’auto-reproduction de leur fonctionnement, que par les intérêts des salariés. Se féliciter du fait que l’entreprise fasse profiter les salariés de ses bons résultats, ce qui est évident pour toute personne sensée, leur est impossible. Car ce serait admettre que peut se jouer dans l’entreprise autre chose que la lutte des classes. Ce serait reconnaître que les intérêts de l’entreprise et ceux des salariés convergent nécessairement. Que le progrès social peut naître ailleurs que sur le brasier de l’affrontement de classes entre le syndicat et le patron. Qu’il existe une autre voie pour les salariés à la recherche d’une amélioration de leur situation que celle du syndicat majoritaire.

Oui, cent fois oui, il est nécessaire d’autoriser dans l’entreprise une autre expression collective à côté de la médiation syndicale. Oui une majorité de salariés doit pouvoir décider de son avenir de façon démocratique, même lorsque son choix ne s’inscrit pas dans la stratégie politico-syndicale du syndicat dominant. Dire le contraire, c’est méconnaître la réalité du double rôle des syndicats dans l’entreprise. Indispensables dans leur défense des intérêts des salariés, incontournables comme interlocuteurs de la direction, mais aussi force d’inertie et de blocage entravant le progrès économique et social, dès lors qu’il échappe à leur logique d’appareil.

 

Syrie: espoir ou simulacre ?

On a évidemment envie d’y croire! De penser que l’annonce d’un cessez-le feu faite par Américains et Russes sera suivie d’effets sur le terrain. Que le calvaire de la population syrienne, va prendre fin. Mais il est difficile de chasser le doute.

Il reste d’abord à vérifier que l’ensemble des belligérants sont d’accord. Assad a accepté rapidement, sur la pression de son mentor russe, mais en annonçant déjà la tenue d’élections législatives le 13 avril prochain… c’est à dire demain! Une proposition surréaliste. Comment imaginer la tenue d’élections démocratiques dans un pays détruit, dont environ un tiers de la population a été déplacée? On peut déjà parier que le scrutin, s’il avait lieu, ne serait qu’un simulacre destiné à restaurer un semblant de légitimité au régime du tyran.

Les opposants à Assad, concerné par l’accord, c’est à dire ceux qui ne sont pas rangés parmi les groupe djihadistes, ont tout de suite posé leurs conditions: libération des prisonniers politiques, levée du siège des villes syriennes, arrêt des bombardements de civils, et libre accès aux populations pour l’aide humanitaire. Toutes conditions figurant déjà dans une résolution des Nations Unies, et qui ont déjà été rejetées par le régime dans le passé.

Il y a aussi les belligérants indirects. Les Turcs, par exemple, vont-ils continuer à bombarder les positions Kurdes, au prétexte de lutter contre le terrorisme? Et puis, tout le monde va continuer à bombarder Daesh, et les djihadistes d’Al Nosra qui combattent souvent aux côtés des opposants plus “respectables” à Bachar Al Assad. Les frappes aériennes vont devoir être sacrément “chirurgicales” pour trier parmi les troupes aujourd’hui sur le terrain entre djihadistes et non djihadistes. Le cessez le feu, si il est effectif sur une partie du territoire syrien, ne mettra évidemment pas fin aux violences que subissent les populations civiles.

Bien sûr on ne peut qu’applaudir à la tentative de mettre fin au conflit armé. Sans être forcément dupe sur les motivations de chacun. Au delà de la souffrance du peuple syrien, qui suscite la compassion universelle, chacun des protagonistes a sans doute de bonnes raisons d’y mettre fin. Pour Vladimir Poutine, dont l’intervention militaire a permis de conforter la position du régime, qui paraissait bien compromise il y a quelques mois, une demi-victoire d’Assad serait sans doute préférable à un enlisement, dans un conflit où il n’a finalement pas grand chose à gagner. Barack Obama, on s’en doute, voudrait bien se sortir de ce bourbier avant la fin de son mandat et livrer à son successeur une Amérique qui ne soit plus en guerre, histoire de donner raison sur le tard aux prédictions du comité Nobel qui en fit le champion de la paix dès le début de son premier mandat. Les Européens ont eux-aussi évidemment un intérêt vital à un cessez le feu, susceptible de tarir enfin le flot de migrants qui se presse à leurs frontières, qu’ils sont incapables d’assimiler et qui a commencé de réveiller chez eux les vieux démons du nationalisme, de l’intolérance, et du rejet de l’autre, faisant craindre pour la solidité de la construction européenne elle-même. Et puis, tous doivent se dire aujourd’hui qu’une mauvaise paix en Syrie permettrait au moins de concentrer les forces de chacun sur l’élimination de Daech qui reste l’ennemi commun.

