Ainsi, la France a réussi à obtenir de haute lutte la direction générale d’une Unesco, amputée, il est vrai, de la participation des Etats-Unis et d’Israël. Contre toute attente! L’ex-ministre de l’éducation de François Hollande, Audrey Azoulay, n’était pas issue du sérail. La France a déjà le siège de l’organisation et il y aurait une tradition non écrite qui préconise qu’un pays ne cumule pas le siège d’une organisation internationale et sa direction générale. Enfin les pays arabes qui n’ont jamais assumé la fonction, estimaient que leur tour était venu. Pour que la française l’emporte, il a fallu que pèsent jusqu’au vote final les querelles qui agitent le monde arabe.
Car le candidat arabe restant dans la dernière ligne droite était le représentant du Qatar, Hamad Al-Kawari. Ancien ministre de la culture de son pays, et actuel conseiller de l’Emir au pouvoir. Pour le faire élire son pays avait depuis longtemps fait tout son possible. Par exemple en versant, en 2014, 10 millions de dollars au Fonds pour le Patrimoine de l’Unesco, ou en offrant plus récemment un voyage à Doha tous frais payés pour les membres du comité exécutif de l’Unesco… Cela n’a pas suffi! La rancœur des autres pays du Golfe ainsi que des pays arabes qui reprochent au Qatar un rapprochement avec l’ennemi chiite iranien, s’est révélée un barrage efficace. Bref, Audrey Azoulay doit pour une part non négligeable, au delà de ses talents personnels, son élection à la crise qui secoue les pays du golfe depuis plusieurs mois, dans un jeu de rôle où l’on a vu l’Arabie Saoudite, accuser le Qatar, de… financer le terrorisme. L’Hôpital qui se fout de la Charité!
On est donc passé à deux doigts d’une situation peu banale: la direction de l’organisation internationale pour la culture, l’éducation et la science confiée à un responsable d’un pays où le wahhabisme, dont prétendent se nourrir les extrémistes islamistes, est religion d’Etat, qui applique la charia, qui pratiquait encore à la fin de l’année dernière une forme d’esclavage, le “parrainage” (aboli depuis décembre 2016), qui reste pointé du doigt par Amnesty International pour sa discrimination envers les femmes, pour les limitations à la liberté d’expression, les conditions imposées aux travailleurs étrangers…
Le candidat du Qatar a été fair-play et a félicité la nouvelle directrice générale. Souhaitons que cette défaite de l’émirat soit entendue comme un rappel salutaire: on n’achète pas (encore?) une organisation internationale comme un joueur de foot, ou une coupe du Monde!