Macron dans le piège Ferrand

Macron doit-il lâcher Ferrand? Jour après jour, la campagne contre le ministre redouble d’intensité. Les révélations, plus ou moins vérifiées se succèdent. Jour après jour la pression pour une démission du ministre s’accentue, bien que la justice ne trouve pour l’instant aucune raison de poursuivre l’intéressé. A cela on peut voir sans doute plusieurs raisons.

Primo Richard Ferrand est un proche parmi les proches du nouveau président. Il permet donc d’atteindre celui-ci sans l’attaquer de front. Au moment où journaux et télévisions n’en finissent plus de tresser les lauriers de ce nouveau président, capable d’écraser les doigts de Trump et de dire publiquement quelques vérités à Poutine, Ferrand fait office d’antidote à l’accusation de flagornerie. En soumettant le ministre à un feu nourri, les journalistes prouvent leur indépendance vis à vis du nouveau pouvoir, et donc peuvent complimenter à l’envie le-jeune-président-que-le-monde-entier-nous-envie, sans paraître complaisants.

Deuxio, Richard Ferrand incarne l’arroseur arrosé. Il est un donneur de leçons. Cheville ouvrière de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, il n’a cessé d’appeler à une moralisation de la vie publique. A dénoncé les fourberies de Fillon… Le coincer la main dans le pot de confiture, c’est mettre en scène la fameuse image du gars victime de son tuyau d’arrosage. C’est jouissif, et le public comprend qu’il l’a bien cherché.

Tertio, Richard Ferrand permet justement de faire oublier Fillon. En mettant la même énergie à attaquer Ferrand qu’il en ont mis à démolir Fillon, les journalistes, qui ont largement contribué à la destruction de la campagne présidentielle de la droite -destruction dont Fillon reste bien sûr le premier responsable- peuvent avoir l’impression de rétablir un équilibre. Tant pis si les situations sont très différentes. Tant pis si l’un était mis en examen et si l’autre de l’est toujours pas… Du point de vue moral, on peut toujours affirmer que le problème est le même et donc afficher une symétrie parfaite dans la dénonciation.

Ensuite, Richard Ferrand fournit un bon angle d’attaque contre le gouvernement. Attaquer en bloc l’équipe d’Edouard Philippe est difficile, tant pour la gauche que pour la droite. Tout le monde a compris que les Français sont majoritairement preneurs de cette étrange alchimie qui réunit dans le même creuset, droite, gauche, centre et société civile. Attaquer la formule de front c’est s’exposer à passer pour un aigri, un ringard, un défenseur de l’ordre ancien. En faisant feu sur Ferrand on évite de se mettre en porte à faux avec l’opinion publique.

Enfin, Richard Ferrand est un entrepreneur. Avant d’entrer en politique, il a géré une entreprise, les Mutuelles de Bretagne, et apparemment l’a plutôt bien gérée. Le prendre en flagrant délit de conflit d’intérêt, c’est illustrer le fait que les patrons de toutes façon s’en mettent toujours plein les poches, et que si c’est pas illégal, c’est tout de même immoral! Et comme chacun sait que Macron est “le président des riches” comme dit Mélenchon… CQFD!

Tout cela fait de bonnes raisons pour que Macron se débarrasse en urgence de l’encombrant morceau de sparadrap qui colle à la campagne législative et pourrait l’empêcher de réaliser le grand-chelem espéré, une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Mais les choses ne sont pas si simples!

Sanctionner Ferrand aujourd’hui au nom d’un comportement passé dont on peut estimer qu’il n’est pas vraiment conforme à l’idée qu’on peut se faire de la déontologie du chef d’entreprise, c’est ouvrir une porte vers l’abîme. C’est en effet entrer dans une ère où le jugement moral majoritaire, tel du moins qu’il est supposé s’exprimer à travers les médias, se substitue à la légalité. Les colonnes des journaux et les plateaux de télévision devenant les nouveaux prétoires où l’on jugerait non pas en droit, mais en morale. La moralisation de la vie publique voulue par le président tournerait alors à une normalisation morale des comportements individuels, présents et passés, des hommes publics, et dont les médias seraient les procureurs et les arbitres. Le cadre légal formel serait lui même supplanté par un cadre moral informel. Dérive qui déboucherait à une situation de chasse aux déviants, permanente, avec la déstabilisation de la vie publique que cela impliquerait.

La moralisation de la vie politique que l’on peut attendre et espérer n’est pas cela. Elle implique d’adapter nos lois à l’évolution des exigences du public à l’égard de leurs représentants, au besoin de transparence de la vie publique, et ensuite de les faire appliquer par tous! De faire appliquer la loi, toute la loi. Pas d’exiger de chaque personnage public, une adéquation permanente à la morale dominante telle que définie à l’instant T par les médias et les sondages.  A cet égard l’expression “transparence de la vie publique” serait sans doute plus juste que “moralisation de la vie publique”.

Pour l’heure, le président doit faire le dos rond. En attendant le jugement des urnes.

 

 

2 réflexions sur « Macron dans le piège Ferrand »

  1. Triste de lire votre article, vous admirez Monsieur Macron parce qu’il a serré la main du président Trump?
    Affligeant? Tout le monde nous envie notre président? Comme toujours les journalistes n’informent pas mais essayent de nous convaincre de leur choix
    Je vous remercie mais nous avons encore le droit d’avoir notre opinion, c’est du bourrage de crâne
    JFJ

  2. Je dirais que vous prenez le problème à l’envers, selon moi, c’est m Ferrand qui dès qu’on l’a mis en cause sur cette affaire, aurait dû démissionner de son poste de ministre en disant qu’il n’avait rien à se reprocher mais que pour ne pas gêner le gouvernement et le président, il préférait se consacrer à sa campagne législative et à sa défense. Il aurait été aisé pour le président de prendre acte en renouvelant sa confiance à m Ferrand et de le reprendre comme ministre une fois sacré par le suffrage universel.
    Il doit être difficile pour quelqu’un qui s’est engagé depuis longtemps de renoncer à peine installé comme il ne doit pas être agréable d’avoir à se séparer d’un soutien de la première heure.
    Au lieu de “loi de moralisation”, il aurait mieux valu parler d’éthique, la morale étant fluctuante et quand on fait des affaires, elles sont parfois tout à fait légales mais pas morales aux yeux de certains, imprégnés de catholiscisme et d’égalitarisme révolutionnaire, les français ont toujours tendance à suspecter celui qui s’enrichit.
    Attendons donc le verdict des urnes,

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