Alors, Macron, c’est quoi? Pas facile à cerner. Un pur produit marketing? Un illuminé qui confond meeting politique et grand messe, et se prend pour le Christ? Certains ont même cru entendre des accents d’Hitler, dont il a parait-il les cordes vocales…
On ne prête qu’aux riches! Macron désoriente, trouble les repères, on ne sait plus qu’en penser, où le ranger. A droite, comme tous les banquiers, comme initiateur de la loi travail aussi. A gauche comme proche conseiller de François Hollande et ministre d’un gouvernement socialiste. Aucun des deux répond-il, ni de droite ni de gauche, du côté de l’intérêt du pays. Un positionnement négatif qui n’est pas vraiment original. C’est le credo des centristes. Bayrou en a fait un évangile, avant de se rallier successivement au candidat socialiste François Hollande puis à Alain Juppé dans la primaire de la droite, le suive qui pourra. C’est aussi le credo de tous les populistes, qui prétendent défendre les intérêts du peuple contre les partis dominants, qui auraient confisqué la démocratie à leur profit.
Jusqu’à présent, il n’affichait que des intentions. Il égrenait lieux communs et généralités en un chapelet donc chacun des grains avait souvent du sens, mais dont l’ensemble finissait par paraître inconsistant. Au point qu’on puisse se demander s’il n’était pas qu’un mirage, une étoile filante, une bulle médiatique, un effet de mode, le simple reflet du vide sidéral dans lequel s’est fondu le parti socialiste. Mais il commence à y avoir une esquisse de programme. Et force est de constater, qu’il y a du contenu, de la matière, du sérieux.
Des projets plutôt classables à gauche, comme la suppression des charges sur les salaires compensée par un prélèvement sur les revenus du capital et les retraités les plus aisés, via la CSG. Des choix très libéraux aussi, comme la poursuite de l’allégement des charges des entreprises, ou la priorité donnée aux accords d’entreprise. Des idées nouvelles, comme la couverture chomage universelle, y compris en cas de démission, un retour de solutions anciennes, comme ce rétablissement de la police de proximité de Lionel Jospin… des idées ringardes voire niaises aussi, comme cette déclaration sur les enseignants dont le rôle “est de faire aimer la France par les élèves!”.
Reste ce succès incroyable auprès des jeunes. Aucun autre homme politique ne parvient à les mobiliser ainsi. Pire, de plus en plus les décideurs politiques donnent l’impression de se méfier de la jeunesse, jusqu’à en avoir peur. Or un pays qui a peur de sa jeunesse est voué au déclin. Macron lui arrive apparemment à rendre, ou à donner, au moins à certains d’entre eux, le goût de la politique. A cause de son âge, peut-être. Mais aussi parce qu’il est parvenu à incarner une soif de changement et de progrès propre à la jeunesse. Parce qu’il n’a pas peur de dire qu’il faut changer les règles du jeu politique. Limiter les mandats dans le temps, pour en finir avec les politiciens professionnels, écarter de la politique toute personne condamnée par la justice, et introduire de la proportionnelle pour que tous les citoyens puissent se sentir correctement représentés au parlement. Parce qu’il parle de démocratie directe, comme en réponse à tous ces jeunes qui refaisaient le monde, la nuit, il y a quelques mois sur la place de la République. Parce qu’il met l’éducation et la formation au centre de son programme, quand d’autres veulent mettre des blouses aux écoliers, et envoyer les jeunes chômeurs à l’armée…
Evidemment, tout cela n’est peut-être que le révélateur d’un talent pour le marketing hors pair et la bulle finira pas se dégonfler. Comme on le disait il y a dix ans de Ségolène Royal lorsqu’elle faisait des propositions du même type. Et l’on raillait à l’époque une ou deux formules ineptes de la candidate, qui suffisaient à la disqualifier aux yeux des commentateurs politiques… comme on se moque aujourd’hui des élans christiques de Macron. Mais commentateurs patentés et hommes politiques installés devraient tout de même prendre garde: pour peu qu’il apprenne à ménager ses cordes vocales, il n’a sans doute pas fini de perturber le jeu politique. En commençant par la primaire de la gauche.