Mélenchon, une percée en trompe l’oeil?

Mélenchon a le vent en poupe! C’est indéniable, depuis le grand débat sur TF1, où il avait fourni une prestation remarquable, par sa clarté, son sens de la répartie, et son humour, il est porté en avant. Hier encore, pour le débat à 11, il s’est montré particulièrement à l’aise. Ses meetings font salle pleine, ses partisans sont hyper-actifs sur internet, et les intentions de vote en sa faveur progressent. Il est dorénavant nettement devant Benoit Hamon dans tous les sondages. Il peut donc espérer obtenir, à minima, un score supérieur à son résultat de 2012, 11,10% des voix au premier tour.

Pour parvenir à ce résultat, le candidat “du bruit et de la fureur” de 2012 a mis de l’eau dans son vin. Le slogan de campagne tranquille “la force du peuple” a succédé au vindicatif et autoritaire “prenez le pouvoir” de 2012, tandis que le fond rouge de l’affiche laissait la place à un élégant ciel de printemps apaisé. Il se pose maintenant en champion de l’écologie et du développement durable. L’Allemagne ennemie est devenue partenaire respectable. Les références à la révolution Vénézuelienne ont été oubliées, d’autant plus volontiers, on l’imagine, que le pays connait en plus de la catastrophe économique une dérive dictatoriale du pouvoir présidentiel. Bref le ton a changé, plus modéré, moins provocateur. Le candidat de gauche tape un peu moins sur Hollande, longtemps présenté comme “pire que Sarkozy”, et évite les attaques frontales contre Hamon, laissant cela à ses fans sur internet.

C’est au prix de cet ajustement, et d’une campagne de qualité, qu’il est parvenu à passer devant Hamon dans les sondages. C’est un résultat qui, s’il se confirmait dans les urnes, nous ramènerait à la préhistoire de la gauche, en 1969, dernière élection présidentielle où le PCF, en l’occurence Jacques Duclos, distança les socialistes, en l’occurrence Gaston Defferre pour la SFIO.

S’agit-il pour autant d’une irrésistible ascension, susceptible de le porter, comme l’espèrent ses supporters vers le second tour. Difficile à imaginer pour l’heure. D’une part si l’on regarde de près les sondages (en se basant sur les chiffres fournis par IFOP, Opinion Way et BVA), on constate que depuis le lendemain de la primaire de la gauche, donc en deux mois, en dépit de sa progression, le score total de la gauche assumée, Hamon plus Mélenchon, a plutôt eu tendance à baisser. De 3 points pour Opinion Way, de 2 pour BVA, de 0,5 pour IFOP. Une baisse qui correspond probablement à une transfert de voix vers Macron. Mélenchon n’a donc probablement pas “renversé la table” pour l’instant, ni mobilisé massivement les indécis. Evidemment tout reste possible en trois semaines.

Mais au delà des sondages, et malgré le lissage politiquement correct auquel il s’est livré dans la forme, il reste le fond de son programme. Qui ne peut évidemment être confondu avec celui de ses concurrents. Du moins sur le plan économique et social, où Mélenchon nous propose un bon vieux programme de gauche étatiste que ne renierait pas le PCF de Jacques Duclos: re-nationalisations, interdiction des partenariats public-privé, mise en examen et détention préventive des personnes suspectées d’avoir “bradé” ces dernières années les “fleurons de l’industrie française”, droit de réquisition des entreprises, protectionnisme, retour de la planification d’Etat, “mise au pas de la finance”, retour aux monopoles publics, sortie des traités européens et de l’euro, droit de veto des syndicats dans les entreprises… Malgré les promesses de lendemains qui chantent – 6ème semaine de congés payés, 32 heures hebdomadaires, zéro sans abris, zero chômeurs, zéro pauvre- c’est sans doute d’abord son programme qui limite les chances de Mélenchon de devenir un jour majoritaire dans son pays.

 

4 réflexions sur « Mélenchon, une percée en trompe l’oeil? »

  1. Les prestations, hier soir, de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, ont été des pavés lancés dans la mare des représentants “bien mis” de la campagne électorale actuelle.

    Et Jacques Duclos, que vous semblez représenter comme une sorte de dinosaure historique vers lequel se rapprocherait JLM, aurait sans doute apprécié que l’on parle encore en 2017 de “grand capital” et d'”ouvriers”, termes désormais proscrits par la langue de bois dominante (relire la “LQR, propagande du quotidien” démontée par Eric Hazan en 2006, Raisons d’agir éditions).

  2. C’est vrai qu’il est plus policé et qu’il aboie un peu moins pour améliorer son score mais, en terme de crédibilité programmatique [faire rembourser la dette par la Banque centrale – avec quelle monnaie ? – décréter que cette créance de la BC est éternelle et non remboursable] et dans la foulée redemander à la BC – encore elle – d’inonder le pays de monnaie fraîchement imprimée pour relancer la demande et l’emploi, seuls les électeurs de la Marine nationale y trouveront leur compte ! En revanche, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud de l’extrême gauche se sont imposés par leur fraîcheur inhabituelle et leur efficacité ; l’immunité ouvrière restera un des grands mots d’ordre de cette élection qui n’aurait pas passionné pas l’austère Tocqueville !

  3. Zero pauvres et zéro sans-abris c’est vrai. Par contre Mélenchon à dit ne pas s’engager sur les 32h mais il s’engage à rétablir les 35h qui ne sont plus la durée moyenne constatée. Pour les 32h il dit juste être ouvert à la discussion avec les syndicats. Pour le zéro chômeurs il n’a pas promis ça non plus (cf l’émission de chiffrage du programme). Pouvez-vous citer vos sources?

    • Effectivement, concernant les 32 heures et le zéro chômeur il ne s’agit pas d’une promesse à proprement parler, mais plus d’un engagement de principe. “Favoriser le passage à la semaine de quatre jours pour aller vers les 32 heures, et appliquer les 32 heures pour les salariés en travail de nuit et les métiers pénibles” (L’avenir en commun.fr) “Le progrès technique et la productivité des travailleurs français permettent au contraire de travailler tous en travaillant moins”. (ibidem)

Répondre à Christian Lippi Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *