On a évidemment envie d’y croire! De penser que l’annonce d’un cessez-le feu faite par Américains et Russes sera suivie d’effets sur le terrain. Que le calvaire de la population syrienne, va prendre fin. Mais il est difficile de chasser le doute.
Il reste d’abord à vérifier que l’ensemble des belligérants sont d’accord. Assad a accepté rapidement, sur la pression de son mentor russe, mais en annonçant déjà la tenue d’élections législatives le 13 avril prochain… c’est à dire demain! Une proposition surréaliste. Comment imaginer la tenue d’élections démocratiques dans un pays détruit, dont environ un tiers de la population a été déplacée? On peut déjà parier que le scrutin, s’il avait lieu, ne serait qu’un simulacre destiné à restaurer un semblant de légitimité au régime du tyran.
Les opposants à Assad, concerné par l’accord, c’est à dire ceux qui ne sont pas rangés parmi les groupe djihadistes, ont tout de suite posé leurs conditions: libération des prisonniers politiques, levée du siège des villes syriennes, arrêt des bombardements de civils, et libre accès aux populations pour l’aide humanitaire. Toutes conditions figurant déjà dans une résolution des Nations Unies, et qui ont déjà été rejetées par le régime dans le passé.
Il y a aussi les belligérants indirects. Les Turcs, par exemple, vont-ils continuer à bombarder les positions Kurdes, au prétexte de lutter contre le terrorisme? Et puis, tout le monde va continuer à bombarder Daesh, et les djihadistes d’Al Nosra qui combattent souvent aux côtés des opposants plus “respectables” à Bachar Al Assad. Les frappes aériennes vont devoir être sacrément “chirurgicales” pour trier parmi les troupes aujourd’hui sur le terrain entre djihadistes et non djihadistes. Le cessez le feu, si il est effectif sur une partie du territoire syrien, ne mettra évidemment pas fin aux violences que subissent les populations civiles.
Bien sûr on ne peut qu’applaudir à la tentative de mettre fin au conflit armé. Sans être forcément dupe sur les motivations de chacun. Au delà de la souffrance du peuple syrien, qui suscite la compassion universelle, chacun des protagonistes a sans doute de bonnes raisons d’y mettre fin. Pour Vladimir Poutine, dont l’intervention militaire a permis de conforter la position du régime, qui paraissait bien compromise il y a quelques mois, une demi-victoire d’Assad serait sans doute préférable à un enlisement, dans un conflit où il n’a finalement pas grand chose à gagner. Barack Obama, on s’en doute, voudrait bien se sortir de ce bourbier avant la fin de son mandat et livrer à son successeur une Amérique qui ne soit plus en guerre, histoire de donner raison sur le tard aux prédictions du comité Nobel qui en fit le champion de la paix dès le début de son premier mandat. Les Européens ont eux-aussi évidemment un intérêt vital à un cessez le feu, susceptible de tarir enfin le flot de migrants qui se presse à leurs frontières, qu’ils sont incapables d’assimiler et qui a commencé de réveiller chez eux les vieux démons du nationalisme, de l’intolérance, et du rejet de l’autre, faisant craindre pour la solidité de la construction européenne elle-même. Et puis, tous doivent se dire aujourd’hui qu’une mauvaise paix en Syrie permettrait au moins de concentrer les forces de chacun sur l’élimination de Daech qui reste l’ennemi commun.
Tout cela n’est pas très rassurant. Et fait craindre que tout le monde ait finalement intérêt à un simulacre de retour à la paix qui ne résolve rien et laisse la population syrienne seule face à ses bourreaux. Où quelques urnes bourrées puissent passer pour un processus démocratique… mais qui permettrait enfin à chacun de détourner les yeux pour regarder ailleurs.