Une nouvelle Europe après le virus?

Evidemment cela peut paraître indécent de parler de l’après-crise, alors que des milliers de personnes décèdent chaque jour du Coronavirus. Alors que personne n’est capable de prévoir la fin de l’épidémie, que l’on est même pas sûr de tout savoir sur son commencement, en Chine. Mais il faut en parler! Car parmi les certitudes que l’on peut partager aujourd’hui il y a celle de la crise économique sans précédent qui nous attend au sortir de l’épreuve. Jamais depuis la deuxième guerre mondiale l’économie mondiale n’avait été ainsi mise quasiment à l’arrêt pendant plusieurs semaines.

Le redémarrage économique sera difficile et coûteux. Pour la France bien sûr. La mise au chômage partiel de dizaines de milliers de salariés va annuler en quelques semaines des mois d’efforts de rigueur budgétaire de l’Etat. Les timides progrès obtenus face au chomage vont se trouver probablement neutralisés par les plans de licenciements, inévitables, ou opportuns, pour bien des entreprises après une telle période d’inactivité. Il faudra bien, le président l’a promis, revoir les rémunérations des professionnels de santé à la mesure de l’effort qu’ils auront accompli, au risque de leur propre vie, pour sauver celle des autres. Il faudra un plan d’ampleur pour relocaliser l’industrie pharmaceutique, pour moderniser les hôpitaux, il faudra aider les secteurs économiques qui auront été les plus sinistrés… Ce sont de véritables travaux d’Hercule qui attendent les dirigeants lorsque le virus aura été éradiqué. Pour les mener à bout il faudra un effort national historique. Mais cela ne suffira pas.

La bataille post épidémique passera forcément par l’Europe. Seule, la France aurait bien du mal à s’en sortir. Mais ce serait bien pire pour d’autres, les Italiens qui étaient déjà en crise avant l’arrivée du virus, et ont été les plus durement touchés en Europe, après avoir subi en première ligne aux côtés de la Grèce la crise migratoire générée par l’impuissance collective à mettre fin à la guerre en Syrie. Les Espagnols aussi qui ont d’ores et déjà payé un si lourd tribut en vies humaines. Le miraculeux redressement économique qu’avait connu le Portugal ces derniers mois ne devrait pas non plus résister à ce nouveau choc. Sans une réponse collective et solidaire, l’Europe connaîtra probablement une crise sans précédent.

Or l’Europe ne nous a pas habitués aux réponses collectives et solidaires. A l’exception du moment de la crise de 2008 où il a fallu sauver le système bancaire, les européens ont surtout démontré ces dernières années leur incapacité à prendre en charge collectivement les difficultés auxquelles ils font face. On pense évidemment à la crise migratoire, et au recul historique et honteux du droit d’asile en Europe, malgré la courageuse prise de position initiale d’Angela Merkel. Mais aussi à la crise sociale qui a durement éprouvé les peuples grec, espagnol ou portugais, et où le chacun pour soi s’est élevé au rang de devise européenne. Ou l’on a puni avant d’aider, sanctionné avant de soutenir, appauvri plutôt qu’assisté.

Demain tous les pays d’Europe seront face à un même défi: reconstruire d’abord leur système de santé, et plus généralement leur économie. Quel rôle jouera l’Union dans cette bataille qui devra mobiliser des milliards d’euros pour aboutir? Le même qu’hier? Le rôle du gendarme qui sanctionne les dépenses sociales jugées excessives? Du banquier qui profite de la faiblesse des plus atteints par la crise pour prélever des taux d’intérêt exorbitants? On a sans doute pas oublié à Athènes les visites éclair de ceux qu’on appelait “la Troïka” (FMI Banque centrale européenne et Commission) et qui venaient exiger de l’Etat grec une baisse des retraites ou du salaire minimum, en échange du droit de celui-ci à s’endetter un peu plus à des taux d’intérêt d’usuriers! Si les choses se déroulent à nouveau ainsi, si la crise économique qui s’annonce après la crise sanitaire, frappe une fois encore les pays les plus faibles et renforce les plus forts, alors les démocrates d’Europe ne pourront plus contenir les courants populistes. Alors, il sera impossible de maintenir l’illusion d’un destin commun du continent. Et l’on verra les dirigeants Chinois, Russes et Américains se disputer les dépouilles de l’Union européenne, à grand renfort de dollars.

Bien sûr le pire n’est pas certain! Mais la difficulté des discussions en cours peuvent laisser craindre que l’Union ne soit pas disposée à changer de paradigme, pour laisser un petit peu plus de place dans son modèle de pensée libéral, à la solidarité. Cette solidarité qu’on n’a pas manifesté, ou si peu, face à la crise économique et sociale dans les pays du Sud, face aux arrivées de centaines de milliers de réfugiés que leur exode dramatique conduisait inexorablement vers ces mêmes pays du sud européen, ou encore… face au virus venu de Chine.

1 réflexion sur « Une nouvelle Europe après le virus? »

  1. Bien sûr l’Europe est au pied du mur : elle devra être plus solidaire ou … ne sera plus.
    La BCE a (va) injecté(er) 750 milliards de liquidités dans le système et, si j’ai bien compris, cela a déjà aidé l’Italie dont les taux d’emprunt (pour financer sa dette publique) auraient pu, sinon, monter en flèche. Dans le sud de l’Italie, déjà, quelques citoyens n’ont plus de quoi acheter les produits de première nécessité … Il faudra donc une plus grande solidarité.
    L’Allemagne et les Pays-Bas ne veulent toujours pas d’une mutualisation de la dette européenne avec, par exemple, l’émission de “coronabons” à l’échelle de notre continent. Espérons que, comme d’habitude, la nécessité fera loi et que cela finira par arriver.
    Bien à vous.

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