Migrants: du discours aux actes?

Edouard Philippe vient de présenter le projet gouvernemental destiné à apporter une réponse à la question des migrations. La réponse en question tient en une phrase: contenir le flux migratoire. Pour cela, on commencera par accélérer le traitement des dossiers. Personne ne s’en plaindra. Le délai interminable pendant lequel chaque migrant demeure sur le territoire national, dans des conditions on ne peut plus précaires, en attendant une décision définitive concernant sa demande d’asile, ne pose que des problèmes. On reconduira aussi plus rapidement à la frontière les déboutés du droit d’asile. Légitime également! Il existe des lois, des recours juridiques, pour les demandeurs, une fois que la justice a tranché validant un refus d’asile, il est naturel que l’Etat prenne les moyens d’exécuter rapidement la décision. Alors on assignera un peu plus à résidence, on allongera la durée de période rétention, pour éviter que les expulsables passent entre les mailles… Et puis on protègera mieux les frontières européennes pour empêcher les candidats d’entrer…

Mais au fait le sujet c’est quoi? “Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires” nous dit la pancarte placée sur le pupitre du premier ministre. Mais elle est où la garantie du droit d’asile? Faut-il comprendre que garantir le droit d’asile, c’est faire en sorte qu’il y ait de moins en moins de demandes? Pourquoi pas, le raisonnement se tient! Mais on fait comment? On fait quoi des bateaux qui abordent les côtes italiennes?  On interdit aux ONG de recueillir les naufragés de la guerre ou de la misère? On laisse la Méditerranée se transformer en fosse commune?

On aide à stabiliser les pays d’où proviennent les migrants, explique le premier ministre. C’est effectivement nécessaire: aider à stabiliser les situations politiques, aider au développement des pays que fuient les migrants… Là encore on voudrait bien y croire, mais ça tombe bien mal… Le ministre des finances nous a expliqué il y a quarante-huit heures que pour réduire le déficit il était prévu entre autres mesures de réduire l’aide publique au développement. Les ONG n’ont pas tardé d’ailleurs sur ce point à ressortir les engagements du président Macron, qui promettait le soir de son élection de respecter « les engagements pris en matière de développement et de lutte contre le réchauffement climatique ». Bien sûr on pourra rétorquer que c’est l’application du principe de réalité, et les 3% de déficit et tout et tout! Mais on a du mal à croire que l’annonce de réduction des crédits permette de présager d’un renforcement de l’aide de la France au développement, et donc à la “stabilisation” des pays d’origine des migrants.

Mais ce n’est pas encore le plus gênant dans la communication du Premier ministre. Le plus embarrassant c’est le mutisme sur la situation intérieure actuelle. Que fait-on des milliers de migrants sans statut qui tentent de survivre dans des conditions indignes, à Calais, à Paris, où à la frontière italienne? Pas vraiment de réponse… Surtout pas des camps en tout cas, « ce sont des structures qui ne génèrent que des problèmes », explique le ministre de la cohésion des territoires Jacques Mézard! Oui, on avait compris que l’on ne veut pas recréer une ou des “jungles”… Donc on laisse les gens livrés à eux-mêmes? On continue à refuser d’obtempérer aux décisions de justice qui ordonnent aux pouvoirs publics de fournir les services vitaux minimums aux gens qui s’entassent à Calais dans l’espoir de passer la Manche? On s’entête à leur rendre la vie invivable pour “éviter les appels d’air” comme le dit le ministre de l’intérieur? On “couvre” les agissements indignes de certains policiers, qui leur interdisent un simple accès à l’eau potable?

“C’est notre devoir et notre honneur” dit Emmanuel Macron à propos de l’accueil des réfugiés… il va falloir un autre plan que celui annoncé par le Premier Ministre pour rester crédible sur ce sujet.

 

 

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