Après la conférence de presse: une sortie par le haut?

C’est fait. Emmanuel Macron a coché la case “conférence de presse”, cet exercice rituel de tous les présidents auquel il se refusait jusqu’ici. En attendait-il une amélioration de ses relations avec les journalistes, qu’il risque bien d’être déçu. La quinzaine de questions posées pendant l’heure et demie que dura l’échange, a laissé tout le monde sur sa faim, journalistes comme téléspectateurs. Il faut dire que les heureux élus qui l’interrogèrent semblaient tétanisés par l’enjeu, à l’exception de la journaliste allemande qui permit au président de donner sa vision de la relation franco-allemande, les autres semblaient plus préoccupés par le contenu de leur questions, que par l’importance des réponses. Jusqu’à la caricature pour les journalistes de BFM TV et C news, Apolline de Malherbe et Laurence Ferrari, venues pour montrer à leurs consœurs et confrères qu’elles n’avaient pas froid aux yeux, et osaient l’impertinence à l’égard du président, et en avaient visiblement elles-mêmes “la boule au ventre”. On l’aura compris l’exercice de conférence de presse tenait plus du monologue, de l’exposé, que de l’échange, tant la plupart des questions des journalistes, à l’inverse de celles des participants au Grand Débat, semblaient déconnectées à la fois du quotidien des Français, et des réformes annoncées par Emmanuel Macron.

En fait, sans surprise, l’enjeu réel de la conférence de presse pour les médias était la mise en scène des réactions des oppositions de tout crin, qui piaffaient depuis que les projets présidentiels avaient fuité dans la presse. Avec une question centrale, déjà posée sur tous les plateaux avant même les annonces: que vont faire les gilets jaunes?. Et de fait les réactions des dits gilets jaunes, comme des différentes oppositions, ont été à la hauteur prévue: “des mesurettes”, “de petites miettes”, “de l’enfumage”, “un bras d’honneur”… Bref, on va pouvoir continuer les émissions du samedi en direct-live depuis les nuages de lacrymogènes!

Le “rituel” du samedi

Qui pouvait imaginer qu’il en soit autrement? Cinq mois après, les quelque 30000 personnes qui continuent à défier les forces de police ne parviennent plus à formuler un contenu revendicatif commun cohérent, si l’on excepte la départ du Président de la République élu, et le changement des institutions. Elles ne parviennent même pas à se choisir des représentants, et semblent craindre toute forme d’organisation qui ressemble à une normalisation. Après 23 semaines, la manif du samedi n’a plus de véritable finalité, elle semble être devenue chez les intéressés un rituel existentiel. On imagine sans peine ce que le retour à une “vie normale”, aura de difficile, de douloureux. Et l’arrêt du mouvement ne dépend donc pas ou plus de telle ou telle mesure que pourrait annoncer le gouvernement.

Bien sûr ce constat ne dédouane pas pour autant le pouvoir. On peut toujours penser à posteriori que l’Etat a failli en se montrant impuissant à résoudre la question au moment où l’expression revendicative des débuts du mouvement était encore gérable et négociable. Au moment où les offres de médiation, celle de la CFDT en particulier, ont été repoussées par lui. S’il est seul ou presque aujourd’hui face à ce mouvement incontrôlable, si personne ne sait plus comment refermer la boîte de Pandore, c’est aussi parce qu’Emmanuel Macron a cru pouvoir s’en sortir tout seul, sans l’aide des corps intermédiaires, dont c’est le rôle de mettre de l’huile dans les rouages, de faciliter le fonctionnement des courroies de transmission, bref de faire vivre ce consensus minimal, nécessaire à la vie en société.

Sur ce plan le Président dit avoir changé, si l’on a bien compris son intervention en conférence de presse. L’humain va être remis au centre de la politique. Les corps intermédiaires vont être mis à contribution. Les citoyens vont être plus associés, et mieux représentés, les pouvoirs des élus locaux renforcés. Bref, cette revitalisation de la vie démocratique, qui figurait dans son programme présidentiel, est maintenant, enfin, à l’ordre du jour… En attendant que les gilets jaunes aient repris goût aux week-ends en famille, la sortie par le haut est sans doute dans cette direction.

3 réflexions sur « Après la conférence de presse: une sortie par le haut? »

  1. “impuissant à résoudre la question au moment où l’expression revendicative des débuts du mouvement était encore gérable et négociable.”
    Je ne connais pas votre implication dans ce mouvement, mais j’ai un gros doute sur le fait que ce mouvement ait été encore gérable et négociable. Des le 17 novembre, les troupes étaient formées et infiltrées de militants extrême droite et extrême gauche. Des l ‘origine ils n’étaient pas prêts à lâcher leur heure de gloire.

    • C’est une hypothèse. On ne le saura jamais. En tout cas lorsque Berger (CFDT) propose le 17 novembre l’organisation d’une conférence “pour construire un pacte social de la conversion écologique” Edouard Philippe a tort de l’envoyer promener, préférant une négociation directe qui ne débouchera jamais. Cette erreur pèsera je pense sur la suite.

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