Capharnaüm électoral

Quelle campagne! Après la séquence débarquement des favoris, qui avait vu successivement Sarkozy, Juppé, Hollande puis Valls prendre la porte de sortie, on pensait bien ne pas être forcément au bout des surprises. Mais depuis, le feuilleton devient haletant. A chaque jour, sa rumeur et sa contre-rumeur. “C’est fait”, nous jurent les rédactions, Fillon va renoncer dans la journée, 48 heures max, et Juppé va prendre la relève“NON, c’est NON” griffonne nerveusement ce dernier sur son compte Twitter… Il aurait fait connaître ses conditions, affirment pourtant les mieux informés, à qui on ne la fait pas, et qui savent qu’un démenti de Juppé vaut à peu près autant qu’une justification de Fillon sur un plateau de télévision.

Situation ubuesque à deux mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, le tableau est chaotique.

A droite, un candidat désigné, élu dans une élection primaire à laquelle participait qui voulait, qui peine à prouver qu’il n’a pas arrondi méthodiquement ses fins de mois pendant des années en puisant dans les caisses publiques. Qui balance sa femme en pâture à l’opinion publique, en refusant d’assumer publiquement ses malversations. Qui s’accroche  à sa candidature alors même qu’autour de lui les soutiens se défilent les uns après les autres, et préparent un plan B.

Pour remplacer éventuellement le candidat démonétisé tant par ses actes que par ses justifications maladroites, les Républicains pourraient ressortir le candidat qu’il a battu à la primaire, Alain Juppé. Alors même que celui-ci n’a cessé de ferrailler contre le programme de Fillon que les électeurs de droite ont validé. On s’apprêterait donc à échanger un candidat choisi par les électeurs de droite sur un programme, contre un autre candidat rejeté par ces mêmes électeurs et opposé au programme retenu. En outre, au nom du soupçon d’emploi fictif pesant sur leur candidat, les Républicains le remplaceraient par un candidat déjà condamné par le passé pour… emplois fictifs. En clair le message est: l’essentiel c’est de participer. Ou encore, qu’importe le candidat pourvu qu’on ait une chance à la fin ramasser la mise.

Evidemment, le désarroi à droite devrait faire le jeu de l’extrême-droite. Sauf que celle-ci est en butte à des problèmes de même nature.  L’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) réclame en effet 339000 euros à Marine Le Pen pour avoir financé avec des fonds du parlement européen deux emplois, un chauffeur et une assistante, qui sont en fait des salariés du Front National. Bref, des emplois fictifs. Mais à la différence de Fillon, Marine Le Pen assume, refuse de rembourser les sommes, puisque le Parlement européen, auquel elle s’est fait élire, est “illégitime”. Bref, c’est encore le “système” qui tente de la bâillonner. En quelque sorte Marine Le Pen tente de nous convaincre que les malversations qu’on lui reproche démontrent une fois de plus que la classe politique (comprendre: les autres) est pourrie. Rien de bien différent au fond de la défense de Fillon expliquant que ce sont “les castes bien établies” qui ont déclenché à son égard une “chasse à l’homme”.

C’est le postulat du discours populiste en France comme dans tous les pays, particulièrement aux Etats Unis en ce moment. Il y aurait une “caste” de nantis profiteurs du système qui détiendraient les leviers des différents pouvoirs, le politique bien sûr, mais aussi la finance, les médias… et qui spolieraient délibérément et systématiquement le PEUPLE à son profit. Faire campagne pour une élection consisterait donc à démontrer par tous moyens, y compris les plus malhonnetes intellectuellement, que les adversaires font partie de la caste en question. C’est ainsi que Fillon, aussi bien que Marine Le Pen ou même Mélenchon, peuvent se retrouver le temps d’un discours, dans une même défense du PEUPLE contre les castes politiques qui nous détroussent.

Ce week-end les “castes politiques” se bousculaient sur les estrades.

Chez Hamon, c’était la grande entrée en scène. L’intronisation par le parti socialiste du candidat qui vient de passer deux ans à dénoncer la politique menée par… le Parti Socialiste, et prétend aujourd’hui incarner l’union de la gauche depuis Valls, son adversaire à la primaire, jusqu’à Mélenchon, pour qui “Hollande, c’était pire que Sarkozy”. Et cela tout en promettant de mettre en place dès qu’il sera élu un revenu universel auquel personne ne croit… De ce point de vue au moins, il n’y a pas vraiment de différence entre gauche et droite. Les militants et électeurs ne sont pas épargnés! S’ils n’y comprennent plus rien, c’est leur problème.

