Au fait, c’est qui le peuple?

Au fond c’est bien ceux qui en appellent le plus au “peuple” qui s’en méfient le plus. C’est d’ailleurs souvent à cela que l’on reconnaît les vrais populistes, ils n’ont que le peuple à la bouche, mais s’en méfient toujours, voire le méprisent.

Deux exemples: le combat contre la loi travail, et la lutte contre l’aéroport de Notre Dame des Landes.

Dans le premier cas, tous ceux qui protestent, souvent à juste titre, contre la confiscation du pouvoir par les élites, le système électoral pas assez démocratique, l’absence d’instance pour une expression populaire directe… rejettent pourtant l’idée d’un référendum en entreprise, récusent les accords locaux que pourraient conclure des salariés avec leurs directions, pourtant premiers intéressés, les uns et les autres, au progrès économique et social dans leurs entreprises. Et cela, au profit d’accords de branche négociés par des apparatchiks syndicaux et patronaux -n’ayant le plus souvent pas mis depuis des lustres les mains dans le cambouis- dans un compromis permanent où la défense des intérêts bien compris de chaque organisation pèse largement autant que celui des salariés et des entreprises, et dont le moteur principal reste le clientélisme. Mais tout cela vaudrait mieux que d’abandonner entre les mains d’un patronat, forcément tyrannique, des salariés forcément impuissants, incapables de résister et de défendre leurs propres intérêts.

Deuxième cas d’école, l’aéroport de Notre Dame des Landes. Là, après avoir protesté depuis des années contre le caractère supposément anti-démocratique, anti-environnemental, et pour tout dire stupide, de la décision des élus de Loire Atlantique, qui seraient si l’on comprend bien otages des intérêts de grands groupes d’aménagement, les  opposants se tournent maintenant vers la justice pour empêcher la consultation directe des habitants concernés par le projet. Le référendum local, qu’ils défendent par ailleurs comme l’alpha et l’omega de la démocratie, est devenu anti-démocratique parce qu’il risque de se solder par la fin d’un combat auquel ils ont voué une partie de leur vie…

Si l’on comprend bien ces grands défenseurs de la démocratie, les électeurs du département concerné ne seraient pas à même de comprendre les enjeux économiques et environnementaux du projet, mais se laisseraient intoxiquer par leurs élus et les groupes de pression… Et cela en dépit de la tribune permanente dont disposent les opposants au projets pour faire entendre leur point de vue depuis des années. Bref, les électeurs de Loire Atlantique seraient des “veaux”, selon l’expression prêtée au Général De Gaulle, incapables de défendre leurs propres intérêts, prêts à céder à toutes les pressions.

A l’inverse, les militants politiques qui bloquent le projet d’aéroport depuis une dizaine d’années parce qu’ils l’estiment contraire à l’intérêt général, ou ceux qui paralysent la France depuis des semaines pour empêcher la remise en question du rôle central des appareils syndicaux dans la vie sociale, connaissent la volonté populaire, l’intérêt de la nation, et agissent en leur nom. “Nous sommes le peuple”, disent aussi ceux qui font exploser les vitrines des boulevards parisiens.

2 réflexions sur « Au fait, c’est qui le peuple? »

  1. Les temps changent ! Il y a encore quelques mois, on n’aurait jamais osé dire ou écrire le dixième des jugements émis dans ce texte. Combien d’ennemis nous sommes nous fait en tenant de tels propos. La parole se libère ?

  2. Il me semble que cet exposé, bien loin d’être un jugement, expose clairement ce qu’est le pouvoir d’une minorité agissant sans reconnaître/admettre les compétences sociales et démocratiques du plus grand nombre.

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