L’agenda ébouriffant du premier secrétaire du PS

La renaissance va prendre du temps. Olivier Faure devait s’en douter, il en a eu la confirmation lors de la manifestation de ce 22 mars, et avec le lâchage de la direction du mouvement des jeunes socialistes annonçant son ralliement à Hamon. Sa présence à la manifestation anti-gouvernementale allait de soi, devait-il penser. Le leader du parti de gauche en reconstruction y était parfaitement légitime. Mais il a dû être protégé et évacué par le service d’ordre. Hué, agressé par des manifestants lui reprochant pêle-mêle d’être un “social-traitre”, selon la terminologie traditionnelle des communistes à l’égard des sociaux-démocrates, d’avoir été absent lors des manifs contre Hollande, sans parler des injures et noms d’oiseaux divers et variés.

Bien sûr les socialistes pourront y voir la marque de fabrique des insoumis. Remarquer que tous les manifestants présents n’étaient pas aussi agressifs, que certains étaient même bienveillants… Mais l’anecdote illustre l’ampleur du chantier de reconstruction auquel s’attaque le nouveau premier secrétaire du PS.

Le PS pour reprendre une place significative sur la scène politique nationale, en se positionnant, comme par le passé, en pôle de référence pour une alternance politique de gauche, va devoir cravacher. Il a beaucoup à faire oublier… D’abord, bien sûr, comme on l’a vu hier, le fait qu’il était aux côtés de l’ex-ministre de l’économie, Emmanuel Macron, sous la présidence Hollande. Pour convaincre les électeurs de gauche qui trouvaient déjà sous Hollande que Macron était trop libéral il faudra donner des gages. Comme par exemple en manifestant dans la rue aux côtés de la CGT contre le gouvernement…

Mais cela ne suffira pas.  Pour reconstruire un grand parti social démocrate, il faudra aussi ramener au bercail socialiste les brebis égarées dans le sillage de Macron. Et là, il va falloir être subtil… Même si certains sont déjà déçus par le président, comme semblent le dire les sondages, ce n’est pas en s’opposant systématiquement à lui, et en dénonçant sur tous les tons son tropisme de droite, qu’Olivier Faure arrivera à refaire le plein dans ses sections. La voie entre opposition systématique, et complaisance pour le pouvoir est très étroite. Mais ce n’est pas tout. Pour arriver à reconstituer un grand PS, il faudrait aussi aller chercher les quelques militants ex-frondeurs qui ont suivi Benoit Hamon. Voire même tenter de reprendre quelques terrains conquis à la hussarde par Mélenchon et ses insoumis. Bref il va falloir la jouer vraiment très œcuménique! D’autant que les trois familles directement concernées par la reconquête, En Marche, Génération Hamon, et France insoumise, vont évidemment tout faire pour maintenir le PS la tête au fond du seau, puis que tous trois ne peuvent prospérer que sur sa ruine.

La solution pour une renaissance passe évidemment d’abord par les idées. Avant de reconstruire le parti, il convient sans doute de reconstruire un discours, un corpus doctrinal original susceptible de rassembler des électeurs qui se sentent de gauche, qu’ils aient voté Hamon à la présidentielle, ou pas. Ce n’est évidemment pas le plus simple tant les prédécesseurs d’Olivier Faure ont semblé s’appliquer à vider leur parti de sa substance idéologique. Le nouveau leader du PS en est conscient, lui qui déclarait dans son “texte d’orientation”: “la défaite de 2017 n’est pas que conjoncturelle, elle vient de loin; elle n’est pas une parenthèse, aucune bulle n’éclatera pour rétablir le paysage politique antérieur. Nous devons reconquérir notre place”.

Il est vrai que certains au PS, comme à droite d’ailleurs, tentent de se convaincre que l’avènement de Macron ne doit qu’à l’incurie des époux Fillon, qu’il n’est qu’un accident de l’Histoire, et que celle-ci va reprendre son cours “normal” en remettant à leur place les partis qui ont toujours été au centre de la vie politique… Ceux-là risquent d’aller de déconvenue en déconvenue. Si le PS tente de renouer avec son passé, fait de combats de chefs, de congrès plus ou moins manipulés, de combines d’appareil… Alors la marche sera longue, très longue, vers le renouveau. S’il ne parvient pas à déterminer une voie originale, puisée dans sa propre histoire, dans les convictions que partagent ses derniers militants, sans chercher forcément à emprunter la voie étroite qui est supposée exister à mi chemin entre le Macronisme et le Mélenchonisme, le PS échouera.

La gauche du 21eme siècle reste à inventer. Si le PS a cette ambition, il faut qu’il le démontre. Mais ce ne sera pas facile. Il faudra conjurer les démons du passé. Digérer enfin cet incroyable épisode d’auto-destruction que fut le mandat de Hollande. Réinventer les idées, la démocratie interne, l’exigence morale, le réalisme éthique, pour proposer in fine aux Français un programme politique répondant vraiment aux défis de ce siècle, et au principal d’entre eux qui est et sera la lutte contre le creusement des inégalités entre vainqueurs et vaincus des guerres économiques et-ou post coloniales, entre bourreaux et victimes du climat… Il serait mieux de le faire évidemment en s’appuyant sur la jeunesse. Mais là encore, c’est mal parti, avec le départ de la patronne du Mouvement des Jeunes Socialistes qui estime que le PS est devenu “un Ephad”. Certes tous les jeunes socialistes ne se reconnaîtront pas dans ce jugement à l’emporte-pièce, mais il dit bien les doutes profonds que doivent ressentir les militants à l’aube de la reconstruction.

Donc, si on résume l’agenda du premier secrétaire:

  • retrouver un ancrage à gauche en critiquant autant que nécessaire l’action de Macron… tout en tentant de séduire, grâce à une modération de bon aloi, les socialistes ayant fui vers En Marche
  • regagner les militants du mouvement de Benoît Hamon sans pour autant rouvrir la boite de pandore de la fronde qui a conduit le PS là où il est
  • proposer un programme d’avenir, mobilisateur pour la jeunesse du pays, mais en se passant d’une bonne partie des jeunes socialistes partis avec armes et bagages chez le rival Hamon
  • réinventer la démocratie interne du parti, rajeunir les structures, tout en s’appuyant sur des militants restant dans le parti, qui ont souvent été partie prenante des errements du passé et tenteront forcément de s’accrocher au bastingage dans la tempête
  • se poser en rassembleur de la gauche, sans se faire manger par Mélenchon qui pèse pour l’instant trois fois plus lourd en intentions de vote et rêve d’en finir pour de bon avec le PS…

Bref, participer à la manif du 22 mars, au milieu de cégétistes et mélenchonistes en pétard… c’était quand-même le plus facile…

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