A l’extrême gauche, le tribun Mélenchon, lui, faisait franchir au même moment un pas décisif au “socialisme scientifique”: grâce à la technologie holographique, les fans parisiens du candidat du Parti de Gauche, poing levé, pouvaient admirer leur idole, presque en chair et en os, à Aubervilliers, alors qu’il était au même moment en meeting à Lyon. De quoi rendre jaloux les défunts “leader massimo” ou Hugo Chavez… Voire Staline et ses immenses statues érigées dans tous les pays frères pour veiller sur la bonne mise en œuvre de la doctrine. Sur le fond, Mélenchon a déjà fait connaître ses exigences pour un rapprochement de l’autre gauche, celle de Hamon: que Manuel Valls et Myriam El Kohmri ne soient pas investis par le parti socialiste pour les législatives… Mais soient proprement “dégagés”! Vous avez-dit enjeu présidentiel?

A l’autre extrémité, mais au même endroit, Marine Le Pen présentait son programme, 140 mesures… mais pas de chiffrage. Ou plutôt si: ce sont les économies réalisées sur les immigrés qui financeront les nouvelles dépenses. Comme d’hab. Pas réaliste? Qu’importe? Si l’on en croit les sondages cela suffirait pour être en tête au premier tour.

Toujours à Lyon enfin, Macron faisait lui aussi son show ce week-end. Maintenant favori des sondages et des médias à la faveur de l’effondrement du candidat Fillon, et de la radicalisation du PS, il surfait sur la vague “en marche” qui continue à le porter. Mais sans sortir du flou qui entoure son programme. Au delà des grandes orientations générales et généreuses, il faudra bien pourtant qu’il commence à aligner les propositions concrètes, tangibles, pour permettre aux électeurs de droite ou de gauche qui ne savent plus vraiment où ils habitent, entre assistants parlementaires bidon et frondeurs repentis, de se faire une idée plus précise de l’endroit où il prétend les conduire. Etre le seul candidat à avoir vraiment pratiqué un métier autre que celui d’homme politique, et à ne pas avoir des décennies de vie d’apparatchik derrière lui, ne suffira pas à convaincre qu’il incarne une véritable alternative au capharnaüm politique actuel.

A 75 jours du premier tour, il va falloir penser à proposer aux électeurs une scène électorale en ordre, avec des candidats déterminés, des enjeux clairs, des alliances définies, des programmes précis. Pour éviter qu’ici aussi le vote populaire ne se retourne dans l’isoloir contre les supposées “castes”, qui n’en finissent plus de dénoncer le “système”, en s’en partageant les bénéfices.

 

 

 

 

 

 

3 réflexions sur « Capharnaüm électoral »

  1. Quelque soit le Président ou Présidente nous aurons en France la guerre civile grâce a 40ans de politique du rien a foutre tant que les élus se remplissent les poches….

  2. Le seul qui ait défini des propositions concrêtes c’est Fillon et cela lui a couté très cher – moins que l’emploi fictif de la pauvre Pénélope mère exemplaire victime malgré elle – Fillon les avait faites lorsqu’il avait moins de 10% d’intention de vote loin derrière le favori Juppé – Ces promesses précises et chiffrées – sécu et nombre de fonctionnaires – se sont retournées contre lui ; heureusement qu’il a bénéficié du désistement de son grand ennemi Sarkozy pas vraiment content de voir Juppé triompher. Ils sont donc tous compris que des promesses vagues sont moins dangeureuses en période électorale que des objectifs chiffrés. Pour ce qui concerne Macron, n’oublions pas qu’il a été le rédacteur du Rapport sur la croissance de la Commission Attali en 2006. Les 20 propositions de ce rapport sont toujours valables et leur mise en oeuvre devrait permettre à la France d’être de nouveau prise au sérieux par l’Allemagne pour que cette dernière s’engage, au coté de la France, au renforcement de la Communauté européenne dont nous avons besoin pour négocier les voies de la mondialisation avec Trump, Poutine et la Chine.

  3. Bah les nénettes qui ont passé la cinquantaines vont voter Macron, parce qu’il est tombé amoureux à 17 ans de sa prof de français qui a quitté son mec pour lui, et ils sont toujours ensemble, ca au moins ca fait rêver….
    Les mecs un peu machos voter Fillon car il a réussi a faire rentrer du fric grâce à sa femme qui en même temps a élevé ses 5 enfants du fond de la Sarthe…
    Les quelques rares gauchistes qui trainent encore depuis Mimit vont voter Hamon car de toute façon ils votent PS quoi qu’il se passe, on les a élevés comme ca…
    Le tout venant va voter Marine pour voir ce que ca fait, il y a bien Trump aux US, alors pourquoi pas nous et on a bien une miss Univers qui est française….
    Je passe sous silence les quelques éclopés qui restent….
    C’est plus simple que ca la politique….et c’est vraiment pas intéressant!

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