Grand bazar électoral

C’est la grande braderie d’automne! Tout à un centime d’euro. Même les idées qui ne valent pas un clou! On croyait avoir atteint le fond l’an dernier avec les municipales et leur cortège de mesures imbéciles de villes en mal de projets d’envergure – quand les priorités allaient de la suppression du sapin de Noël municipal à l’urgence à “dégenrer” les cours de récréation, c’est à dire remplacer les terrains de foot par des copeaux de bois… – mais on continue à creuser. Chez les écologistes, encore, mais pas seulement. Tous les partis -et les candidats qui n’en ont pas aussi- semblent engagés dans une folle course au projet qui décoiffera le PAF, à la mesure qui fera mugir les réseaux sociaux, à la déclaration qui provoquera des frissons dans les chaumières.

Xavier Bertrand, le candidat le plus probable de la droite, oublie qu’il a lui-même été quelques temps aux affaires nationales et enfile les déclarations lénifiantes comme des perles magiques sur son collier de présidentiable, promettant à chaque catégorie socio-professionnelle et à chaque groupe de pression de les sauver de l’enfer du macronisme. Enfer dénoncé également sur tous les tons par Anne Hidalgo, la candidate choisie du PS, qui réserve ses promesses électorales, tout aussi peu crédibles que celles de son rival de droite, à son électorat traditionnel, les enseignants par exemple, et annonce dans la foulée, à titre de mesure d’urgence, qu’elle… abaissera la vitesse autorisée sur les autoroutes. De son côté le candidat à la primaire de la droite qui n’aura sans doute jamais lieu, Michel Barnier, range son costume d’Européen exemplaire au dressing, et se saborde en proposant de suspendre par référendum l’application des traités européens pour permettre une lutte plus musclée contre l’immigration. Populisme quand tu nous tiens…

Et puis bien sûr, il y a les candidats écologistes qui se surpassent en matière d’idées saugrenues pour nourrir leurs promesses de “décroissance”, le nouveau mantra à la mode dont en fait semblant d’oublier qu’il rime sans doute avec aggravation des inégalités ici, et ailleurs. On promet tantôt la collectivisation des voitures pour en limiter le nombre, toujours l’interdiction de prendre l’avion, parfois même la recommandation de ne se doucher que tous les deux jours et de faire pipi sous sa douche… Une candidate à la primaire écolo nous affirme de son côté que la priorité est à la “déconstruction” des hommes, et donne en exemple son compagnon qui se serait complètement “déconstruit” à sa grande joie, et pour son bonheur.

Un autre, candidat putatif non déclaré, mais qui fait tout comme s’il l’était, nous présente lui aussi sa compagne, sa jeune maîtresse en l’occurrence, à l’insu de son plein gré, mais avec la complicité de Paris-Match, à moins que ce ne fut l’inverse, le tout lui permettant d’occuper la scène politique et de vendre sa cuisine populiste, xénophobe, raciste en toute impunité, et en bénéficiant d’une récompense sondagière puisque les instituts lui promettent déjà que près de 10% des électeurs adhèreraient à ses discours haineux… Et comble d’incohérence, c’est le candidat d’extrême-gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui naguère appelait à boycotter la chaîne de télévision où Eric Zemmour tenait sa chronique haineuse, qui lui sert aujourd’hui de sparring-partner dans un duel télévisé dont on se demande bien à quoi il servira, à part crédibiliser un peu plus le potentiel candidat d’extrême-droite.

Soyons juste, la campagne présidentielle ne monte pas à la tête des seuls candidats, réels ou supposés. Il y a aussi des non-candidats, parfois même, des hommes ou femmes politiques généralement respectés, voire raisonnables, qui se laissent eux-aussi entraînés dans le maelström des idées à la mode sur les réseaux sociaux. Christiane Taubira, longtemps égérie de la gauche modérée, et des républicains sourcilleux, qui, il faut bien le dire, n’adore rien tant que s’écouter parler, nous livre un salmigondis verbeux sur la crise sanitaire, étayé par une philosophe, qu’elle bombarde experte en crise sanitaire, pour conclure que la pandémie n’en est pas une, puisqu’elle ne frappe que les plus faibles, et que pour l’heure, elle ne dispose pas “d’éléments d’informations qui lui permettraient formellement d’appeler les Guyanais à se faire vacciner…” Le problème de la Guyane c’est “la question du poids de la légitimité, de la crédibilité de la parole politique“… Mais pour l’instant, le Covid fait des ravages dans le département, où seulement un quart des personnes sont vaccinées! Décevant!

Bien sûr on pourra rétorquer que tout cela est de la faute des médias qui s’évertuent à nourrir et promouvoir les polémiques les plus inessentielles, les idées les plus marginales et saugrenues, les interlocuteurs les plus provocants, pour faire du buzz, et alimenter leurs actionnaires. Certains céderont même à la tentation du complotisme ambiant, en soupçonnant les propriétaires des médias en question de promouvoir ce bazar électoral à des fins beaucoup moins démocratiques… La vérité est sans doute beaucoup plus simple. Les journalistes, devenus animateurs de débats d’opinion, et de réseaux sociaux, cherchent simplement à maximiser l’audience de leurs happenings pseudo-informatifs, et les femmes et hommes politiques, qui ont le même problème d’audience, jouent le jeu d’autant plus volontiers qu’ils sont sans cesse sous le microscope du troisième acteur de cette cacophonie politique: les instituts de sondage, qui quotidiennement mesurent l’efficacité de leurs gesticulations.

De ce point de vue on ne peut pas dire que les résultats soient probants. Si l’on excepte le cas d’Eric Zemmour dont manifestement l’ultra-présence médiatique a influé sur les résultats observés par les sondeurs, les positions des uns et des autres dans le classement évoluent peu avec l’agitation. Faut-il y voir un message des électeurs du genre “vos polémiques permanentes ne nous intéressent pas, parlez-nous sérieusement de vos projets, et nous saurons pour qui voter…”? A la fin de la braderie!

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