Certains évoquent 1934 et les manifestations d’extrême-droite contre le pouvoir qui tournèrent à l’émeute et au cours desquelles la police tira sur les manifestants faisant de nombreux morts… Le parallèle est évidemment excessif et déplacé. La situation n’est pas comparable. Ce que nous vivons est simplement la tentative d’un homme politique discrédité, au bord du gouffre, peu à peu lâché par les siens, de parvenir au pouvoir en jouant sur le rejet de l’autorité de l’Etat, toujours présent dans toutes les couches de la population à des degrés divers. Le mot d’ordre “Trop c’est trop…” résume la démarche. Le but de Fillon est de fédérer toutes les frustrations vis à vis de l’Etat, toutes les lassitudes, les sentiments d’exaspération, pour prouver aux élus de droite qui le lâchent un après l’autre que “le peuple” est avec lui.
Sombre plongée dans le populisme. Il joue les artificiers. Il crée une situation explosive qui le volatilisera en cas d’échec… mais dont il pense qu’elle peut encore le sauver.
Explosive parce que son appel à manifester contre la justice a un caractère indéniablement séditieux. Et ce n’est pas anodin! Pour un candidat à la présidence de la République, attaquer ainsi ouvertement les institutions dont il prétend assurer demain la garde et la pérennité, est tout simplement inconcevable. En choisissant cette voie il se met à lui-même à l’écart de la République, et précipite le parti qui le soutient vers l’abîme. Aucun parti de gouvernement ne peut ainsi s’attaquer publiquement aux institutions, ne peut choisir la voie de la sédition, et prétendre rester dans le cadre républicain. Seule Marine Le Pen a clairement choisi cette voie, qui propose aux Français d’adhérer à un projet totalitaire anti-républicain. Le parti de Fillon n’avait pas vocation à emprunter ces chemins là.
Du coup, il se met lui même en grand danger. Si son parti l’abandonne et le contraint la semaine prochaine au retrait qu’il refuse d’envisager, il sortira de la séquence carbonisé. Renié par ses proches. Renégat de la République. Traître à son parti comme au pays. Rejeté par ceux là même qui avaient été si nombreux et enthousiastes à le soutenir.
Mais lui, ne l’entend pas encore ainsi. S’il réussit son pari, si les frustrés de la République mobilisés par les ultra-conservateurs de la Manif pour tous et Sens commun, envahissent le Trocadero dimanche par dizaines de milliers, il sera difficile à déboulonner. S’il prend la parole dimanche devant une marée humaine, comparable à celle qui défila jadis pour défendre l’école libre, ou plus récemment pour s’opposer au mariage pour tous, il se sentira assez fort pour résister aux pression de ses anciens soutiens. Pour mener son aventure calamiteuse jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à son échec électoral et le déchirement probable de la droite.
Au delà des enjeux personnels de François Fillon, dimanche sera de toutes façons une journée sous haute tension. En réponse à l’appel du candidat de droite, un mot d’ordre est lancé pour une manifestation de défense des institutions. Sur internet, des militants appellent à amener les casseroles au Trocadero pour sonoriser le meeting anti-juges… Une tension extrême qui ne profitera sans doute qu’à ceux qui ont intérêt à ce climat délétère, c’est à dire les rivaux d’extrême-droite d’un candidat qui, après toutes les défections dans son entourage, apparait de plus en plus comme celui d’une droite extrême.
Très intéressant