Tout cela n’est pas très rassurant. Et fait craindre que tout le monde ait finalement intérêt à un simulacre de retour à la paix qui ne résolve rien et laisse la population syrienne seule face à ses bourreaux. Où quelques urnes bourrées puissent passer pour un processus démocratique… mais qui permettrait enfin à chacun de détourner les yeux pour regarder ailleurs.

 

 

Un tête à queue social-libéral ?

Ce coup-ci le Rubicon a bien été franchi. Le tête à queue “social-libéral” est bien là! Définitivement, ce gouvernement et ce président seraient donc à ranger à droite? Pire encore, dans le camp des traîtres? Peut-être, mais pas dans le camp des lâches en tout cas. Car le projet de loi de Madame El Kohmri, ne manque pas d’audace et pourrait couper les dernières amarres qui reliaient encore le vaisseau présidentiel à son port d’attache socialiste. Et rendre encore plus improbable la réélection de François Hollande en 2017!

De quoi parle-t-on exactement? D’abord de la remise en question des 35 heures, totem de la vraie gauche, grand œuvre de Martine Aubry, dogme longtemps vénéré et intouchable pour toute la gauche. Mais le totem a fait long feu. Même si le premier impact des 35 heures a été positif sur l’emploi, la transmutation attendue n’est pas là. L’échange temps de travail contre emploi n’a pas vraiment fonctionné, n’a pas permis de faire durablement reculer le chomage. Evidemment, la transformation inverse -travailler plus longtemps pour créer plus d’emplois- est encore plus improbable. En tout cas il n’est pas illégitime de s’interroger sur les effets bénéfiques de l’assouplissement de certaines rigidités dans l’entreprise.

Les socialistes qui nous gouvernent sont donc sur le point de renverser le totem en revenant, partiellement, sur la loi sacrée de Martine Aubry. Mais s’agit-il vraiment d’une révolution? D’une part le dogme a déjà été largement écorné sous Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy. Ensuite formellement, la loi El Kohmri ne remettra pas en cause l’horaire légal de la durée du travail qui reste de 35 heures. On facilitera en revanche toutes les transgressions, pourvu qu’elles soient négociées. Et sur ce point au moins, Hollande est fidèle à ses engagements: il avait promis de tout miser sur la négociation sociale.

Evidemment, il ne suffit pas de décréter que la négociation sociale prime sur le droit du travail pour que cela fonctionne. Encore faut-il faciliter, voire organiser ce dialogue. Là, l’innovation proposée ne devrait pas non plus faire l’unanimité. En permettant aux syndicats minoritaires de contourner le syndicat majoritaire par un référendum d’entreprise, le gouvernement propose un levier efficace pour débloquer des situations aujourd’hui insolubles, en matière de travail le dimanche par exemple, mais oppose la démocratie directe à l’action syndicale. C’est une nécessaire remise en question du totalitarisme de certaines organisations syndicales, mais là encore, la polémique assurée à gauche !

Autre changement proposé: la limitation des indemnités de licenciement accordées par les prudhommes et payées par les entreprises. C’est une vieille revendication du patronat, donc à priori une mesure de droite. Au delà du montant des indemnités, dont le bien fondé peut être discuté dans bien des cas, la question posée est celle de la justice prudhommale elle-même. Une justice rendue par des conseillers mandatés par les organisations syndicales et patronales, dont l’impartialité et le professionnalisme juridique ne sont pas garantis, même s’ils varient fortement d’un tribunal à l’autre, et qui ne sont pas systématiquement convaincus que l’intérêt individuel du salarié dépend de celui, plus collectif, de l’entreprise. Toucher à la justice prudhommale, comme au fonctionnement de l’inspection du travail, qui n’est pas non plus un facteur de dynamisation de la vie sociale, n’est évidemment pas le meilleur moyen de se rendre populaire à gauche, mais figurera forcément à l’agenda des gouvernements à venir, qu’ils soient de droite ou de gauche.

