Pass sanitaire: c’est par où la sortie?

Il y avait du monde, il y a quelques jours, dans la file d’attente devant la boutique du club pour obtenir le pass PSG, à savoir un maillot floqué “Messi”, du nom du nouvel arrivant au club parisien. On ne sait pas encore si ce “pass PSG” pourra remplacer le pass sanitaire aux yeux des stadiers du Parc des Princes… mais certains supporters ont parait-il pris les devant et couru s’inscrire sur doctolib pour ne pas rater les premières apparitions du sauveur argentin. Si c’est bien le cas, s’il concourt directement ou indirectement à la campagne de vaccination contre le Covid 19, on pourra considérer que le footballeur a commencé à justifier une (petite) partie du salaire exorbitant que lui versent les représentants de l’émir du Qatar pour taper dans un ballon français.

Nos retraités de la présidence de la République ne peuvent pas en dire autant! Certes la rémunération est sans commune mesure, mais la responsabilité sociale en principe plus importante. Aux Etats-Unis, où pourtant on ne peut pas dire, depuis le passage de Trump au moins, que le climat politique soit très apaisé, quatre anciens présidents (Obama, Bush, Clinton et Carter) se sont retrouvés par vidéos interposées, pour appeler solennellement les Américains à se faire vacciner. On attend encore l’appel commun et solennel de Nicolas Sarkozy et François Hollande en faveur de la vaccination. Voire leur injonction aux soignants pour qu’ils courent se faire vacciner au nom d’un principe simple et consubstantiel de leur vocation médicale: ne jamais prendre le risque de nuire à leurs patients! Ou encore leur mobilisation aux Antilles où malgré la catastrophe sanitaire en marche, les Martiniquais continuent de bouder les centres de vaccination. Au lieu de quoi on entend le défilé de leurs anciens adjoints, ex-ministres, et thuriféraires obstinés dénonçant en toutes circonstances la politique sanitaire du gouvernement “trop tôt, trop tard, trop peu, trop autoritaire, pas assez énergique…”, et affichant une indifférence gênée devant les manifestations du samedi que cornaquent plus ou moins ouvertement les extrémistes.

Oui mais attention, nous dit-on, il ne faut pas tout confondre! On peut être pour la vaccination et contre le pass sanitaire! On peut s’insurger contre une restriction des libertés publiques, sans pour autant prôner l’irresponsabilité sanitaire collective. C’est en tout cas la position affichée par le Parti socialiste: non au pass sanitaire, oui à la vaccination obligatoire! Le raisonnement se tient: l’objectif ne devrait pas être de contrôler la population mais bien d’arriver à un taux de vaccination suffisant pour assurer, sinon la disparition totale de la maladie, du moins un contrôle de sa progression. Donc il n’y a qu’à imposer la vaccination obligatoire! Il suffisait d’y penser!

Mais comment fait-on? Personne ne s’avance… On peut bien décréter l’obligation vaccinale, mais c’est après que cela se complique. Comment faire respecter l’obligation? On envoie une escouade de policiers visiter tous les foyers français pour contrôler que chacun est vacciné? On convoque chaque “antivax” au centre de vaccination avec obligation de venir sous peine d’amende? De prison en cas de récidive? On fait un tatouage indélébile sur chaque personne vaccinée pour que la police puisse vérifier que personne n’y échappe? Personne n’a évidemment la solution efficace et à peu près respectueuse des libertés. Qui dit obligation dit contrôle, et l’on retombe inévitablement sur quelque chose qui ressemble à un pass sanitaire. On comprend donc la discrétion des adeptes de la vaccination obligatoire opposés au pass sanitaire.

Prenons exemple sur les vaccins déjà obligatoires… Pour les enfants par exemple, on contrôle le carnet de vaccination et ceux qui ne sont pas à jour ne sont pas admis dans les écoles… Pour les personnels de santé, qui ont l’obligation d’être vaccinés entre autres contre l’hépatite B, on demande un certificat de vaccination pour pouvoir travailler dans un centre médical… Pour partir en Afrique, on présente à l’aéroport son attestation de vaccination contre la fièvre jaune… sinon on ne prend pas l’avion. Et dans tous les cas le contrôle est fait par des gens qui ne sont ni policiers ni médecins, mais employés de l’éducation nationale, d’hôpitaux, de compagnies aériennes ou d’aéroports, sans parler des restaurateurs ou caissières de supermarché qui contrôlent les cartes d’identité, comme des policiers, pour s’assurer que les chèques seront honorés. Bref, le contrôle d’une partie de la population par une autre n’est pas une innovation du pass sanitaire, et encore moins un premier pas vers la dictature ou l’instauration d’une société de surveillance généralisée, de délation sanitaire, ou chaque français serait amené à contrôler son voisin et qui nous rappellerait les sombres heures du pétainisme… comme disent le craindre les antivax du samedi.

