Y a encore du boulot!

C’est une législature qui démarre sur les chapeaux de roues. Pour ce qui est de la polémique en tout cas. En quelques jours, on aura eu droit à la rébellion des cravates, au réglement de compte entre Les Républicains canal historique et Les Républicains “constructifs”, au psychodrame de l’élection du bureau (puisque c’est ça j’irai pas!), et l’affaire du Congrès de Versailles avec le boycott remarqué du discours du président de la République par les anti-cravates. Le moins qu’on puisse dire c’est que ça fait désordre.

Evidemment il y a différentes façons de voir les choses. On peut d’abord se dire que le renouvellement a été tel au parlement, le dégagisme tellement puissant, que les élus qui ont survécu à la purge n’ont plus de repères, et se voient contraints de s’abimer dans des polémiques superflues. C’est sans doute un peu vrai. Pour le parti de Fillon et Baroin, l’éclatement en deux groupes rivaux prêts à se battre comme chiffonniers pour un poste de questeur, est une épreuve inédite et inimaginable il y a seulement quelques mois. D’autant plus douloureuse qu’au total ils sont déjà peu nombreux à l’Assemblée.

Une autre façon est de dire qu’il y a tellement de nouveaux arrivants à l’Assemblée qu’il va leur falloir un temps d’adaptation avant de saisir toutes les subtilités de l’exercice, et qu’en attendant c’est le bazar! C’est sans doute aussi vrai pour partie. Les règles et usages forgés par des décennies de 5eme République ne se domestiquent pas en un jour. Au milieu de la cohue, chacun tente donc d’attirer l’attention comme il le peut. Est-ce l’explication de la scène grand-guignolesque que nous ont offert les Insoumis en convoquant la presse pour expliquer, sérieux, qu’ils avaient décidé d’entrer en rébellion contre l’ordre établi, et ne porteraient donc pas la cravate? On peut imaginer que les amis de Mélenchon, avec le temps, finiront par trouver leur place dans l’hémicycle et parviendront à affirmer leur personnalité de façon moins dérisoire et ridicule, que Mélenchon cachant sa cravate dans sa poche pour entrer dans l’Hémicycle, ou Ruffin levant le poing l’air grave et combatif lorsque l’objectif d’une caméra s’attarde sur lui. Vivement la fin de la récré au parlement!

Mais il y a un autre angle pour analyser la situation. C’est l’angle élyséen. Tout ce tintamarre serait orchestré par un Emmanuel Macron omnipotent n’en finissant plus de contempler sa photo officielle, et son nombril, et soucieux de discréditer le parlement par tous moyens, pour mettre en scène en contrepoint une présidentialisation sans précédent de notre système politique. Et l’on n’est pas surpris du coup de voir un de ses plus proches, Richard Ferrand, jeter de l’huile sur le feu avec un malin plaisir, en faisant élire un dissident des Républicains à la questure pour représenter l’opposition. Comme s’il était nécessaire pour parachever la démonstration macronienne entamée il y a moins de deux ans, d’achever au parlement, la démolition des partis traditionnels. “Vae victis!” Comme si l’affirmation de la puissance élyséenne nécessitait que règne la confusion au Palais Bourbon… Le “maître des horloges” règlerait lui-même de sa main le plus modeste engrenage de celles du Palais Bourbon? Pourquoi pas? Après tout, on ne prête qu’aux riches.

Et la même analyse peut valoir pour la tenue du congrès de Versailles lundi prochain. Evidemment, en parlant devant le Congrès la veille du discours de politique générale du Premier ministre, Macron rappelle une fois encore qui est le patron. Ce faisant il démonétise certes un peu son premier-ministre en se renforçant? Guère plus toutefois que ses prédécesseurs ne le firent: on se souvient de Sarkozy parlant de son “collaborateur” Fillon.

Alors, Macron en fait-il trop? Est-il en voie de “pharaonisation” accélérée, comme beaucoup le suggèrent? Lorsque son entourage explique sans rire que sa pensée serait trop complexe pour se prêter aux questions-réponses des journalistes, on a envie de répondre “Oui!”. Ou alors de lui conseiller de virer “l’entourage” en question qui tient des propos aussi stupides!

On a surtout une envie plus globale de dire “STOP”! Stop à la macrobsession. Macron ne veut pas répondre aux journalistes? Qu’ils l’oublient cinq minutes! Qu’ils informent au lieu de commenter sans fin, souvent même le plus insignifiant. Assez d’émissions de commentaires sur le décodage de la photo officielle du Président! De pseudo-débats de soi-disant “informés” sur la place de Jupiter et Hermes dans la mythologie, ou le fantasme versaillais du nouveau roi. D’interviews “d’experts” sur l’importance d’une poignée de main. De dissection interminable de la petite phrase de 15 secondes échappée de la bouche du roi-soleil lors d’un de ses déplacements. De polémiques virtuelles autour d’un discours qu’on n’a pas encore entendu. D’exégèses approfondies de la dernière remarque d’un membre anonyme de l’entourage plus ou moins proche du président… De jugements définitifs sur un projet de réforme dont on connait déjà l’issue, mais dont la négociation débute à peine, et dont les premiers intéressés disent qu’elle se passe plutôt bien.

Y’en a marre! Après les campagnes électorales, on espérait en avoir fini avec le culte de l’inessentiel. Pouvoir enfin entrer dans les débats de fond. S’intéresser enfin à ce que Macron nous prépare en vrai… Le calendrier des réformes annoncées. La mise en pratique des grandes idées de campagne. La réalité du projet pour l’Europe, et la sincérité des négociations sociales en cours, et la traduction concrète de l’engagement humaniste en faveur des migrants… Il faudra encore attendre un peu. L’épisode de la présentation du prince au Congrès devrait sans doute encore nous valoir une avalanche de directs, d’articles, commentaires, analyses, vidéos, il y aura sans doute beaucoup à dire sur sa démarche, son costume, sa posture, les sourires échangés avec les uns ou les autres… Et puis la décomposition de la droite devrait aussi continuer à fournir un spectacle réjouissant, de même que les invectives d’un Mélenchon appelant à manifester contre la venue de Macron à Versailles (???) tout en réclamant une pause parlementaire pour permettre aux députés de profiter des congés payés pour se “reconstituer”!

Pour donner aux Français une meilleure image de la politique… il y a encore du boulot!

 

1 réflexion sur « Y a encore du boulot! »

  1. Devant le congrès de Versailles sans les Sans-Culottes ou plutôt les sans-Cravattes de Mélenchon – alors qu’en octobre 1789, les parisiennes marchaient sur Versailles pour ramener Louis XVI et sa famille aux Tuileries à Paris ! – Macron informera les élus du peuple des réformes constitutionnelles – réduction du nombre de députés, etc – et de ses volontés de poursuivre la construction de l’Europe tandis que le premier ministre fera part de ses projets pour que la France retrouve les moyens financiers et économiques de sa politique. Quand on n’a pas les moyens de sa politique, on fait la politique de ses moyens déclarait Henri Weber il y a peu ! Pourquoi critiquer ce partage des taches au plus haut niveau de l’état ?

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