Le Cororonavirus est un virus exceptionnel, parce qu’il s’adresse à tous. Tous les pays sont touchés à des degrés divers, ou du moins selon des échéanciers différents. Toutes les catégories sociales sont concernées, là encore de façon différenciée en raison du confinement -il est évidemment plus facile de vivre sans contact extérieur à deux dans une villa à la campagne qu’à cinq dans un appartement de banlieue. En tout cas même les plus puissants peuvent être concernés comme nous le démontre Boris Johnson, le premier ministre anglais, après, il faut le reconnaître, avoir manifesté quelque insouciance sur le sujet.
Tous sont frappés ou presque, comme dans la fable de La Fontaine, le mal répand la terreur, et chacun en est amené à rechercher, quel “crime de la terre” vient punir cette “fureur du Ciel”. Et là, il faut reconnaître que notre ennemi Covid 19 est généreux en explications. Chacun peut y trouver le Graal recherché pendant toute une vie militante. La preuve absolue qu’il avait toujours eu raison, que le mal est bien là où on l’a tant cherché, la concrétisation de tous les fantasmes, la preuve ultime et définitive de la force d’un destin enfin dévoilé! Et cela tout en découvrant au passage que la médecine, c’est pas si sorcier… que chacun peut avoir un avis médical autorisé… sur les réseaux sociaux et les plateaux télé!
Commençons par les arguments les plus récents, et pas forcément les plus brillants: “c’est la faute de la Chine et de l’Organisation Mondiale de la Santé”, qui complotent contre l’humanité en général et les Etats-Unis en particulier, nous a expliqué la nuit dernière un Donald Trump au sommet de sa forme, en annonçant la suspension de la subvention de son pays à l’OMS, avant de changer d’avis dix minutes plus tard. On évoquera à peine, le pasteur proche du président américain, invoquant une punition divine contre l’homosexualité… Evidemment, il y a plus sophistiqué comme raisonnement.
Par exemple le principal argument de l’extrême-droite: le coronavirus est une épidémie mondiale, à cause de la mondialisation. Sans l’afflux d’étrangers qui submerge notre pays, nous aurions pu rester tranquillement à l’abri de la contagion. CQFD! Et il n’est pas un jour sans que Marine Le Pen ne réclame une fermeture totale et immédiate des frontières, avec chevaux de frise et miradors pour dissuader les virus baladeurs. Là encore on hésite à commenter l’argumentaire tant il paraît sommaire et purement fantasmatique.
A l’extrême-gauche, on fait un peu plus raffiné: nous assistons à la crise ultime de l’ultra-libéralisme. A force de privilégier l’accumulation du capital on a fini par faire sauter toutes les protections sociales, la recherche forcenée du profit s’est traduite par le démantèlement des services sociaux, et en particulier des services de santé, par la concentration dans les pays à bas coût de main d’œuvre de l’ensemble des productions vitales pour notre société. Les Etats se sont désarmés au profit des marchés, dérégulant à tour de bras et conduisant à cette situation sanitaire incontrôlable. Et comme il faut des noms, les coupables sont les patrons et leurs obligés, les pouvoirs politiques de droite comme de gauche qui ont conduit le monde où il est aujourd’hui. Les solutions? Nationaliser à tour de bras tout ce qui est stratégique, faire payer les riches pour financer la crise, augmenter massivement les salaires, bref appliquer le programme que Jean-Luc Mélenchon et sa France insoumise proposent vainement à chaque élection. Ou écouter le revenant Montebourg qui explique en Une de Libération que c’est “l’Austérité qui se paye aujourd’hui en morts dans nos hôpitaux”. Et tant pis si “l’austérité” et “l’ultra-libéralisme” dénoncés par les uns et les autres se traduisent par un record mondial de dépenses sociales et les milliards de déficits publics accumulés depuis vingt ans. Les faits sont têtus mais la quête de vérité ne craint pas la contradiction.
Pour les écologistes, l’aubaine (seulement d’un point de vue doctrinal) Covid 19, est tout aussi réelle. Cette crise est un rappel à l’ordre ultime: “la prochaine pandémie est prévisible” si nous ne rompons pas avec “le déni de la crise écologique”, explique encore Libération en s’appuyant sur une tribune de spécialistes de l’écologie. Seraient en cause plein-mêle, l’extension des terres cultivables, l’industrialisation, la régression des espèce sauvages… Toutes dérives qui promettraient des fléaux toujours plus inattendus, et pourquoi pas un équivalent de… la grippe espagnole de 1918. Sur ce plan des pandémies en tout cas, on notera que la crise écologique ne date pas vraiment du remembrement agricole, de l’extension des pesticides, ni même… des excès du libéralisme. Mais enfin il est plus que temps de se mettre à l’abri comme nous l’explique le collapsologue Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement de Lionel Jospin, qui a déjà créé son refuge près de Rennes en espérant survivre à l’effondrement de notre civilisation.
Du côté des partis traditionnels c’est un peu plus compliqué. Bien sûr la gauche est tentée par l’argument de l’effondrement du modèle ultra-libéral, qu’est supposée encourager l’action du président Macron, l’ennemi N°1 du peuple. Mais côté affaiblissement des services publics… le dossier n’est pas bon. C’est Marisol Touraine, ministre de la santé de François Hollande, qui mit fin au stockage des masques sanitaires, elle-aussi qui assuma, après ses prédécesseurs de droite, la baisse du budget des hôpitaux… Alors même si l’amnésie est une vertu cardinale de l’homme ou la femme politique, il n’est pas si facile de dénoncer un désengagement de l’Etat dont on fut l’artisan. Mais cela n’empêche évidemment pas de trouver dans l’épidémie la preuve que le macronisme, cela ne marche pas.
