A l’approche de l’échéance la campagne européenne s’accélère. Toujours sans vraiment confronter les projets, mais plutôt les postures. Chacun tente de renvoyer ses concurrents dans les cordes, en l’attaquant, non pas vraiment sur son programme, mais plutôt sur sa façon d’être, de faire campagne, sur son passé… ou sur ses relations.
En se référant à l’intensité des polémiques sur internet, on pourrait résumer le thème de la semaine d’une formule: “à dix jours de l’échéance prends garde à tes amis!”
Le faux ami et le mauvais génie
A chacun les siens, et à chacun ses emmerdements. Pour Marine Le Pen, il y a un faux-ami et un mauvais génie. Le faux ami, c’est ce député néo-nazi estonien, à qui elle a accordé de bonne grâce un selfie dans une posture symbolique des mouvements suprémacistes blancs. La présidente du Rassemblement National affirme qu’elle ignorait la signification du geste que son “ami” lui proposait de faire de concert avec lui. C’est sans doute vrai. Elle a probablement été piégée. En revanche elle aura bien du mal à expliquer qu’elle ignorait qui était l’individu, néo-nazi de notoriété publique, raciste revendiqué. Indépendamment de la gestuelle, poser avec lui pour un selfie n’était sans doute pas la meilleure façon de rassurer ces électeurs qu’elle espère attirer d’ici l’élection sur sa ligne politique simplement anti-macron. Le mauvais génie de Marine Le Pen c’est Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, venu sur le continent pour dit-il, “planter un pieu dans le cœur de l’Europe”, et qu’elle a rencontré à plusieurs reprises. La semaine dernière l’émission de France2 “envoyé spécial” révélait que le propre compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, avait invité l’activiste américain à venir participer à leurs côtés, à Paris, à des réunions “secrètes” en compagnie de hauts fonctionnaires. Là encore cela tombe bien mal. Donner l’impression de comploter avec un homme qui dit ouvertement qu’il est en guerre contre l’Europe”, n’est pas l’idéal pour quelqu’un qui se prétend le dernier rempart de la République Française contre le parti de l’Etranger!
La boule puante
Pour Jean-Luc Mélenchon ce sont plutôt les anciens amis qui posent problème. Après le départ d’un de ses plus proches, Thomas Guenolé, qui avait claqué la porte à la mi-avril, en dénonçant ses comportements d’autocrate, et le mélange des genres entretenu avec sa compagne Sophia Chirikou, c’est un élu régional du parti, animateur de sa campagne présidentielle qui le quitte pour appeler à voter… Front National! La pilule n’est pas facile à avaler. L’élu en question, Andréa Kotarac, avait déjà jeté le trouble en répondant à une convocation de Poutine, pour un rassemblement des populistes européens en Crimée. Il expliquait alors que sa présence aux côtés du Front National pour soutenir le maître du Kremlin, n’était pas un problème pour la France Insoumise, et Jean-Luc Mélenchon n’avait pas jugé utile de le démentir. Il doit le regretter amèrement. Car aujourd’hui, la seule défense possible du patron de la France Insoumise est sur le registre de la “trahison”, voire du complot: “Kotarac est le nom d’une boule puante de fin de campagne. Un coup monté”. Monté par qui? Il n’a pas osé préciser. Mais cet épisode pourrait contribuer à faire réduire encore la peau de chagrin de son électorat potentiel.
Pas touche à la statue du commandeur
Dans le cas de Raphaël Glucksmann, on ne peut même pas dire qu’il s’agisse de ses amis. Les gens qui se mettent aujourd’hui en travers de sa route, déjà bien étroite, sont des anciens ministres socialistes, ministres à une époque ou lui-même était bien loin du Parti socialiste, ignorant alors sans doute qu’il pourrait un jour être appelé à le représenter. Mais aujourd’hui quand il parle, c’est le PS qui s’exprime par sa bouche, ainsi l’a voulu la nouvelle direction du Parti socialiste emmenée par Olivier Faure. Et quand il s’attaque à la statue du commandeur, en dénonçant l’attitude de François Mitterrand lors de la guerre d’extermination du Rwanda, qualifiant le président socialiste de “complice du génocide”, le banc et l’arrière banc du Parti socialiste se révolte. Les 23 anciens ministres socialistes réclament des excuses ou à tout le moins une mise au point d’Olivier Faure se désolidarisant de son poulain. Evidemment ça fait désordre. Auprès des militants qui hésitaient déjà à s’aligner en rang derrière l’essayiste, qui n’est pas du sérail, et apparait plus comme un représentant de la bourgeoisie éclairée parisienne que du “peuple de gauche”. Et cela met dans l’embarras le premier secrétaire sommé par les caciques de son parti de désavouer son poulain à deux semaines du scrutin. Et qu’importe la vérité historique et les questions légitimes que pose l’aveuglement du Président de la République de l’époque et son obstination à soutenir les auteurs du génocide. Ces questions, Raphaël Glucksmann les soulève à raison. Mais l’enjeu du moment, c’est l’élection européenne.
L’Europe, comme le reste, c’est Lui
Dans le camp majoritaire c’est pas non plus la grande joie. Nathalie Loiseau sait depuis le jour de son annonce, maladroite, d’entrée en campagne, que pour ses amis de La République En Marche, malgré ses qualités, et en particulier sa connaissance des dossiers, elle ne fait pas rêver comme tête de liste européenne. La plupart d’entre eux ne rate pas une occasion, anonymement, de parler de son absence de charisme, voire pire. Et les nouveaux amis qui se rallient à son manque de panache ne sont pas non plus forcément un cadeau. Quand on dirige une liste appelée “Renaissance” et que l’on doit se glorifier d’être rejoint, par Jean-Pierre Raffarin qu’on croyait définitivement rangé de la politique, ou Daniel Cohn Bendit qui a annoncé sa retraite en 2014, voire par Robert Hue qu’on ne présente plus, ou se réjouir du soutien sans vote de Michel Barnier, qui après dix années à Bruxelles rêve de transformer son poste de commissaire européen, en présidence de la commission européenne… Difficile de plaider le renouveau! Sauf à miser sur son meilleur atout, le président Macron. Donc finalement, on met le président sur les affiches, on parle même d’un meeting… Nathalie Loiseau continue à faire le job, elle ne ménage pas sa peine, mais l’Europe c’est finalement d’abord l’affaire du Président… comme le reste. Comme Sarkozy en 2009 qui se plaignait (ou se réjouissait), déjà, de devoir tout faire lui-même…
Bref, la politique, l’approche des élections, c’est pas vraiment une sinécure… mais ils en redemandent tous!