Jérusalem: le péril religieux

Le gouvernement israélien a donc cédé et retiré les détecteurs de métaux à l’entrée de l’esplanade des mosquées. L’épisode aura tout de même été sanglant. Cinq morts côté palestinien, trois chez les Israéliens. Dans les rues de Jérusalem-est, où des prières de rues étaient organisées depuis quelques jours, les Palestiniens ont crié victoire. Côté israélien on a promis de mettre en œuvre des moyens de sécurisation plus sophistiqués que les détecteurs contestés.

La raison l’a donc emporté. On a peut-être évité une nouvelle intifada, un nouveau soulèvement dans les territoires occupés par Israël. Côté Israélien on faisait jusqu’ici semblant de ne pas comprendre où était le problème. Les responsables faisaient valoir qu’aucun catholique ne proteste contre les détecteurs de métaux placés à l’entrée du vatican, ni aucun musulman contre ceux qui surveillent l’accès des pèlerins à La Mecque. Evidemment, vu sous cet angle, on peut convenir que les détecteurs de métaux ne profanaient en rien les lieux saints musulmans. Mais dans la réalité le gouvernement israélien jouait avec des symboles explosifs.

Depuis 1967, et l’annexion par Israël de Jérusalem-est et de la Cisjordanie, c’est le Waqf (office des biens musulmans) jordanien qui est chargé de la sécurité du lieu de culte musulman. Le statu-quo qui y prévaut interdit aux autres religions de venir prier sur l’esplanade des mosquées, appelée Mont du Temple par les Juifs. La mosquée et son “dôme du rocher”, troisième lieu saint de l’Islam, est construite sur les ruines du temple de Jérusalem dont il ne reste que le mur des lamentations, lieu le plus sacré de la religion juive, à proximité immédiate de l’esplanade. On pourrait ajouter que les chrétiens ont aussi leurs raisons de s’intéresser au lieu puisque c’est ici que Jésus aurait chassé les marchands du temple… Bref, un emplacement qui est au point focal des trois religions monothéistes. Et pousse donc les extrémistes religieux juifs comme musulmans à vouloir en chasser les autres. C’est une visite d’Ariel Sharon, l’ex-ministre de la Défense et futur premier-ministre israélien, sur l’esplanade, en pleine campagne électorale, qui avait servi d’étincelle à la deuxième intifada en 2000.

Pour justifier ses portiques, le gouvernement israélien s’appuyait sur un attentat survenu le 14 juillet et perpétré, dit-il, avec des armes qui avaient été cachés sur l’esplanade. Un attentat ayant fait deux morts dans les rangs de la police israélienne. Un raisonnement logique en apparence, sauf que le gouvernement de Benjamin Netanyahu, ne pouvait ignorer qu’il jouait avec le feu en laissant supposer qu’il souhaitait revenir sur le statu-quo concernant la gestion des lieux saints de Jérusalem. Comme s’il y avait un enjeu à exciter les antagonismes religieux.

Depuis plusieurs années le gouvernement de droite israélien, sous la pression de ses extrémistes religieux, tente de faire passer ce qui est d’abord un conflit politique lié à la colonisation d’un territoire et à l’oppression d’un peuple par un autre, pour une guerre de religions. Le gouvernement n’a eu de cesse d’affaiblir et décrédibiliser l’Autorité palestinienne, laïque, comme s’il préférait n’avoir à faire qu’au Hamas, islamiste. D’exiger comme préalable à toute négociation avec les palestiniens, la reconnaissance d’Israël comme “état juif” alors même que 20% de la population d’Israël est arabe, pour l’essentiel de religion musulmane. D’encourager les intégristes juifs à poursuivre la colonisation sauvage des territoires palestiniens. En s’attaquant à ce lieu tellement symbolique pour les musulmans, le gouvernement israélien prenait une fois de plus le risque d’exacerber les tensions religieuses.

Et de fait, lors des incidents de ces derniers jours, ce ne sont pas les organisations politiques qui menaient la contestation, mais bien les imams qui organisaient des prières dans les rues de Jérusalem-est pour protester contre la tentative de contrôle des accès à la grande mosquée. Evidemment cette focalisation de la tension sur la question religieuse ne peut que renforcer la position des intégristes musulmans qui accusent les juifs de vouloir détruire la mosquée Al Aqsa pour reconstruire leur temple. Ceux du Hamas en particulier qui veulent la disparition de l’Etat d’Israël, et qui sont en conflit avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Mais elle peut aussi par ricochet justifier le discours du premier ministre israélien qui cherche à démontrer que les mouvements de résistance palestiniens sont simplement une autre forme du djihadisme islamiste, que l’opposition politique à la colonisation est en fait un combat contre la religion juive, et donc qu’Israël a le droit de s’opposer par tous moyens aux revendications palestiniennes.

Tout cela pour aller où? Lorsque la perspective de création d’un Etat Palestinien aura été définitivement enterrée, comme le revendiquait ces jours-ci la ministre déléguée des affaires étrangères israélienne Tzipi Hotovely, qui plaide pour une annexion pure et simple de la Cisjordanie, que deviendra la démocratie Israëlienne? Le pays, qui compte dans ses frontières actuelles 20% d’arabes, en arriverait après annexion à une situation de quasi parité démographique entre juifs et non-juifs. Les conditions d’une guerre civile seraient réunies, et le pouvoir s’enfoncerait dans une logique d’apartheid dont les prémisses sont déjà visibles dans certaines décisions du pouvoir actuel. Le “Grand Israël”, c’est la certitude de l’insécurité éternelle pour tous, juifs comme musulmans et chrétiens de Palestine, et la menace d’une explosion régionale. La solution politique à deux Etats est la seule évolution souhaitable pour les uns comme les autres… La seule façon de garantir à terme la sécurité, et la paix entre religions. Mais est-ce encore possible?

 

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