Il ne faudrait pas confondre présidentielle et star academy! Non ce n’est pas TF1, ni Odoxa, ni Harris ou l’Ifop qui choisiront le futur président de la République. Nicolas Dupont-Aignan a cent fois raisons de dénoncer un déni de démocratie de la part de la chaîne de télévision. Et il aurait pu ajouter un délit de complicité de la part de ses concurrents à la présidence de la République.
La constitution a fixé des règles pour la sélection des candidats à la présidentielle. Tous les candidats ayant reçu l’aval du conseil constitutionnel sont donc, et doivent être, à égalité de chances face aux électeurs. Il appartient à ceux-ci, et eux seuls, de dire qui doit être le futur président. Quoi qu’ait pu estimer le Conseil d’Etat, quoi qu’en pense le CSA, la réunion en un débat télévisé unique et décisif des candidats ayant obtenu le meilleur score dans les sondages est une violation de cette égalité. Et donc une violation des principes qui gouvernent notre démocratie. Même si la chaîne rétablit l’égalité de temps d’antenne par des interviews interminables qui assommeront les téléspectateurs, ne pas être sélectionné pour le “grand débat”, c’est déjà être désigné comme un candidat bidon! Les exclus ont raison de protester.
On rétorquera qu’il n’est déjà pas simple d’organiser un débat entre 5 candidats, que cela aurait été encore plus impossible avec 11 participants. Certes. mais quel est l’enjeu? organiser un bon moment de télévision? Ou aider les électeurs à voter le 23 avril en toute connaissance de cause, sans chercher à prédéterminer leur choix? L’emprise des chaînes de télévision sur la vie démocratique a ici dépassé les bornes.
D’autant que le critère de sélection parmi les impétrants, est, si l’on a bien compris, la place dans les sondages d’opinion. Des sondages d’opinion qui nous annonçaient un Fillon battu à la primaire de la droite, une large victoire de Manuel Valls ou Montebourg à celle du PS, ou encore un plébiscite pour Alain Juppé… le président dont voulaient une large majorité de Français. Reprenons, juste pour le fun, la prévision de Harris Interactive dans un sondage effectué entre le 5 et le 7 décembre 2016, soit un mois et demi avant le premier tour de la primaire de la gauche: Valls, 45%, Montebourg, 28%, Hamon 11%… Et ces difficultés d’appréciation des intentions de votes ne sont pas que Françaises: d’autres instituts de sondage annonçaient jusqu’à la dernière minute la défaite des partisans du brexit, ou le fiasco de Donald Trump. Tant qu’à faire TF1 aurait aussi pu faire voter ses téléspectateurs pour choisir qui devait être éliminé du débat!
Alors une bonne fois pour toutes, disons nous qu’une estimation d’institut de sondage n’a pas la valeur d’un vote! Et laissons à tous les candidats les mêmes chances jusqu’au bout. Si l’on estime qu’il y a trop de candidats, qu’on amende la constitution pour durcir les règles de sélection! Si l’on ne peut pas faire débattre 11 candidats, qu’on organise des interviews ou des duels. Il n’est pas obligatoire d’organiser de grands débats dont on sait qu’ils laissent le plus souvent tout le monde sur sa faim…
Mais qu’on ne laisse pas Odoxa et TF1 décider à la place des Français qui sont les candidats crédibles!