Le pari Sarkozien de Fillon

“Qui imagine le Général De Gaulle mis en examen?” On se souvient de cette petite phrase assassine de François Fillon à l’intention de Nicolas Sarkozy. “Les ministres et le Président de la République ne doivent pas être mis en examen”, “on ne peut pas diriger la France si l’on est pas irréprochable” avait-il ajouté lors d’un débat de la primaire, visant Sarkozy comme Juppé. Ce même Fillon avait dû devant Nicolas Sarkozy répondre à une question sur la démarche que lui a prêté Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée, afin d’obtenir du pouvoir socialiste une accélération des procédures judiciaires visant Sarkozy. Démarche confirmée par François Hollande, mais niée par Fillon.

On imagine donc sans peine le niveau de détestation auquel ont ainsi pu en arriver l’ex-président et son ancien premier ministre, après la primaire de la droite, et l’élimination à plates coutures de Nicolas Sarkozy par celui qu’il qualifiait volontiers de “collaborateur” lorsqu’ils étaient au pouvoir ensemble. La visite rendue mercredi dernier par un Fillon en pleine tourmente, à son ex-mentor, avait quelque chose du voyage à Canossa, l’humiliation-reddition.

Pourquoi l’avoir fait? Parce que Fillon sent bien que sa campagne le conduit droit à l’échec, et qu’il ne pourra s’en sortir sans le soutien de chacun au sein du parti Les Républicains. Or le moins qu’on puisse dire c’est que les fidèles de Sarkozy lui ont plutôt savonné la planche jusqu’ici. On a pu remarquer le silence pesant des sarkozistes dans les jours qui suivirent la mise en cause de Fillon dans l’affaire des assistants parlementaires, et depuis, la façon dont ils distillent comme un poison les allusions à un éventuel “plan B” qui permettrait de tourner la page Fillon. Pour faire taire les critiques internes à son camp, Fillon avait besoin de celui qui, malgré ses échecs successifs, continue de peser de tout son poids sur le parti.

Sarkozy l’a donc reçu, en privé, lors d’un rendez-vous bien orchestré, où toutes les caméras de télévision et objectifs photo ont pu immortaliser la démarche de l’impétrant. Et Fillon a bu le calice jusqu’à la lie. Sitôt sorti, il a annoncé qu’il intégrait à son programme l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans, mesure à laquelle il était hostile jusqu’ici, et marotte de l’ancien président. Ajoutez la déchéance de nationalité pour les coupables de terrorisme, le délai de deux ans de résidence en France pour les étrangers voulant bénéficier des prestations sociales, le rétablissement des peines plancher chères à Sarkozy, et quelques autres mesures figurant déjà au programme de Fillon, et l’on se retrouve en terrain connu. Sans doute amicalement conseillé par son ex-président, Fillon nous ressort la stratégie de surenchère avec le Front National supposée permettre de pomper les voix de Marine Le Pen. Et tente de se placer au dessus des lois, en prétendant qu’il n’acceptera que le jugement des électeurs, et pas celui des juges, qu’il fait huer dans ses meetings… Une stratégie sarkozienne pur jus, qui a fait ses preuves… à la présidentielle de 2012, et à la primaire de 2016.

Ce qui n’a pas marché à deux reprises pour Sarkozy peut-il assurer à Fillon une remontée dans les sondages? On peut évidemment en douter. Reprendre les thèmes de campagne du FN, voire copier les mesures du programme de Marine Le Pen, pour ce qui concerne par exemple le délai pour l’accès des étrangers aux prestations sociales, risque de lui faire perdre la partie la plus modérée de son électorat, du moins ce qu’il en reste, qui pourrait se laisser tenter par Emmanuel Macron. Sans lui garantir de pomper les voix du Front National. En fait cette réorientation de sa campagne sur les questions sécuritaires témoigne plutôt d’un mouvement de panique. Comme si le candidat de droite jouait déjà perdant face à Macron, et considérait que la bataille du centre, essentielle pour franchir l’obstacle du premier tout, était déjà perdue pour lui, en même temps que celle de l’irréprochabilité, qu’il avait placée au centre de son engagement politique en début de campagne. Alors il fonce tête baissée, comme Sarkozy en 2012 sous l’impulsion de Buisson, durcit ses discours, recherche les formules les plus clivantes, dans l’espoir de dépouiller Marine Le Pen avant le premier tour… avec le risque de parvenir au même résultat que l’ex-président.

 

1 réflexion sur « Le pari Sarkozien de Fillon »

  1. Que Fillon soit contraint de compter sur Sarkozy pour se relancer en dit long sur sa très grande faiblesse. Seulement j’ai peur que ses insultes visant les juges à tout bout de champ puisse ressouder l’électorat de droite autour de lui et le faire remonter dans les sondages. Je ne le crois pas encore complètement fini Il ne faut pas oublier que le gauche est en très mauvais point et que normalement ses candidats, médiocres et/ou démagogues dangereux, n’ont en théorie aucune chance de l’emporter et même de passer la premier tour. Je met évidemment à part Emmanuel Macron qui me parait avoir une démarche intéressante et pour qui les sondages ont les yeux de Chimène. Mais il est très jeune et je m’interroge sur la consistance de son programme. On verra bien!

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