Le chemin de croix de Hamon

Et pourtant, il avait fait un carton à la primaire! En débat d’abord, où les téléspectateurs avaient pu découvrir un homme agréable, cultivé, pondéré… Une nouvelle image pour un apparatchik (président des jeunesses socialistes en 1993 à l’âge de 26 ans) jusqu’alors plutôt méconnu, ayant fait un passage presque inaperçu au ministère de l’Education nationale, et dont les principaux titre de gloire restaient ses prises de position systématiques contre la politique menée par François Hollande. Et le résultat du vote s’en était ressenti, puisque contre toute attente il emportait haut la main la primaire de la Belle Alliance Populaire, dont on pouvait discuter le côté populaire, mais qui allait prouver rapidement qu’elle n’était qu’une alliance de circonstance. Et les sondages enregistraient ce succès, puisque Hamon devançait alors sensiblement Mélenchon et pouvait espérer accrocher Macron.

Depuis, chaque jour ou presque apporte à Benoit Hamon son lot de déconvenues. Ce qu’il avait pris pour un tremplin pour son destin national s’avère un marigot dans lequel il s’enlise.

Il y a d’abord eu ses contorsions pour tenter de se donner une image de rassembleur. Sitôt désigné, sans réaliser sans doute combien sa situation à l’intérieur de son parti était fragile, et donc combien l’urgence était là, auprès de tous ceux qui avaient soutenu Hollande pendant cinq ans, il s’est précipité vers… Yannick Jadot, 1% d’intentions de votes à ce moment là, pour signer à tout prix un accord avec les écologistes. Et quel prix! 40 circonscriptions réservées, 200 000 euros de frais de campagne écologiste remboursés par le part socialiste. Et feu vert tacite pour une candidature de Caroline De Haas égérie de la lutte contre la “loi travail”, dans la circonscription où les militants socialistes ont désigné Myriam El Kohmri pour les représenter. Après Jadot, Hamon s’est un peu occupé aussi de Jean-Luc Mélenchon. Pour la forme évidemment, tant un accord semblait improbable. Mais de rendez-vous manqués, en échange d’amabilités, il a perdu son temps, et terni encore un peu sa belle image de la primaire.

Pendant ce temps, au sein du parti socialiste, tous ceux qui trouvaient fort de café de devoir jurer fidélité à celui qui n’a cessé pendant 3 ans de mettre les bâtons dans les roues du gouvernement socialiste, et se voyaient moins considérés par lui qu’un candidat écologiste, ont commencé à lorgner vers le centre, et Emmanuel Macron.

Il y a eu ensuite le débat télévisé. Un moment de grande douleur pour Benoit Hamon, qu’on allait retrouver terne et confus, ramant comme un forcené pour défendre son revenu universel, auquel il ne semblait plus croire lui-même, tandis que face à lui dans la camp de la gauche se dressait un Jean-Luc Mélenchon, brillant, enjoué, clair et éminemment sympathique. Pour exister, Benoit Hamon n’avait plus qu’une stratégie, qui reste aujourd’hui valable: taper sur Emmanuel Macron. Qui n’en demandait pas tant. Chaque attaque du candidat du PS permettant au candidat du ni-gauche ni-droite, jouant l’indignation, de s’affranchir du soupçon récurrent d’être l’héritier du quinquennat Hollande.

Evidemment tant d’anti-jeu finit par se payer dans l’électorat. Dans les sondages, Hamon flirte maintenant avec la barre des 10%. Jean-Luc Mélenchon est passé devant lui, et menace de le lâcher avec trois points ou plus d’avance. Au sein même du parti socialiste, la campagne prend des allures de marche funèbre, et les ralliements à Macron se multiplient.

Dernier en date, celui de Manuel Valls, le rival du second tour de la primaire. Ce n’est évidemment pas inattendu. Rien d’étonnant à ce que l’ancien premier ministre ne puisse pas se retrouver dans le programme de celui qui lui a mené la guerre pendant trois ans, qui s’est associé à des tentatives de déstabilisation du gouvernement à travers une motion de censure avortée, et qui de plus n’a pas semblé depuis sa désignation se préoccuper vraiment de panser les plaies. En fait Valls a toujours considéré les deux hommes, Hamon et Macron, comme des rivaux et donc des adversaires. Il choisit aujourd’hui celui qui semble dominant, afin de se dissocier de la déroute annoncée par les sondages. Evidemment, ce n’est pas très glorieux. Avant la primaire, il s’était engagé, comme les autres candidats, à soutenir le vainqueur. Aujourd’hui, il trahit sa signature en annonçant qu’il votera Macron. Mais pouvait-il en être autrement. Cette primaire entre opposants résolus, s’étant combattu pied à pied pendant de longs mois, n’ayant pas eu de mots assez dur pour qualifier qui “les traitres à la gauche” qui “les frondeurs”, ne pouvait évidemment déboucher sur un consensus. Même au nom de la menace lepéniste. D’autant que dès avant la primaire, Emmanuel Macron avait, par intuition ou par chance, anticipé en préparant une offre anti-Le Pen alternative.

Que reste-t-il à Hamon? La perspective de prendre la tëte d’un PS démonétisé, vidé d’une partie de sa substance, minoritaire dans une opposition de gauche dominée par Jean-Luc Mélenchon ? Même pas sûr! En cas de grave déculotée son leadership temporaire pourrait être contesté. Par ceux là -même qui l’ont soutenu dans sa fronde…

 

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