Dans la pétaudière post-présidentielle

Quel désordre! Où que l’on regarde, à gauche, à droite, à l’extrême-droite, à l’extrême-gauche, la classe politique est état de sidération. L’élection d’Emmanuel Macron a administré à tous comme un immense électro-choc.

A l’extrême-droite, c’est Marion Maréchal Le Pen qui annonce un retrait que son grand père Jean-Marie Le Pen qualifie de “désertion”, tandis qu’au sein du Front National le leadership familial commence à être contesté.

A gauche, le PS, déjà cul par dessus tête depuis la primaire, laminé à la présidentielle, ne trouve rien de plus urgent que de faire le procès de l’ancien premier-ministre Manuel Valls. Lequel, il faut bien dire, s’est lui-même mis dans l’embarras en annonçant qu’il roulerait pour Macron aux législatives, sans s’assurer apparemment au préalable que celui-ci était bien disposé à l’accueillir. Toujours chez les socialistes, comme pour ajouter à la confusion, Martine Aubry,  Christiane Taubira et Anne Hidalgo lancent un mouvement “Dès demain”… Ce n’est pas un parti politique mais cela ressemble furieusement à une chaloupe de sauvetage qu’on jette à la mer au moment du naufrage. Benoit Hamon, lui-même, qui semblait destiné depuis la primaire à prendre le contrôle du parti, va créer lui aussi son mouvement, au mois de juillet. Il faut dire que le programme officiel du parti socialiste pour les législatives n’est plus qu’une version largement édulcorée de son projet présidentiel perdant.

Et ce n’est qu’un début.

Dès qu’on connaîtra le nom du nouveau premier ministre, et si comme on peut le supposer il plonge ses racines dans la tradition politique de la droite, le parti Les Républicains devrait à son tour connaître l’effet de souffle. Après, la mise au rancart du programme de Fillon,voué lui-même aux oubliettes de l’histoire de la droite, après les premières promesses de ralliement à Macron, de Bruno Le Maire ou Edouard Philippe par exemple, on devrait passer à un stade carrément plus explosif. Un pan entier de la droite, centristes et juppéistes, pourrait rejoindre le camp présidentiel.

A l’extrême gauche où l’on ne s’est toujours pas remis de la défaite, Mélenchon et son acolyte Corbière, après avoir joué à la perfection pendant la campagne le rôle des réformateurs sereins ouverts à tous, en quête de paix, de justice, et de démocratie… retrouvent leurs accents d’origine pour dénoncer “l’illégitimité” du programme du président élu et menacer d’une explosion sociale imminente. En attendant ce troisième tour social, le leader des “insoumis” prépare son parachute législatif à Marseille, dans une des circonscriptions de France où le FN est le plus faible (14,3% au premier tour de la présidentielle pour Marine Le Pen). Fini le temps où le leader du parti de gauche allait directement toucher le cul du tigre et affronter Marine Le Pen à Hénin Beaumont. Pour les candidats du parti de gauche, et en dépit des fanfaronnades de leur leader réclamant déjà le poste de premier ministre… il va être compliqué de trouver des soutiens pour cette élection. Le refus du Mélenchon frustré de rendre public son vote du second tour de la présidentielle devrait en effet peser lourd au moment des désistements d’entre deux tours. Il sera difficile pour les “insoumis” d’en appeler au front républicain. Comme en plus leur leader est parvenu à se fâcher avec les communistes, et s’attaque à une circonscription tenue par un socialiste, tandis qu’Alexis Corbière a failli en venir aux mains avec le leader écolo Yannick Jadot le 7 mai au soir… ça sent le retour aux fondamentaux, donc à l’extrême marge, après une saison de fantasme majoritaire.

Bref le paysage politique de l’après-présidentielle est apocalyptique. Et si cet équilibre politique, fondé sur une bipolarité gauche-droite qui semblait aussi incontestable que les lois de la physique, se désintègre aussi brutalement après des années d’alternance tranquille, c’est bien parce qu’il était au bout du rouleau. Certes, il a fallu une conjonction de planètes exceptionnelle pour que l’édifice s’effondre: un président sortant déstabilisé par son propre camp qui doit renoncer à se présenter, une succession de primaires “ouvertes” assassines qui “dégagent” tous les favoris, un candidat de l’opposition de droite pris dans le collimateur de la justice, un jeune impétrant plein d’intuition qui avait subodoré le retournement et ne savait simplement pas qu’un tel bouleversement était impossible… Mais au delà des circonstances, Macron a gagné parce que le fruit était mûr. Le “système”, ce concept commode qui permet en général à chacun de désigner les autres, était à bout de souffle. La poussée populiste et abstentionniste révélait une exaspération des électeurs pour les politiciens professionnels, leurs passe-droit, leur égo démesuré, leur incapacité, droite comme gauche, à redonner de l’espoir, leurs querelles dogmatiques, leur coupure du monde réel… les Français étaient prêts pour un changement de logiciel politique. Macron a su se trouver, au bon moment, au bon endroit, et proposer un renouveau, qui reste à démontrer, mais régénère un peu d’espoir.

Face à ce changement, dans la classe politique traditionnelle, il y a deux catégories de responsables: ceux qui peuvent prétendre se fondre dans un mouvement de rénovation et donc tirer quelques marrons du feu, et ceux qui savent que pour eux c’est trop tard. Les premiers qu’ils soient de gauche ou de droite tentent de rallier Macron, les autres empilent les moellons pour protéger ce qui reste de leurs citadelles perdues, et instruisent les procès en trahison… Il est trop tôt pour dire de quoi cette élection présidentielle marque le début. Mais elle donne en spectacle l’effondrement brutal de l’ordre ancien.

 

2 réflexions sur « Dans la pétaudière post-présidentielle »

  1. Mais elle donne en spectacle l’effondrement brutal de l’ordre ancien ! Quel beau spectacle ? Je commence à regretter de ne plus avoir 20 ans et demande encore quelques années pour contempler les suites de ce mouvement et de ce bris des idoles ! 1945, 1968, 1983, 1989, et maintenant 2017 ! Nous avons été gâtés ? On se croirait en 1789 ; souhaitons que la réactivité des réseaux sociaux nous protègent contre la Terreur de 1794. Juppé et sans doute des tas de gens autour de ses idées, devraient faire en sorte que nous sortions de tout cela par le haut. “Vive la crise” nous disait Yves Montant.

  2. Tout à fait sur votre ligne. Cette sortie de l’éternelle alternance PS-/Parti dominant à droite , que Bayrou a toujours prôné (la sortie) Macron l’a fait. Dans les partis en “décomposition ” , il faut rajouter l’ U.D.I. dont les dirigeants, J.C. Lagarde compris, se sont ralliés à Fillon, alors que la plupart des militants, surtout les jeunes, soutiennent E. Macron depuis le début.

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