Au final, est-on à la veille d’une régression sociale sans précédent? Pas vraiment. Les mesures proposées vont plutôt dans le sens d’une modernisation, nécessaire, de notre législation sociale trop lourde, trop complexe pour favoriser l’initiative, trop punitive pour ne pas entraver l’activité des entreprises, et donc l’intérêt des salariés qu’elle prétend protéger. Ces mesures ne garantiront certes pas la création d’un seul emploi de plus. Elles ne pourront évidemment assurer à chaque salarié la bonne foi de son employeur. Elles ne retireront rien au rôle essentiel des syndicats dans l’entreprise…

Mais on doit reconnaître qu’en poussant ainsi les feux de la réforme, à 15 mois de la présidentielle, Hollande montre que la préparation des conditions de sa candidature pour 2017 n’est peut-être pas aussi obsessionnelle qu’on pourrait le penser. Il a promis de réformer jusqu’au bout… Pour l’instant, il s’y tient.

 

 

Encore merci Monsieur George W. Bush !

On vient d’apprendre que George W. Bush allait s’investir plus à fond dans la campagne présidentielle de son frère Jeb qui a du mal à convaincre. On peine à croire que cela soit un élément positif pour les électeurs américains, car jamais l’étendue du désastre qu’il a provoqué n’avait été aussi flagrante. La guerre qu’il a initié en Irak a engendré un conflit total, impitoyable, absurde, ubuesque, dont tous les habitants de la région sont en train de faire les frais.

Une guerre absurde dans laquelle on ne sait plus où est le front, qui est ennemi de qui, qui soutient qui et pourquoi… où la seule certitude est l’identité des victimes: les populations civiles. Les hommes, femmes, enfants, qui vivent encore comme des ombres improbables dans les décombres des villes syriennes, sous la férule des barbares de Daech, ou les bombes que lâchent sur eux les avions d’on ne sait quel pays prétendument ami du leur…  Qui ne sont même plus protégés par les murs des hôpitaux. Ceux et celles aussi qui ont réussi à fuir et tentent de survivre à la faim dans les camps de réfugiés de la région, 2 millions en Turquie, au moins un million au Liban, ou viennent s’échouer près de chez nous contre le mur de l’égoïsme européen.

Une guerre dans laquelle tout le monde dit vouloir la paix quand chacun fait la guerre. Assad contre son propre peuple. La Russie contre les opposants d’Assad. Daech contre tous ceux qui ne se soumettent pas à sa loi. Les Iraniens contre les ennemis sunnites d’Assad. Les Kurdes contre Daech et les opposants d’Assad. Les Turcs contre les Kurdes et accessoirement Assad. Les Saoudiens contre Daech et le régime syrien. Les occidentaux contre Assad et Daech… Cette région était connue pour être une poudrière, en raison de frontières héritées de la colonisation, de dictatures peu éclairées, de conflits religieux latents, de répartition inégale de la manne pétrolière, de pauvreté des populations… le grand artificier Bush a déclenché le feu d’artifice. Et l’explosion est multiple et totale.

Au début du conflit on pouvait penser qu’une solution politique pourrait être trouvée en appuyant l’opposition démocratique au dictateur Assad et en raisonnant le régime pro-américain de Bagdad, pour l’obliger à prendre en compte la minorité sunnite d’Irak. Trois ans et 150 000 morts plus tard… plus personne ne peut prédire une issue. La guerre en Syrie n’est plus une guerre civile depuis longtemps, elle est devenu le lieu d’expression de toutes les tensions de la planète. Chacun vient ici prendre sa revanche contre l’adversité, chercher une reconnaissance, ou affirmer son leadership, dans le sang des peuples de Syrie et d’Irak.

A chacun son objectif. Pour les occidentaux, la priorité c’est bien sûr de se débarrasser de  Daech qui les menace chez eux, mais en évitant de se laisser entraîner dans un nouveau conflit sur le terrain moyen-oriental. Obama semble maintenant plus préoccupé de préparer sa sortie politique que de sauver les Syriens. Pour les russes, l’opportunité est offerte à la fois de profiter de l’affaiblissement de l’hégémonique Amérique en montrant sa force, et d’empêcher les alliés des Etats-Unis dans la région, Arabie-Saoudite, Turquie et Pays du Golfe qui ont armé les opposants à Assad, de prendre l’ascendant. Pour les Kurdes, les seuls à combattre réellement Daech sur le terrain, l’objectif est dorénavant d’aboutir, à l’issue du conflit, à la création d’un Etat à part entière. Ce qui fait un excellent but de guerre pour les Turcs, en proie depuis la nuit des temps à la rebellion des Kurdes dans leur pays, et qui ne laisseront pas un état Kurde s’installer à leurs frontières. Quant aux Iraniens, qui sont revenus dans le jeu international à la faveur de l’accord sur le nucléaire, le soutien sans faille à l’allié syrien permet de damer le pion à l’ennemi historique saoudien en se réaffirmant comme la principale puissance régionale.

