La mère de toutes les batailles

La bataille du rail est lancée. Et de part et d’autre on semble considérer qu’il s’agit de la mère de toutes les batailles. Pour le gouvernement, il s’agit de prouver une bonne fois pour toutes que rien n’entravera sa volonté réformatrice et la mise en œuvre du programme de campagne du président. Et le test est d’importance. Qu’on échoue à réformer la SNCF et la suite du programme sera gravement compromise. En particulier l’ambitieuse réforme des retraites. A l’inverse, pour les syndicats, c’est un peu une seconde chance. Après l’échec cuisant de la mobilisation contre la réforme du code du travail, la SNCF offre une session de rattrapage. En bloquant le pays pendant plusieurs semaines, ils peuvent espérer faire reculer le gouvernement -il y a eu des précédents- et démontrer que dans le “nouveau monde”, comme on aime à parler à la République en Marche, c’est comme dans l’ancien: les politiques peuvent faire tous les moulinets verbaux qu’ils souhaitent, à la fin, c’est aux syndicats que revient le dernier mot.

Mais les uns comme les autres sont assez mal engagés. Les syndicats, en promettant le blocage avant même d’entre dans la négociation proposée par le gouvernement, démontrent qu’au fond c’est bien le maintien du statut des cheminots, qui les préoccupe avant tout. Cela s’appelle la défense des acquis sociaux, et c’est le credo de la CGT, qui voit dans ce combat emblématique du syndicalisme ancien, l’opportunité de faire trébucher le pouvoir. Le gouvernement n’est guère mieux. En choisissant la procédure des ordonnances, il a montré de son côté qu’il n’était pas très en confiance au Parlement, malgré sa majorité écrasante. Il est entré dans le dossier en frappant le point sur la table, en brandissant la menace d’un passage en force, ce qui n’est pas forcément la meilleure façon d’ouvrir une négociation.

Une négociation sur quoi? Les syndicats se disent d’accord pour négocier, mais posent en préalable le maintien du statut de cheminot et le renoncement à la mise en concurrence de la SNCF. C’est une farce. Si ces deux points étaient actes par le gouvernement, c’est la réforme elle-même qui n’aurait plus de sens. A l’opposé, le gouvernement se dit prêt à négocier, mais les termes de la loi d’habilitation des ordonnances, déjà adoptée en conseil des ministres, laissent assez peu de place au dialogue. Et surtout, il aurait été plus convaincant s’il avait accepté une procédure législative normale, qui l’exposait certes à une guérilla de l’opposition, mais aussi aurait permis de créer un consensus minimal autour d’un projet qui n’exige pas d’être traité dans l’urgence. Si la réforme de la SNCF avait été annoncée par Macron pendant sa campagne, il avait aussi promis “une démocratie rénovée” ou encore un renforcement du “pluralisme politique” voire un “développement de la participation des citoyens” … le recours aux ordonnances n’en est pas vraiment la marque!

Donc aujourd’hui, c’est le premier round. Celui pendant lequel on roule des mécaniques, en maximisant le nombre de grévistes et de manifestants, en bloquant tout ce qu’on peut, dans un camp, pour faire peur au gouvernement… En minimisant le mouvement de protestation -merci les chiffres de la police- en feignant de s’en fiche éperdument, du côté du pouvoir. La manif devrait permettre de recréer quelques heures l’union de la gauche. Les socialistes ont annoncé qu’ils se joindraient aux syndicats, et aux insoumis de Mélenchon, pour dénoncer “la casse du service public”. Et tant pis si quelques militants PS qui votaient il n’y a pas si longtemps  au Parlement européen  la mise en concurrence de la SNCF, se retrouvent aujourd’hui à manifester pour le contraire. Pour les partis de gauche l’enjeu est de taille: retrouver une légitimité en mettant Macron enfin en échec! Pour commencer enfin à refermer ce qui constitue pour eux une parenthèse accidentelle de l’Histoire. C’est la première étape de la reconstruction du parti socialiste qui se joue aujourd’hui, au moins autant que l’avenir de la SNCF. Le déclin progressif de “l’illusion macroniste” étant pour le PS le préalable à une renaissance.

Rien d’étonnant donc à ce que l’on finisse par se perdre sur le fond. On va manifester aujourd’hui contre la suppression du statut de cheminot. Or le gouvernement a déjà annoncé que le statut serait maintenu pour tous ceux qui en bénéficient actuellement. Les seules victimes du projet gouvernemental seront donc les futurs éventuels nouveaux embauchés de la SNCF, qui ne bénéficieront pas d’un statut auquel ils n’ont jamais goûté! On protestera aussi contre la privatisation de la SNCF… qui n’est pas à l’ordre du jour, qui est même exclue par la loi d’habilitation. On s’indignera contre la fermeture de petites lignes… qui n’est pas prévue au programme, du moins pour l’instant. Enfin on protestera contre l’ouverture à la concurrence qui est une exigence européenne déjà actée… Voilà pour la SNCF. Pour le reste, les fonctionnaires protesteront pêle-mêle contre le gel de leur point d’indice, les suppressions de postes, l’insuffisance des recrutements, la dégradation de leurs conditions de travail… Comme d’habitude, et pas forcément à tort! Le tout débouchant sur un appel commun à la défense du Service Public, forcément menacé par les agissements de ce “gouvernement libéral au service des riches”…

Il faudra encore attendre un peu pour avoir un débat politique clarifié, constructif et apaisé!

 

1 réflexion sur « La mère de toutes les batailles »

  1. 0 Jamas. Je persiste et signe: jai entendu beaucoup de discours ministériels et présidentiels qui devaient être difficiles à entendre par les cheminots sans se mettre en colère; cétait pour le moins non diplomatique. Et vous avez raison, pour rien, car en fait rien ne sera changé pour les salariés en place. Quoiquil en soit la grève du 22 est un bide, sauf à la SNCF. Cela dit le statut ne couterait daprès les experts que 5à 8% de surcout,alors que la SNCF est 30% trop chère pour des raisons dorganisation et règlements internes. fallait il alors claironner la suppression du statut?, Et surtout bipasser sa direction? Et pendant ce temps là létat passe commande de 100 TGV, ce qui va surement améliorer la dette de la SNCF devenue bouée de sauvetage de son fournisseur non compétitif lui aussi

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