Baston autour d’un “corbillard”

Donc Hamon et Mélenchon ne ressusciteront pas l’Union de la Gauche. Cela n’est pas vraiment une surprise. Ceux qui avaient cru pouvoir y croire avaient confondu l’effet et la cause. Parce que tous les deux voulaient à tout prix l’échec de François Hollande, incarnation d’un néo-libéralisme qu’ils exècrent, on pouvait imaginer que les deux hommes pourraient s’entendre sur un programme de gauche, remettant en question les principales mesures économiques et sociales adoptées par le PS d’Hollande, CICE, loi travail, par exemple, et promettant une revalorisation des bas salaires, une taxation supplémentaire des plus riches, une réduction du temps de travail, et un retour à la retraite à 60 ans… Bref, un bon gros programme de gauche, à l’ancienne, susceptible de rassembler tous les courants de la gauche anti-libérale.

Mais le combat contre le néo-libéralisme hollandais des deux hommes n’était que l’effet commun de stratégies totalement antagoniques.

Pour Mélenchon, l’objectif principal était et reste l’anéantissement du parti socialiste. La sortie de route du “corbillard” social-démocrate, voulue selon lui par l’Histoire, afin de permettre l’émergence d’une force d’opposition radicale, “insoumise”, c’est à dire soumise à la seule volonté de son leader. Ce mouvement, qui s’était déjà produit en Grèce avec la quasi-disparition du Pasok -compromis avec la troïka qui imposait l’austérité au pays- au profit de Siriza, le mouvement d’Alexis Tsipras, ou en Espagne avec l’émergence de Podemos, et de son leader Pablo Iglesias -rivalisant avec le PSOE et l’empêchant de gouverner- devrait nécessairement se produire en France avec son Front de Gauche. Pour cela il était nécessaire de consacrer toute l’énergie du parti de gauche et de son allié communiste, à la destruction du gouvernement de Hollande, afin de renvoyer le Parti Socialiste aux poubelles de l’Histoire, et de permettre l’avènement de la force nouvelle qui allait rendre le pouvoir au “Peuple”.

L’ambition d’Hamon était sans doute moins ronflante, moins tonitruante, mais tout aussi déterminée. Depuis sa sortie du gouvernement Valls, il y’a deux ans et demi, Hamon a compris qu’une opportunité s’ouvrait pour prendre le contrôle du parti dont il est un apparatchik depuis trente ans. Pour y parvenir, il y avait une condition: brûler la politesse à Manuel Valls qui nourrissait une ambition concurrente. Donc il fallait miner l’action du gouvernement, ruiner progressivement sa crédibilité, sans rompre avec la majorité du parti qui avait soutenu Hollande, mais en insufflant peu à peu l’idée que la politique du tandem Valls-Hollande était en rupture totale avec la vocation historique du parti socialiste, une trahison des idéaux de Jaurès, une compromission honteuse avec le grand capital, un asservissement au patronat tout puissant. Afin, le moment venu, de pouvoir apparaître comme le restaurateur du socialisme, le sauveur d’un parti conduit au bord du gouffre par la trahison de ses leaders. Avec sa victoire sur Valls à la primaire, il a franchi une première étape. Il lui reste maintenant à cautériser les plaies, apaiser les tensions qu’il a lui-même provoquées, afin de ressouder, de rassembler le parti que lui et ses amis frondeurs ont mis cul par dessus tête. Pour éviter de se retrouver capitaine d’un vaisseau fantôme à la dérive. Alors évidemment le bilan du quinquennat n’est plus si nul, la loi travail demande à être améliorée, Hollande, Valls ou El Khomri ne sont plus si méchants…

On comprend que l’éventualité d’une coopération entre les deux naufrageurs du quinquennat s’arrête là. Mélenchon est persuadé qu’il n’a plus qu’un dernier coup de boutoir à donner pour couler le PS et se retrouver maître absolu des terres de gauche, tandis qu’Hamon tente de colmater les brèches qu’il a ouvertes. Aucun des deux, à vrai dire, n’a vraiment la volonté de conduire la gauche au pouvoir en 2017. Tous deux se satisferaient d’une situation de leaders de l’opposition à un futur gouvernement de droite. C’est la raison pour laquelle depuis quelques jours le parti de gauche multiplie les attaques méprisantes à l’égard du “corbillard” et de son nouveau cocher, Benoit Hamon. L’enjeu entre eux est maintenant le score du premier tour. Qui l’emportera sur l’autre le 23 avril prochain? Qui sera en situation d’incarner l’opposition de gauche durant le prochain quinquennat?

 

 

 

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