Les buts de guerre de chacun s’enchevêtrent ainsi pour donner un jeu d’alliances souvent incompréhensible. Après les avoir encensés et armés, les occidentaux sont prêts à abandonner les kurdes dans les griffes turques, pour qu’Ankara accepte de contenir dans ses camps le flux de réfugiés qui se rue vers l’Europe. Les russes favorisent la progression de Daech en concentrant leurs attaques sur la coalition d’opposition plus modérée combattue tant par le régime syrien que par les terroristes d’Etat Islamique. La Turquie parle de s’allier à l’Arabie Saoudite pour lancer une opération terrestre en Syrie contre Daech, dont on a bien compris qu’elle lui permettrait principalement de “sécuriser” la zone convoitée par les Kurdes. Et les civils continuent de tomber sous les bombes des uns et des autres. Le chaos militaire est tel que lorsqu’un hôpital syrien est détruit par un bombardement qui achève les blessés, russes et américains peuvent s’en renvoyer la responsabilité sans qu’on sache vraiment qui ment.

Et ce n’est peut-être pas tout. Daech, qui tire toute son énergie du chaos va tenter, n’en doutons pas de précipiter d’autres pays dans la guerre. Israël par exemple, qui ne peut qu’être concerné par ce qui se passe à ses frontières et le risque d’une éventuelle prise de contrôle d’Etat Islamique sur la bande de Gaza. Et tous les pays où le mouvement islamiste parviendra à installer sa terreur.

Pendant ce temps là, l’Europe se réunit. Sous la pression des réfugiés. Et oublie toutes ses prétentions humanistes pour ressortir les barbelés… Encore merci Monsieur George W. Bush!

 

Politique, morne plaine !

C’était il y a deux mois à peine. On était passé à deux doigts, c’est à dire quelques bulletins, d’une catastrophe annoncée. Grâce en  particulier au retrait de candidats de gauche dans deux régions, le Front National avait perdu son pari. Les Le Pen, fille et nièce, avaient échoué et n’étaient pas en mesure de prendre la tête d’un exécutif régional. Sur les plateaux télé, les hommes et femmes politiques se succédaient, avec un soupir de soulagement, mais en promettant tous que rien ne serait plus comme avant. La façon de faire de la politique allait changer du tout au tout… des élus de droite promettaient de renoncer immédiatement au cumul des mandats, ceux de gauche juraient avoir entendu le message de l’électorat, on parlait de mettre la surmultipliée sur la lutte contre le chômage, de “régénérer” la politique, de lutter résolument contre la ghettoïsation des banlieues, de…

Qu’est-ce qu’on a vu depuis? Une polémique grotesque et inutile autour d’un projet de réforme constitutionnelle qui ne sert à rien. La reconduction d’un Etat d’Urgence dont on ne voit pas bien ce qui pourrait constituer un jour le signal de sa fin. Un remaniement ministériel simplement destiné à assurer neuf ans de confort à un ministre des Affaires Etrangères, pas déméritant au demeurant, et à dynamiter par avance quelques uns des obstacles qui pourraient se poser en travers de l’éventuel désir du président d’en reprendre pour cinq ans de plus. Une tentative de court-circuitage du dit président par son aile gauche à travers l’organisation d’une primaire de la gauche pour la prochaine présidentielle. Tentative immédiatement tuée dans l’œuf par le meilleur ennemi de François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, soucieux de ne laisser personne l’empêcher de se représenter lui-même à la prochaine élection.

Du côté des écologistes, c’est évidemment le chaos. Après avoir ruiné l’essentiel de leur crédit en quittant le gouvernement au moment où ils auraient pu accéder enfin au graal, c’est à dire à la maîtrise de la politique environnementale de la France, avant la Cop21, ils y retournent au pire moment, c’est à dire alors que chacun sait que la seule préoccupation de tous sera dorénavant l’élection de 2017, et qu’il serait vain d’imaginer, comme a tenté de nous le faire croire François Hollande, qu’on réformera jusqu’au dernier moment. Et comme Hollande ne fait pas les choses à moitié, c’est la secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts, elle-même, qui rallie le gouvernement, faisant ainsi exploser son mouvement.

