La lassitude du “peuple de gauche”

Ca y est, tout est consommé! Les écologistes viennent d’annoncer qu’il n’y aurait “ni accord, ni alliance” avec le PS aux législatives de 2017…. Ni groupe écologiste au parlement, serait-on tenté d’ajouter! Il ne manque plus que l’annonce par Jean-Michel Baylet qu’il se retire de la majorité gouvernementale pour cause d’insatisfaction ministérielle, et le roi sera vraiment nu.

En quatre ans, Hollande aura réussi à faire le vide autour de lui. La gauche n’aura pas survécu à son deuxième président de la cinquième république. Ou plutôt, n’aura pas survécu à cet exercice du pouvoir, en situation de crise. Hollande en est le premier responsable, il en fait les frais en principal. Car il incarne à lui seul -avec l’aide de Valls, un peu- l’incommensurable mauvaise conscience du peuple de gauche, face aux compromis, aux concessions, souvent incompréhensibles pour son électorat, qu’il a cru indispensable de faire. Il personnifie la frustration de ce peuple qui ne s’aime jamais tant que lorsqu’il défile pour protester, qui se sent dépositaire d’un message génétique de révolte contre l’injustice, de rejet des compromissions, de défense des  dominés contre les dominants, de combat contre les riches… Un peuple qui ne peut voir dans cette hypothétique convergence d’intérêts des salariés et de leurs patrons, du travail et de la finance, plaidée par Emmanuel Macron, qu’un piège tendu par l’ennemi.

Peu d’observateurs auraient imaginé qu’un président puisse descendre aussi bas dans les sondages de popularité, Hollande l’a fait. Et il lui reste un an pour démontrer qu’il est encore possible de faire pire! Mais il ne peut s’en plaindre. Il savait que le chemin qu’il entreprenait était une voie critique. Pour se faire élire il avait lui-même puisé dans le patrimoine génétique de la gauche, se déclarant même “ennemi de la Finance”! Aberrant pour un président. Lorsqu’il a fallu choisir, il a bien sûr choisi de gérer, en s’accommodant du poids démesuré de la Finance et en oubliant ses discours de campagne. Son électorat de 2012, dans sa majorité, ne lui pardonnera sans doute pas ce qu’il considère comme une haute trahison.

En commençant par les écologistes, qui vont conclure, au fond du vide, une séquence qui aurait pu être victorieuse et exemplaire pour eux. On leur avait proposé le grand ministère de l’environnement dont ils rêvaient, et qui a finalement échu à Ségolène Royal. Ils auraient pu être les moteurs de la conférence mondiale sur le climat, ceux qui mettraient en route, enfin, la transition énergétique… Ils pouvaient montrer aux écolos allemands qu’ils n’avaient rien à leur envier… Ils ont préféré se défiler face aux responsabilités, ne pas prendre le risque d’infléchir l’action du gouvernement, pour se replier plutôt aux côtés de Jean-Luc Mélenchon au ministère de la critique systématique, du mépris du pouvoir, et des vaines promesses populistes. Démontrant à quel point leur approche de la politique est, contrairement à leurs prétentions, à courte vue.

C’est une histoire sans cesse recommencée. Le 21 avril 2002 déjà, au terme de cinq ans de gouvernement Jospin, la gauche avait préféré laisser droite et extrême droite régler la question de l’exercice du pouvoir entre elles. On avait alors qualifié le phénomène de malheureuse dispersion des voix de gauche, quand il traduisait tout simplement le fait que la gauche ne voulait plus du pouvoir, de son exercice  qui pour elle était déjà une souffrance quotidienne. Apparemment à un an d’une nouvelle présidentielle, on en est au même point, sinon pire.

Il n’y a donc plus que le premier secrétaire du PS, Cambadélis, pour faire semblant de croire que tout cela n’est qu’une mauvaise passe, et que la gauche va se retrouver, comme toujours, pour faire obstacle à la droite et à l’extrême-droite. La gauche en a simplement, une fois encore, assez des contradictions inhérentes à l’exercice du pouvoir, elle aspire à retrouver la sérénité de l’opposition systématique. Ce que reconnaît d’ailleurs volontiers Mélenchon, lorsqu’il dit préférer Sarkozy à Hollande. Au moins quand la droite est au pouvoir, c’est plus simple, on sait où est l’ennemi!