Reste l’évidente discrimination que le pass sanitaire introduit entre vaccinés et non-vaccinés, ces derniers étant contraints pour conserver une vie normale à se faire tester régulièrement. Une discrimination qui parait d’autant plus violente qu’elle s’applique dans la vie quotidienne, et en particulier dans ces lieux emblématiques de la convivialité à la française que sont le bar et le restaurant. Là, on manie de la symbolique, on déménage de l’identité française… Limiter l’accès au bistrot de ceux qui refusent de prendre leur part de l’immunisation collective contre la pandémie, qui ne veulent pas faire passer la solidarité avec les plus fragiles avant leur droit de refuser en bloc, sans véritable raison scientifique ou sanitaire, au nom de leur liberté individuelle sacrée, ce qui leur apparait comme une violation de leur intégrité physique, c’est s’attaquer frontalement à une certaine France. De Florian Philippot, qui rêve de se refaire une notoriété, à David Rachline le maire RN de Fréjus qui prétend ne pas appliquer la loi, en passant par Asselineau qu’on croyait perdu corps et bien depuis la dernière présidentielle, voire Dieudonné et Jean-Marie Bigard les humoristes nauséeux, l’extrême-droite et les populistes les plus médiocres ne s’y sont pas trompés. Avec l’interdiction d’aller au bistrot à ceux qui refusent la solidarité minimale aux plus fragiles, c’est leur fond de commerce fait d’égoïsme paranoïaque, de rejet de l’autre, d’individualisme forcené, qui est en cause.

Il reste qu’au delà des calculs sordides et manipulations des extrémistes, ces 200000 manifestants du samedi, antivax ou anti pass, existent bel et bien. Comme existaient les gilets jaunes des débuts du quinquennat. Et nous parlent d’une frustration, d’un sentiment d’appartenir à un monde qui en revanche ne leur appartient plus. Même noyés dans un flot de fausses nouvelles et vrais délires paranoïaques, même manipulés par ceux qui espèrent en tirer quelque bénéfice politique, ici ou ailleurs, les manifestants du samedi avec -ou sans- leurs pancartes antisémites, leur rejet parfois violent de ce qui ne leur ressemble pas assez, disent une lassitude, un sentiment de déclassement, dont il faudra bien tenir compte. Tout d’abord en mettant fin dès que possible à ces contrôles sanitaires qui ont pour vocation à pousser les gens vers le vaccin, et deviendront donc caducs dès que l’épidémie sera maîtrisée. A cet égard, on aurait aimé que le gouvernement définisse dès la mise en place du dispositif les conditions sanitaires -nombre de décès, circulation du virus, pourcentage de vaccinés…- de son retrait. Les intentions y auraient gagné en clarté.

Ensuite il faudra se remettre des délires complotistes et avalanches de fausses nouvelles qui ont inondé médias et réseaux sociaux depuis plusieurs mois. Tenter de recréer un consensus minimal autour de la démarche scientifique, tellement malmenée ces derniers mois… Redonner le goût de la solidarité nationale et internationale, battu en brèche sous les coups de boutoir des égoïsmes partagés. Bref un vrai programme de restauration d’une façon de vivre ensemble, en démocratie, dans la tradition de lumière qui est la nôtre. Ça tombe bien, on entre en campagne électorale. Alors, actuel et anciens présidents, majorité sortante et oppositions, au boulot!

2 réflexions sur « Pass sanitaire: c’est par où la sortie? »

  1. parfaitement analysé-comme chaque fois- personnellement je suis beaucoup plus inquiet de la montée de fièvre des extrêmes que par la covid 19:le manque autant que la mauvaise com’ peut se payer très cher !!
    cordialement

  2. Bonjour Michel,
    Je suis tout à fait d’accord avec ton analyse.
    Cela fait plusieurs mois que je regrette :
    -l’absence d’une émission de “vulgarisation” scientifique (sur la conception
    de chacun des vaccins autorisés dans notre pays) de la part du service
    public de télévision (pourquoi ne transmettons-nous pas, à la plus grande
    échelle possible, des données très rigoureuses, scientifiques, sur ce sujet ?),
    -le manque évident d’investissement de personnalités, bien connues et très
    appréciées, afin de déclencher une forte incitation pour se faire vacciner (8
    mois après le début de la vaccination, cela ne se bouscule toujours pas …
    ces personnalités ont-elles peur de se faire traiter de collabos ?),
    -le fait que, comme tu l’écris fort justement, nous n’avons pas connaissance
    des objectifs à atteindre pour que cette pandémie soit contrôlée, il faudrait
    nous donner clairement le but à atteindre (nous comprenons bien que la
    précision soit encore difficile à donner).
    Dans son commentaire, Olivier écrit que l’essentiel de son inquiétude est la
    montée de fièvre des extrêmes. Je suis assez d’accord. Cependant, je pense
    que des séances de pédagogie, de transmission de connaissances pourraient
    un peu “dolipraniser” ces extrêmes.
    Ces derniers ont la fâcheuse habitude de “tordre” la réalité pour qu’elle soit bien
    en accord avec ce qu’il pense (voir l’intervention, sur la pandémie en Islande, d’
    un trop médiatisé professeur marseillais et la récupération quasi immédiate d’
    un homme politique qui cherche désespérément une notoriété).
    Cordialement.

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