Prudence! Cachez ce vaccin…

En suspendant “au moins jusqu’à jeudi…”, on ne sait pas bien, l’administration du vaccin Astra Zeneca, Emmanuel Macron a-t-il fait preuve 1) de prudence, 2) d’excès de précaution, 3) de précipitation, 4) de lâcheté, 5) d’un souci de cohésion européenne, 6) de dépendance à l’égard d’Angela Merkel, 7) de versatilité? 8) de tartufferie? … On pourra compléter les hypothèses manquantes.

Une chose est en tout cas certaine, la campagne de vaccination française contre la Covid 19 vient de prendre un sérieux coup de massue. Et elle n’avait pas besoin de ça! Après les polémiques sur le calendrier de démarrage trop lent, la mise en cause de la négociation européenne groupée, la contestation de la priorité donnée aux personnes les plus âgées et fragiles, les retards de livraison des fournisseurs, la méfiance des soignants à l’égard du vaccin… on pouvait difficilement faire pire. Suspendre la vaccination par précaution, en invoquant des pathologies (thromboses) apparues dans la population vaccinée à un niveau équivalent à celui que l’on observe hors contexte de vaccination, parait tout simplement absurde. Et destructeur! Quelle crédibilité pour tous ceux, médecins en premier lieu, qui tentent de convaincre depuis des semaines les patients que le vaccin est sans danger? Pour le ministre de la Santé et le Premier-ministre qui, la veille encore, réitéraient leur confiance dans le vaccin AstraZeneca? Pour l’Agence Européenne du Médicament qui doit se réunir dans la semaine sur le sujet mais affirme d’ores et déjà que le bénéfice du vaccin dans la prévention du covid l’emporte largement sur les effets indésirables? Pour l’Agence nationale de sécurité des médicaments, qui partage l’avis de l’Agence européenne, et souligne que jusqu’ici peu de cas de troubles de la coagulation ont été constatés en France, et qu’aucun décès n’est à signaler? Sans parler du discrédit jeté dans chaque famille sur ceux qui avaient réussi à convaincre leurs aînés de se faire vacciner.

Comment expliquer cette réaction en chaîne de la peur? Tant qu’on en était à la Bulgarie et la Norvège, on pouvait se moquer de leur fébrilité. Et puis, en une journée, l’Allemagne, l’Italie et la France ont basculé dans la psychose. Avec aussi peu d’arguments que la veille où l’on affirmait aussi bien à Berlin qu’à Paris qu’il n’y avait pas de problème Astra-Zeneca. Si l’on prenait les études sur les effets secondaires des vaccins contre la rougeole ou le tétanos, on arriverait sans doute à un tableau plus alarmant que celui de la vaccination contre le Covid 19. Si l’on se cantonnait aux études des problèmes circulatoires dans la population, on découvrirait chez les femmes qui prennent la pilule contraceptive, et bien sûr chez les adeptes de l’apéritif quotidien ou du tabac, des statistiques bien plus alarmantes que celles d’AstraZeneca. Et pourtant après avoir répété à l’envi que seule une campagne rapide et complète de vaccination était à même de nous sortir de la situation effroyable dans laquelle le coronavirus a plongé le monde entier, on a décidé en choeur de saboter la campagne en question. C’est complètement dingue!

Du coup l’onde de choc touche aussi l’idée européenne elle-même. Que les Allemands aient prévenu ou mis Emmanuel Macron devant le fait accompli ne change pas grand chose. Dès lors que l’Allemagne avait décidé de faire jouer un supposé principe de précaution, la France estimait qu’elle n’avait plus qu’à suivre. Et ce suivisme ne grandit pas la construction européenne. Si l’Union s’affiche comme une alliance des frilosités, une internationale de la peur, une réduction de la communauté au plus petit dénominateur commun, celui de la précaution, elle aura du mal à redonner de l’envie à ses citoyens.

Bien sûr les campagnes médiatiques incendiaires auxquelles on assiste depuis le début de l’épidémie ont de quoi refroidir les décideurs les plus vaillants. Les perquisitions chez les ministres dans le cadre d’une enquête sur le traitement de la pandémie, ne doivent pas les rassurer. Rester seuls en Europe à utiliser AstraZeneca, même avec le soutien des experts médicaux, n’était pas sans risque juridique pour les membres du gouvernement, qui ne sont pas protégés par l’immunité présidentielle. Sans doute tous ces éléments ont pesé dans le choix fait par Emmanuel Macron. Mais au final on retiendra surtout que le choix de suspendre la vaccination, fut-ce pour quelques jours, en pleine épidémie, se traduira forcément, mécaniquement, par des pertes de vies humaines, alors même qu’aucun décès en France n’a encore pu être simplement mis en relation avec le vaccin. Sans compter l’effet d’aubaine pour les adversaires de la vaccination, et donc l’effet dissuasif pour les gens qui ne sont pas encore vaccinés… Le “principe de précaution”, qui revient à inciter les responsables à s’abstenir de toute décision dont il n’a pas été scientifiquement établi qu’elle était d’une innocuité totale, est une fois encore renvoyé à son absurdité: la seule “précaution” valable contre les dangers de la vie… finalement, c’est la mort!

2 réflexions sur « Prudence! Cachez ce vaccin… »

  1. En plus d’une vraie cacophonie (dimanche 14 : Jean Castex dit qu’il ne faut pas avoir peur du vaccin AstraZeneca et lundi 15, le Président suspend l’utilisation de ce vaccin), le principe de précaution poussé à ce point me semble directement être l’enfant de l’américano- judiciarisation de nos sociétés.
    Je crois que le Président est protégé sur ce plan, mais pas ses ministres.
    Si des français décédaient par vaccinations avec l’AstraZeneca, je pense qu’une procédure judiciaire verrait vite le jour.
    A quelques heures de connaître les moyens de lutte, pensés par l’exécutif, pour freiner la propagation du virus, ce nouveau hic sur la vaccination “fait tache”.
    Nous sommes nombreux à vouloir être vaccinés, nous attendons cela depuis des mois et nous allons encore, hélas, avoir d’autres mois d’attente. C’est là que réside l’essentiel pour vraiment lutter contre cette pandémie.

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