A droite, dans les régions, le changement promis commence avec l’installation de portiques de sécurité à l’entrée des lycées de Rhône-Alpes-Auvergne, et l’annonce du test anti-cannabis dans ceux de l’Ile de France… Mais le principal sujet qui accapare tout le monde, c’est la bataille de la primaire, et la tentative de parricide à l’égard du président de l’ex-UMP, qui essaye avec l’énergie du désespoir de reprendre la main dans sa propre famille.

On voit mal hélas ce que les 14 prochains mois pourraient amener de plus consistant sur ce registre promis de la rénovation de la politique. François Hollande et la majorité du PS devraient continuer à préparer le terrain de sa future candidature, Sarkozy et Juppé tenter de s’anéantir mutuellement, Mélenchon s’écouter vrombir… Et le Front National fourbir ses armes, pour nous donner à nouveau des sueurs froides en 2017.

 

Le culte de l’inessentiel…

Au secours, ils sont tous tombés sur la tête!!!! Chaque jour nous apporte son lot de menaces qui planent sur nos modes de vie et d’organisation à bout de souffle, sur nos libertés remises en question, sur notre modèle de solidarité toujours plus malmené par l’aggravation continue des inégalités, la raréfaction des emplois productifs, et la montée de l’intolérance, comme autant de vautours annonciateurs d’un déclin fatal. Et que font pendant ce temps là ceux dont le rôle est de montrer la voie aux citoyens que nous sommes, ceux dont la mission est d’aider à comprendre pour faciliter les guérisons, ceux que nous avons élus, ou qui disposent de tribunes sur la place publique, ceux qui se pensent comme une élite, se voient comme des leaders, s’imaginent tenir notre avenir entre leurs mains?

Ils polémiquent sur la déchéance de nationalité d’une poignée de terroristes !

On brade tout! Tout est à vendre! Nos libertés, que l’on veut placer sous état d’urgence permanent. Notre Europe, que l’on est prêt à mettre au clou pour faire croire aux Anglais qu’ils en font encore partie, et les garder dans la cour de récréation. Notre dignité, et notre histoire, que l’on échange lamentablement contre quelques avions de guerre qui permettront à une poignée de potentats du pétrole de continuer à l’abri de nos regards qui ne veulent plus voir, à enfermer leurs femmes, et à pendre haut et court voire à décapiter les poètes que la peur n’aura pas rendus muets. Notre compassion, quand des milliers de réfugiés continuent à s’échouer aux portes de notre “éden”, et que nos oreilles se bouchent à leurs cris de détresse. Oui, mais pendant ce temps….

On continue à polémiquer sur la déchéance de nationalité d’une poignée de terroristes.

Les agriculteurs sont sur les routes et brûlent tout sur leur passage avec la nostalgie d’une époque heureuse où la manne des subventions européennes leur permettait de ne pas se soucier des cruelles lois du marché. Oui, mais l’enjeu du moment c’est: comment faire encore moins d’Europe pour convaincre les anglais qui n’y ont jamais cru d’y rester. Notre système d’assurance chômage est au bout du rouleau, nos caisses de retraite à l’agonie ? Oui, mais, le sujet du jour, dans ce pays qui ne sait plus créer des emplois productifs, c’est: a-t-on le droit de toucher au tabou des 35 heures légales?

La faute à qui? A la gauche? A la droite? Aux hommes politiques? Aux amuseurs publics, qui par le miracle de la télévision sont nos nouveaux intellectuels, polémistes, philosophes, journalistes politiques tout à la fois, dans ces nouveaux salons où l’on cause que sont devenus les plateaux de télévision, la nuit tombée… Nous avons tous fini par être pris par le mal de ce siècle, cette nouvelle religion tellement dangereuse, qui réduit le discours au slogan, la pensée à l’invective, l’analyse à l’anathème, la réflexion au narcissisme…

Le culte de l’inessentiel ! L’adoration du buzz ! La vénération de l’audience !

C’est comme cela qu’en pleine crise humanitaire, économique, sociale, politique, morale…

On polémique encore sur la déchéance de nationalité d’une poignée de terroristes…