A droite il n’est pas facile non plus de retomber sur ses pieds. La critique de l’ultra-libéralisme c’est pas vraiment un bon argument à défendre. Alors, après avoir prôné l’union nationale face au virus ennemi, on en revient aux fondamentaux. Quand tout va mal, c’est qu’il y a trop d’Etat, trop de fonctionnaires, trop de réglementations, trop de taxes. Et comme le gouvernement est d’un camp opposé l’Etat a évidemment tout faux. Exemple: Philippe Doute-Blazy appelle à signer une pétition pour imposer à l’Etat d’autoriser le recours à un médicament n’ayant pas fait ses preuves! Un comble pour une ancien ministre de la santé! Des élus locaux qui ont réussi à se procurer des masques sanitaires, et les réservent à leurs administrés, s’opposent à leur réquisition par l’Etat qui veut en réserver la priorité aux personnels médicaux et aux malades… Et si l’on a perdu la maîtrise de notre stock stratégique médical, à l’époque ou Xavier Bertrand était ministre de la santé de Nicolas Sarkozy (il dit qu’il n’y est pour rien), et successeur de Roselyne Bachelot qui avait constitué le stock en question sous la risée générale, c’est d’abord parce que les entreprises françaises sont ensevelies sous les charges et sont donc obligées de se délocaliser. Bref nos productions stratégiques partent à l’étranger… parce qu’il y a toujours trop d’Etat.
On l’aura compris, le Covid 19 dont chacun affirme bien haut qu’après lui “rien ne sera plus comme avant !”, est devenu l’argument ultime pour ne surtout pas remettre en question ses choix doctrinaires, et les assumer de façon encore plus dogmatique.
Pourtant il y a évidemment de quoi réfléchir et remettre nos modèles en question dans cette crise du coronavirus. Qui peut contester, qu’on y mesure les limites d’une mondialisation des échanges en mal de régulation sanitaire, sociale et environnementale. Qu’il est nécessaire de redéfinir le champ et les modalités de l’intervention de l’Etat dans le domaine économique, en sortant de la simple alternative: faire soi-même ou laisser-faire. On peut maintenir sur le territoire, au moins européen, les productions stratégiques en quantité suffisante, sans pour autant nationaliser les entreprises (par exemple en jouant sur les charges des entreprises). Et il ne suffira pas de s’assurer la disponibilité de masques et médicaments, ou d’obtenir que la Chine interdise de consommer pangolins et chauve-souris, pour éviter la prochaine crise. La nécessaire réorganisation de notre système hospitalier est elle-aussi, en premier lieu, mise en évidence par la crise.
Sur ce plan, il n’est pas contestable, et tous le reconnaissent, y compris les principaux artisans de la baisse du budget de l’hôpital, la question des moyens est réelle. On a vu à quel point les personnels indispensables aux soins d’urgence étaient en nombre insuffisant en cas d’afflux de patients. La question d’une rémunération attractive, à la hauteur de leur dévouement, est aussi posée, évidemment. Mais dans le même temps on a pu constater une baisse de la fréquentation des urgences parfois de moitié, y compris les week-ends, pendant la période d’épidémie, ce qui semble démontrer que le problème d’organisation du réseau de soins en amont de l’hôpital, avancé comme argument par l’ex-ministre Agnès Buzyn, est réel. Parmi tous ceux qui n’ont pas fréquenté les urgences, par crainte d’y rencontrer le virus, on peut supposer que la plupart auront, ou auraient, trouvé une réponse satisfaisante à leur problème en dehors du cadre hospitalier. C’est donc bien toute notre organisation de santé (privé-public, hôpital-médecine de ville, médecins- auxiliaires de santé…) qu’il faudra remettre à plat après la crise.
Mais pour que tout cela puisse se faire de façon constructive, et sans crise, il faudra que chacun tempère un peu les enthousiasmes idéologiques tirés d’une crise effectivement sans précédent. Et se souvienne que la médecine malgré ses incertitudes reste une science, qui demande pour être maîtrisée… un certain apprentissage.
Une fois passé le cap, espérons en effet une aube nouvelle…L’apprentissage de la solitude porte à la méditation et ouvre des perspectives insoupçonnées!
Pour repousser au mieux la prochaine pandémie, il me semble nécessaire de “laisser tranquille” des écosystèmes que l’humain a, méthodiquement, bouleversé, voire détruit, tout au long des dernières décennies, favorisant ainsi des contacts de plus en plus étroits entre l’animal et l’humain. Plus l’humain “s’invite” dans ces écosystèmes, plus il les déséquilibre et plus il y a de risques de passage de virus de tel ou tel animal à l’humain. Le risque me paraît, logiquement, plus important plus il y a de populations dans un endroit donné. Nous découvrirons que des actions humaines, chasser des animaux de leur milieu de vie, les chasser au sens premier du mot, auront eu et auront encore de néfastes conséquences sur nous.
Il me paraît important que nous retrouvions notre souveraineté dans le domaine de la production de médicaments.
D’autre part, ne nėgligeons pas le budget de la recherche. La famille des coronavirus est connue depuis longtemps, d’après ce que m’ont rapporté certains médecins, et on aurait, semble-t-il, interrompu les recherches ; faute de crédits.